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Bayés, où le calme le retint pendant deux jours. Le parlement, apprenant ce contre-temps, nomma une députation chargés de porter de nouveau au roi ses vœux et ses respects. S. M. l'açcueillit avec la même bonté et témoigna les mêmes intentions qu'elle avait montrées à Naples, mais exprimées en termes plus vagues; elle eut à supporter la douleur de nouveaux adieux à ses enfans. Enfin, le 16 au matin, le vent étant devenu favorable, le Vengeur mit à la voile et arriva le 19 en vue de Livourne, d'où le roi s'est rendu sans délai à Florence.

Cependant le prince, sur qui venait de tomber le fardeau da gouvernement au milieu de circonstances si critiques, se rendit au parlement, le 18 décembre, pour y prêter le serment constitutionnel, comme régent du royaume. On observa qu'en promettant de respecter la liberté publique et de défendre l'indépendance nationale, il réclamaît toute l'autorité que la constitution assure au pouvoir exécutif. Il recommandait surtout au parlement et au peuple d'éviter toute aggression hostile, toute défiance injurieuse, et de suivre franchement la ligne de la modération et du devoir.

Pendant quelques jours le parlement reprit, avec une espèce de sécurité, les travaux législatifs, l'examen de l'état des finances, les modifications à faire à la constitution, et la discussion de la loi sur l'abolition des majora's et des restes de la féodalité en Sicile. A ce sujet, M Natali, député de Sicile, ne craignit pas d'avancer que la révolte de Palerme était l'ouvrage de quelques intérêts menacés par la constitution, et que le peuple, aveugle sur les siens, avait servi, sans s'en douter, la cause des barons. Enfin, par des considérations tirées de la nature des choses ou des circonstances, l's sorvitudes, les droits féodaux et régaliens, furent compris dans la même suppression (décrets des 19 et 21 décembre). On ordonna même que les biens usurpés ou concédés aux barons, à tout autre titre que celui d'un prix juste et réellement payé, seraient restitués aux communes, sans admettre à cet égard aucune prescription, même de temps immémorial, ce qui devait aboutir à mettre les armes à la main des paysans contre leurs barons.

Il est inutile d'entrer dans les détails des délibérations d'un

corps, dont les travaux allaient s'écrouler au premier son de la trompette autrichienne : mais il faut se borner à donner une idéo de ceux qui peignent l'état du pays.

Il était question, depuis le message du 7 décembre, de mettre en état d'accusation tous les membres du ministère d'alors. Cependant, sur l'avis de la commission chargée d'examiner cette affaire, le parlement se contenta de délibérer sur la mise en accusation du ministre des affaires étrangères (duc de Campochiaro), et sur celle du ministre de l'intérieur (comte Zurlo), signataires l'un du message, l'autre de la circulaire aux intendans, réputée plus inconstitutionnelle que le message. Après des discussion fort animées, l'accusation fut indéfiniment ajournée (30 décembre) « attendu qu'ils avaient pu manquer aux formes constitutionnelles sans mauvaise intention. »

Dès le commencement de la révolution, il s'était élevé des dif férends entre les généraux qui y avaient plus ou moins participé, qui étaient plus ou moins avant dans l'esprit de la secte dominante. Ainsi les généraux Filangieri et Carascosa passant pour être à la tête du parti des modérés, qui penchait pour une conciliation, étaient par conséquent en butte aux déclamations et aux menaces des carbonari. L'un avait déjà été obligé de quitter le ministère de la guerre, l'autre se vit forcé de résigner le commandement de Naples. Cependant, l'aspect du danger commun sembla réunir un moment les esprits, et tous les deux consentirent à reprendre du service; on ne pensa plus qu'à se préparer à la guerre. De toutes parts on leva les milices et les gardes nationales mobiles; on les encouragea par des préférences qui don¬ nèrent de la jalousie aux troupes de ligne. On mit Gaëte et Civitella del Tronto dans un état formidable de défense. L'armée fut divisée en trois corps principaux qui se portèrent dans les plus belles positions militaires: le premier, sur le chemin d'Itri, commandé par le général Ambrosio; le second, au passage de SanGermano, aux ordres du genéral Carascosa, dernier ministre de la guerre ; et le troisième, regardé comme le plus important, sur la chaîne des Abruzzes, sous le commandement du général,

Guillaume Pepé; le tout formant ensemble, sans y compter les garnisons, une force active de 35 à 40 mille hommes de troupes de ligne, et de 50 à 60 mille hommes de milices, gardes nationales ou corps de volontaires; et pour appuyer les opérations de terre, en arma une escadre composée de frégates et de chaloupes canonnières, destinée à intercepter les convois des Autrichiens dans la mer Adriatique.

