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effrenée, ne reconnoissant ni autorité ni chef, qu'il ne restoit plus de moyen de rétabr l'ordre, et que toute ressource étoit ôtée, tout espoir détruit. Ce fut alors que je proposai au roi de partir de Paris, de venir se réfugier avec sa famille, dans quelque place frontiere où je l'environnerois de troupes fideles, persuadé que cette démarche pourroit. opérer quelque changement avantageux dans l'esprit du. peuple, déchirer le bandeau qui couvroit ses yeux et déjouer tous les factieux. Le roi et la reine s'y refuserent constamment, alléguant la promesse qu'ils avoient faite de rester à Paris auprés de l'assemblée. Je leur représentai que leur promesse, arrachée par la force, ne pouvoit les lier, mais ce fut en vain, je ne pus ébranler leur résolution,

La journée du 28 février donna lieu de renouveller au roi les mêmes instances. J'éprouvai les mêmes refus et la même constance dans ses principes, il craignoit les événemens qui pourroient résulter de sa fuite, les effets et l'accroissement s'il étoit possible de l'anarchie.

Je le dis avec vérité : la reine pensoit de même et se refusa à toutes mes propositions: Je ne perdis pas courage. J'étois convaincu que le départ du roi étoit le seul moyen de sauver l'état. Je savois que toutes les puissancrs de l'europe armeroient contre la France, qu'elles se prépareroient à lui faire la guerre, à envahir son territoire. Libre au milieu de ses troupes, le roi seul pourroit arrêter leur fureur. Sans doute alors le peuple se voyant sans moyens de défense, instruit que l'armée n'existoit plus, que ses places. étoient démantelées, que ses finances étoient épuisées, que le papier ne pouvoit suppléer au numéraire qui avoit fui de cette terre appauvrie, il auroit de lui même prévenu les vues bienfaisantes du monarque et seroit jetté dans ses bras,

Après l'arrestation du roi, du 28 avril, lorsqu'il voulut aller à Saint-Cloud, je lui renouvellai mes instances avec plus de force, en lui faisant envisager qu'il n'y avoit que ce par:i à prendre pour sauver la France, qui alloit bientôt être déchirée par une guerre civile, et mise en lambeaux par une guerre étrangere. Le bonheur ou plutôt le salut du peuple fit sur son coeur généreux l'impression que j'en attendois, et il se décida enfin; il fut résolu qu'il ́iroit à Montmedi, et que dès qu'il y seroit en sûreté, il annonceroit aux princes étrangers la démarche qu'il venoit de faire et les motifs qui l'y avoient engagé, qu'il feroit en sorte de suspendre leur vengeance. .. . . ( on rit, et l'on murmure), jusqu'à ce qu'une nouvelle assemblée qu'il auroit

convoquée

convoquée lui eût donné la satisfaction qu'il devoit attendre, et qu'elle eût réglé les droits du monarque, ainsi que ceux du peuple françois. Une proclamation devoit annoncer un nouveau corps législatif librement choisi; l'exécution des cahiers qui exprimoient seuls le vœu de la nation, qui auroient servi de base aux représentans librement choisis ; le roi devenu médiateur entre les puissances étrangeres et son peuple ( on rit). Celui-ci placé entre la crainte de voir la France devenir la proie des puissances étrangeres qui environnent ses frontieres, et l'espoir du rétablissement de l'ordre par un gouvernement circonscrit dans les bornes de la raison, auroit sans doute confié ses droits et ses intérêts à des hommes sages et éclairés, qui auroient rempli le vœu du prince et celui du peuple. Les injustices, les usurpations le regne du crime enfin, source inévitable du despotisme populaire. eût sans doute cessé; et peut être du cahos ou nous sommes, aurions-nous vu naître les beaux jours de l'empire françois, éclairés par le flambeau de la liberté.

Voilà ce que vouloit votre malheureux monarque. Malgré vous, malgré l'atrocité de ce peuple féroce, il vouloit encore son bonheur; et c'est cette seule idée qui a déterminé la démarche hardie qu'il a faite, en trompant la vigilance de M. de la Fayette, eu s'exposant à la fureur de ses satellites, et en guidant ses pas vers moi. Nul autre motif ne l'a conduit; mais votre aveuglement vous a fait repousser la main protectrice qu'il vous tendoit et va bientôt produire la destruction de l'empire fiançais. ( On rịt).

Croyez-moi, messieurs, les princes de l'Europe reconnoissent qu'ainsi que leurs peuples ils sont menacés par le monstre que vous avez enfanté; ils sont armés pour le combattre, et bientôt notre malheuse patrie ( car je lui donne encore ce nom ) n'offrira plus qu'une scène de dévastation et d'horreurs.

Je connois mieux que personne les moyens de défense que vous avez à opposer, ils sont nuls (ris). Il n'est plus tems de vous abuser, il ne l'est peut-être plus de désiller les yeux du peuple que vous avez criminellement trompé, et dont vous serez justement et sévérement punis.

Votre jugement servira d'exemple à la postérité qui vous reprochera d'avoir assassiné votre patrie dont vous pouviez prolonger la vie et la durée pendant des siècles, dont vous pouviez assurer et embellir la destinée.

C'est ainsi que doit vous parler un homme qui n'a rien à attendre de vous, auquel vous avez d'abord inspiré la Tome XXVIX. No. 2.

B

pitié et qui n'a plus pour ce peuple antropophage que du mépris, de l'indignation et de l'horreur.

