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cent cinquante officiers. Les corporations (Gremios), le com→ merce et la magistrature firent entendre des protestations, enfin la désapprobation et l'inquiétude publique se manifestant toujours de plus en plus, malgré les proclamations du nouveau général en chef, le 17, il se tint un conseil militaire, où la plupart des officiers généraux présens prirent les résolutions sui

vantes :

<< 1°. Que l'état de la capitale et l'opinion publique exigent que les membres de la junte qui ont dernièrement demandé leur démission reprennent leurs fonctions, parce que ni l'armée, ni la nation n'y ont consenti.

« 2°. Que l'élection des députés sera faite selon le mode établi en Espagne, parce que ce vœu général de la nation et de l'armée est le seul motif de la grande parade du 11 novembre.

3°. Qu'aucune autre partie de la constitution espagnole ne sera mise à exécution que lorsque les cortès en auront adopté les bases avec les changemens qu'ils jugeront convenables. »

Ces résolutions portées à la junte y jetèrent la consternation dans l'âme de ceux qui avaient fait le mouvement du 11. Les membres démissionnaires y rentrèrent à la satisfaction générale, mais ils ne reprirent les rênes de l'Etat qu'après avoir exigé la démission du vice-président Silveira, qui passait pour le chef de ce mouvement et qui, voulant ensuite reprendre ses fonctions, eut ordre de sortir dans vingt-quatre heures de Lisbonne (20 nov.), et de se rendre directement à sa campagne de Canellas, sans pouvoir la quitter qu'avec la permission du gouverneur. Le général en chef Texeira Magalhaès de la Cerda fut aussi forcé d'abdiquer ses fonctions, mais avec plus de ménagemens et pour passer à la présidence d'une commission militaire.

Ces mesures, dues au courage du colonel Castro Sepulveda, mirent fin à tous les mouvemens populaires dont Lisbonne avait été agitée.............. La junte de gouvernement fit alors publier des circulaires et le texte littéral des articles de la constitution espagnole qui traitent des élections avec la modification désirée qu'il y aurait un député par trente mille habitans, et que la présidence Annuaire hist. pour 1820.

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des colléges électoraux affectée par la constitution espagnole au chef politique de la province, serait déférée dans leur sein à la pluralité des voit. Il fut en même temps annoncé qu'aucun autre article de la constitution espagnole ne serait reconnu, et qu'on laisserait aux cortès du Portugal le soin de faire la loi fondamentale du pays. Au reste, les élections se firent partout avec calme, sans distinction de castes ou de conditions: elles ont été plus favorables au clergé qu'à la noblesse qui s'est généralement tenue à l'écart.

Enfin, les députés convoqués pour le 6 janvier 1821, auxquels il était alloué par jour une indemnité d'environ 30 fr., étaient presque tous rendus à Lisbonne à la fin de l'année. La prochaine offrira le résultat de leurs travaux.

Brésil. Le cabinet de Rio-Janeiro était tout occupé des affaires de Buenos-Ayres et du soin d'attirer au Brésil des émigrés d'Europe auxquels il offrait des portions gratuites de terres avec des exemptions d'impôt pendant dix ans (ordonnance du 16 mars 1820), lorsque la nouvelle de la révolution d'Espagne et l'arrivée du maréchal Béresford vinrent le tirer de sa sécurité et attirer son attention sur une administration complétement négligée. Alors il fit un effort pour prévenir les saites du mécontentement des troupes nationales. Il envoya sans délai quelque argent pour satisfaire aux besoins les plus pressans; il chargea le maréchal, fait marquis de Campo-Mayor, de pleins-pouvoirs et d'améliorations à faire. On a vu le résultat de cette mesure. En même temps que le maréchal se présentait devant Lisbonne, arrivait au port de Rio-Janeiro, le brigantin la Providence, parti le 5 septembre, avec des dépêches qui annonçaient les événemens de Porto et les premières mesures prises par la régence de Lisbonne.

Cette nouvelle ne fit que confirmer les craintes déjà données par le maréchal Béresford; néanmoins le cabinet se flattait encore d'après le rapport de la régence que l'insurrection ne s'étendait qu'à quelques villes et villages de la province du Minho. Il résolut d'accorder une amnistie générale, d'autoriser la convocation des cortès faite par la régence, quoiqu'on en trouvât la convocation irrégulière faute du concours de S. M. La régence fut chargée de

déclarer à la nation portugaise qu'après que les cortès auraient terminé leurs travaux et soumis leurs propositions au roi, pour être sanctionnées ou refusées, S. M. ou quelqu'un de ses augustes fils, se rendrait en Portugal, pourvu que les nouvelles ultérieures donnassent l'assurance que la dignité royale ne courrait aucun danger.