Pendant deux mois, le parlement ne fut occupé que de plans de campagne; il ne retentit que de vœux, de sermens, d'offrandes patriotiques, et de mouvemens d'éloquence guerrière, que la postérité recueille avec admiration quand le succès les a couronnés, ou qu'un généreux sacrifice les a suivis. Au fait, le petit royaume de Naples seul aux prises avec les plus redoutables puissances, n'a→ vait alors d'autre ami que l'Espagne impuissante pour le secourir. Mais un mouvement intérieur semblait agiter toute l'Italie ; des proclamations révolutionnaires, semées à profusion dans les Etats de Rome, de Toscane et de Piémont, et même dans le royaume Lombardo-Vénitien, menaçaient la Peninsule d'une conflagration universelle; il était même question dans les clubs napolitains de lever hatement le drapeau de l'indépendance italienne, de commencer la guerre, et de chercher dans une révolte générale des peuples italiens un auxiliaire qui compensât l'inégalité si évidente de forces et de ressources entre l'Autriche et Naples.

Telle était la situation des choses, lorsque S. M. Sicilienne mit pied à terre à Livourne, d'où elle se rendit à Florence. Eile y arriva le 28 décembre en même temps que les deux empereurs et leurs ministres quittaient Troppau (1) pour se rendre à Vienne et à Laybach.

Ici finit l'histoire de cette mémorable année. On sait d'ailleurs comment, à son arrivée à Laybach, le roi des Deux-Siciles trouva le congrès décidé à ne rien reconnaître de ce qui s'était fait à

(1) Le roi de Prusse était reparti dès le 21 décembre pour retourner à Berlin,

Naples, depuis le 7 juillet, et à faire occuper les Etats napolitains par une armée autrichienne qui y entrerait en amie ou en ennemie, en laissant toutefois, au monarque, le droit de donner à ses peuples une constitution compatible avec la sécurité des Etats voisins, et en harmonie avec l'ordre social de l'Europe. On a vu que le duc de Gallo ne fut appelé un moment au congrès (3ojanvier), que pour entendre la résolution invariable des souverains, et la porter au duc de Calabre, avec une lettre du roi qui invitait son fils et le parlement à céder à l'orage qui menaçait la patrie. On se souvient encore que le parlement napolitain, affectant l'attitude du sénat romain dans des circonstances non moins critiques que l'arrivée de Porsenna, des Gaulois ou d'Annibal, repoussa toute soumission, en déclarant qu'il n'avait pas le pouvoir d'adhérer à la destruction du nouvel ordre de choses; enfin, on a vu comment, au milieu de ces déclamations belliqueuses, après une seule affaire d'avant-postes à Rieti, tous les corps de l'armée napolitaine se débandèrent, ou mirent bas les armes devant l'armée autrichienne, qui fit son entrée à Naples, le 24 mars 1821, en vertu d'une capitulation conclue la veille à Aversa : ibi omnis effusus labor.....

Nous ne rappelons ici ces événemens qui appartiennent à l'histoire de l'année prochaine, nous n'en avons recueilli tous les documens qué pour offrir à nos lecteurs le tableau complet d'une révolution, dont l'espace d'une année peut affaiblir l'intérêt dans la succession des grands mouvemens dont l'Europe est toujours agitée.

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CHAPITRE XI.

TURQUIE. Déposition du grand visir. Fin de l'insurrection d'Alep.-Suite des projets du pacha d'Egypte. Mesures prises par la Porte-Ottomane contre Ali, pacha de Janina. — Origine, préparatifs et commencement de la guerre.-Prise de Lepante, de Prevesa et d'autres places. — Siége de Janina. — Résistance d'Ali. Troubles à Constantinople. — Affront fait à l'ambassadeur de Russie et satisfaction qu'il exige.-Négociations relatives à l'exécution du traité de Bucharest. Mouvemens séditieux en Servie. — PUISSANCES BARBARESQUES. Peste. Guerre entre Aiger et Tunis.-MAROC. Révolutions et guerre civile. z! *

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LA responsabilité ministérielle, dont on fait tant de bruit dans les gouvernemens représentatifs, n'est exercée ou subie nulle part avec plus de promptitude et d'effet que dans les Etats soumis au despotisme absolu, comme en Turquie : tout le bien ou le mal qui résulte des travaux de l'administration est l'ouvrage du grand visir, et son changement est toujours une révolution. Depuis quelque temps l'insubordination des pachas, l'état agité de l'empire, et les troubles de la capitale, faisaient désirer aux Musulmans un gouvernement plus ferme; il courait, sur le renvoi du grand visir, des bruits qui se sont enfin réalisés. Le 5 janvier, Derswich Mehmed pacha, chargé de ces importantes fonctions depuis deux ans, a été déposé et exilé à Gallipoli. D'après le hatti shériff qui lui donnait un successeur, il n'était privé de sa place qu'à cause de sa mauvaise santé, mais malgré cette formule polie, passée des cours de l'occident à la Porte, son renvoi, qui n'avait peut-être pas d'autre cause que la politique des sultans de ne jamais laisser long-temps le même individu dans ce poste éminent, fut généralement attribué à la faiblesse de son caractère. Son successeur Esseid-Ali-pacha, à peine âgé de quarante ans, signala son entrée au ministère par la destitution et l'exil de l'aga des jannisaires qui fut ensuite banni à Rodosto, et parvint à contenir, pour quelque temps, ce corps

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