Au surplus n'accusez personne de la conspiration préten. due contre ce que vous appellez la nation et contre votre infernale constitution; j'ai tout arrangé, tout reglé, tout ordonné; le roi lui-même n'a pas fait ses ordres, c'est moi seul. Et ceux qui ont dû les exécuter n'ont été instruits qu'au moment, et ils ne pouvoient y désobéir. C'est contre moi séul que doit être dirigée votre fureur sanguinaire (ris), que vous devez aiguiser vos poignards, et préparer vos poisons. J'ai voulu sauver ma patrie, j'ai voulu sauver le roi et sa famille, voilà mon crime et je ne dis pas à moi, mais à tous les rois. Et je vous annonce que si on leur ôte un cheveu de la tête avant peu il ne restera pas pierre sur pierre à Paris (éclats de rire ). Je connois les chemins, je guiderai les armées étrangeres et vous mêmes en serez responsables sur vos têtes. Cette lettre n'est que l'avant coureur du manifeste des souverains de l'europe qui vous instruiront avec des caracteres plus prononcés de ce que vous avez à faire et de ce que vous avez à craindre. Adieu; messieurs, (éclats de rire, murmures). Signé, le márquis de Bouillé.

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M. Lanjuinais: Je demanda le renvoi au comité des recherches pour découvrir l'attentat commis contre la nation.

M. Prieur: M. le président, mettez aux voix qu'il a manqué son coup.

M. Goupillau: L'adresse du paquet est-elle timbrée de Luxembourg? car je ne puis supposer que ce soit M. Bouillé qui ait écrit cela. Je crois que cela a été fait en France.

M . . . . . : Il y a des pieces de M. Bouillé au comité des recherches on peut vérifier sa signature.

M. de Noailles. C'est sa signature.

M. Ræderer. L'ordre du jour. Il ne faut pas faire l'honneur à cette lettre de la renvoyer au comité. Nous ne pouvons pas faire à cette lettre l'honneur d'un décret sinou pour passer à l'ordre du jour.

L'assemblée nationale a décrété qu'elle passeroit à l'ordre du jour.

Plusieurs membres entourent le bureau du président, ils 'confrontent l'écriture de la lettre, et prétendent qu'elle n'est pas la même que celle des ordres donnés par M. Bouillé.

M. le Président. Je dois rappeller à l'assemblée le décret qu'elle a rendu il y a quelque jours par lequel elle s'étoit déterminée à se retirer dans ses bureaux, pour faire

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la liste indicative qui devoit servir à la nomination du gouver neur de M. le dauphin; je prends les ordres de l'assemblée pour savoir si j'annoncerai cette séparation dans les bureaux. L'assemblée a décrété la nomination à demain. La séance se leve à trois heures un quart.

L'abondance des matieres m'a obligé de ne pas faire mention précédemment, de toutes les adresses qui, dans la séance extraordinaire du lundi 27, ont été lues les unes en entier, les autres par extrait. Il est trop important de faire connoître l'esprit qui regne dans l'empire francois pour ne pas tenir la promesse que j'ai faite d'en faire mention.

Adresse du directoire de département de Saone et Loire, prise par le directoire de département, celui du district de Macon et le tribunal: elle contient une proclamation aux habitans du département qui les invitent à la plus grande confiance en l'assemblée nationale, au calme, à la tranquilité, au bon ordre, et à se tenir prêts à marcher contre l'ennemi ( applaudi ).

Lettre du secrétaire perpétuel de la société d'agriculture qui annonce que pour perfectionner les laines en France, elle a fait venir aux environs de Paris un troupeau de 250 moutons de race angloise (applaudi ).

Adresse du département de Lille et Vilaine.

Nous avons reçu les 2 décrets que vous avez rendu le 21 de ce mois; nous pouvons vous assurer de la part de nos concitoyens qu'ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir la constitution que vous avez décrétée (applaudi ).

Adresse d'Eure et Loire.

Recevez, sages législateurs, le serment sacré que nous renouvellons de demeurer toujours unis par les sentimens de la fraternité françoise, et de défendre avec le courage ordinaire aux hommes libres, notre constitutiou sublime qu'on ose attaquer aujourd'hui par des efforts aussi làches que vains (applaudi ).

Adresse du département de l'Yonne, séant à Auxerre, qui exprime les mêmes sentimens pour la constitution. On a at

tenté, y est-il dit, à la liberté du restaurateur de la liberté (murmures d'improbation).

Département de la Mayenne.

Les membres composant le département de la Mayenne renouvellent à l'assemblée leur attachement inviolable à la constitution, du moment où ils ont reçu la nouvelle de l'enlevement du roi, ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la tranquillité publique.

Adresse d'Amiens.

La confiance en vos travaux et en votre patriotisme, tels ont été les sentimens que nous avons éprouvé, et nous avons arrêté de ne point nous séparer que la tranquillité ne fat retablie. Tous les citoyens n'ont qu'un vou ils jurent tous de mourir pour la constitution ( applaudi )

De Dunkerque.

C'est lors que la patrie est en danger que le patriotisme doit éclater, et que l'énergie doit paroitre sans blesser le respect dû aux loix. Législateurs, nous vous devons tout et nous vous témoignons notre reconnoissance, et nous vous prions de recevoir notre serment de toujours être fideles à la constitution que vous avec décrétée. ( Applaudi̟ ).

Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Manche.

Nous avons reçus vos décrets du 21 juin, qui nous ont appris la nouvelle du départ du roi. Cette nouvelle étoit faite pour repandré la consternation; mais nous avons surmonté cette trisse nouvelle avec énergie. Vos décrets ont été remis sur le bureau et nous avons juré de mourir pour soutenir la constitutiou et de montrer aux ennemis du bien public que notre liberté est éternelle commc dieu qui en est l'auteur applaudi).

(

Adresse des administrateurs du département de Rhone et Loire.

Notre zele et notre patriotisme s'accroîtront avec les dangers et notre confiance dans l'assemblée nationale maintiendra dans ce département la tranquilité la plns parfaite.

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