Quand cette réponse arriva à Lisbonne (le 16 décembre), il n'était plus question ni de la régence, ni des anciens cortès; cependant elle fut reçue avec le respect dont les Portugais ne s'étaient point encore écartés envers l'autorité royale; ils y virent l'espérance du retour de S. M., premier désir exprimé dans les proclamations des insurgés.

Cette révolution, qui tendait à priver le Brésil de la présence du souverain, y souleva pourtant les mêmes passions. La cour attendait avec anxiété d'autres nouvelles de Lisbonne ; elles furent apportées, au commencement de novembre, par la frégate la Créole, partie après la révolution du 15, et à bord de laquelle était le comte Palmela, ancien premier ministre. Il y eut à ce sujet des conférences de cabinet, où les opinions des ministres ont été fort divisées. Selon des bruits auxquels on ne doit pas une foi entière, les uns (le duc d'Arcos, le comte de Palmela fait premier ministre en arrivant au Brésil, et le prince royal héréditaire) se seraient prononcés pour établir l'ordre constitutionnel dans le Portugal et même pour l'appliquer au Brésil; d'autres (MM. de Villanova et Tarjini) auraient été d'avis d'attendre l'effet de la mission du maréchal Béresford et de se concerter pour la marche à suivre avec les autres puissances européennes et surtout avec le cabinet britannique. Cet avis l'emporta : il explique les délais que la cour de Rio-Janeiro a mis à se prononcer sur une affaire si importante pour elle; mais il n'interrompit point les relations du Brésil avec le Portugal (1).

Cependant l'agitation des esprits se manifestait jusqu'au sein

(1) On sait que S. M. a donné son adhésion complète et illimitée à la Constitution par son décret du 24 février 1821.

du palais. Les troupes venues du Portugal avec ou après la famille royale, se montraient favorables à la révolution qui leur donnait l'espérance de retourner bientôt dans leur patrie; d'autres causes en faisaient désirer le succès dans les villes de commerce à Fernamboue et à Para.

Dans la première province il y avait eu, quelques semaines auparavant, un soulèvement excité par le mécontentement des habitans soumis à des autorités locales despotiques. Le gouverneur du pays, don Luiz d'O-Rego y avait envoyé quatre bataillons de caçadores avec trois cents hommes de cavalerie. Ils battirent les insurgés à Bonito et pacifièrent le pays d'où ils ramenèrent une quantité de prisonniers qui furent livrés à la justice. Cette exécution sévère n'arrêta point l'effervescence populaire qui fermentait sur toute la côte et qui aboutit à des révolutions dont le récit appartient à l'histoire de l'année 1821.

Il est temps de venir à celle qui occupait alors toute l'Europe.

CHAPITRE X.

SUISSE. Mouvemens dans le canton de Schaffouse.-Diète fédérale.-PIÉMONT. Etablissement d'une junte législative. — DEUX-SICILES. Etat du pays. Révolution du 1er au 7 juillet.—Changement du ministère. -Retraite du roi. — Reconnaissance de la constitution espagnole. -Entrée de l'armée constitutionnelle à Naples.-Mesures prises par le prince héréditaire, lieutenant général du royaume.-Troubles à Palerme.-Déclaration de son indépendance.-Expédition du général Florestan Pepe.-Capitulation de Palerme Ouverture du parlement de Naples.-Discours du roi.-Rapport des ministres sur la situation du royaume, de l'armée, de la marine et des finances.--CONGRÈS DE TROPPAU. - Résolutions et déclarations des souverains. — Lettres autographes au roi de Naples pour l'inviter à se rendre à Laybach.-Communication à ce sujet entre le roi et le parlement. - Agitation à Naples. — Changement du ministère.— Départ du roi.- Régence déférée au duc de Calabre.— Discussions du parlement. — Préparatifs de guerre.Suites de la révolution.

SUISSE.

Le tableau que nous avons à tracer ne nous permettant pas de nous arrêter à des événemens secondaires, nous ne ferons, avant de l'entreprendre, qu'indiquer en passant la situation de la Suisse et du Piémont..

Au mois de janvier, les paysans de vingt-cinq communes du canton de Schaffouse, mécontens de leur part de représentation dans le conseil (1) et de la répartition des impôts dont ils étaient chargés au delà de leurs moyens, avaient formé une espèce de congrès, où il fut décidé et déclaré au gouvernement cantonnal (22 janvier) que le nouveau congrès se refusait à payer les impôts et demandait la séparation du bien cantonnal de celui du chef

(1) Il n'y a guère, dans les cantons suisses, que la bourgeoisie des villes qui soit représentée; les campagnes, bien que formant la majorité de la population, n'envoient environ qu'un tiers de députés aux grands conseils.

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