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siste dans l'emploi de la suggestion hypnotique. Les résultats de cette méthode sont extrêmement frappants. Elle permet en peu de temps d'obtenir la transformation des sentiments pervers, des habitudes automatiques, des impulsions irrésistibles.

Il est très remarquable de constater que les mêmes enfants qui se montrent absolument indociles et insociables à l'état de veille, devien nent immédiatement malléables et éducables, dès qu'ils sont plongés dans l'état d'hypnotisme.

4° ONYCHOPHAGIE

Le mot onychophagie est un néologisme que nous avons créé pour désigner l'habitude de se ronger les ongles. Cette habitude est extrêmement répandue chez les enfants. Nous avons démontré, dans un

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travail documenté, qu'elle était fréquemment associée à l'existence de stigmates de dégénérescence et à d'autres habitudes vicieuses Bien que l'onychophagie soit difficile à guérir chez les dégénérés, dès que l'on a recours à l'hypnotisme, la guérison s'obtient au contraire avec la plus grande facilité.

Voici dans toute sa simplicité le procédé dont nous vérifions chaque jour l'efficacité chez les enfants atteints d'onychophagie.

Le malade étant hypnotisé et assis dans un fauteuil, les deux avant-bras reposant sur les appuis du siège, je saisis une des mains

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et je la maintiens solidement. Je dis alors au sujet: « Essayez de porter votre main à votre bouche et de vous ronger les ongles. · Vous voyez que vous ne le pouvez pas. La pression que j'exerce sur votre main est un obstacle que vous ne pouvez vaincre. · Eh bien, lorsque les circonstances dans lesquelles l'habitude se renouvelle surviendront, vous éprouverez dans la main la même sensation de pression que vous ressentez en ce moment. Votre bras vous paraîtra lourd à soulever. Cette fois, la résistance sera constituée non plus par ma main, mais par une véritable impuissance. La force à dépenser pour vaincre la résistance vous donnera le temps de vous ressaisir, d'avoir conscience du mouvement que vous alliez exécuter et de faire intervenir votre propre volonté. » Je répète cet exercice à plusieurs reprises, pour l'une et l'autre main, et la séance est terminée.

Habituellement, les sujets éprouvent toutes les sensations suggérées. Ainsi dès le lendemain de l'opération, chaque fois que la main se soulève automatiquement pour se diriger vers la bouche, ils éprouvent nettement dans l'avant-bras une sensation qui contrarie le mouvement. Cette sensation d'arrêt est telle, que beaucoup accusent dans le bras un réel engourdissement, qui se reproduit à l'occasion de cha que mouvement d'élévation. Ces sensations sont d'ailleurs passagères. Lorsque l'action curative n'a été exercée que sur un seul bras, l'autre membre continue à céder à l'habitude automatique, et ce fait constitue une expérience de contrôle du plus grand intérêt.

CONCLUSIONS

La mise en œuvre de la méthode hypno-pédagogique, en apparence assez simple, nécessite de la part de l'opérateur une certaine compétence et des aptitudes spéciales. Nous estimons même qu'elle est une opération d'ordre essentiellement médical et qu'elle gagne à rester sous la direction d'un médecin neurologiste ou psychiâtre.

Il convient également de limiter les applications au traitement des enfants vicieux, impulsifs, récalcitrants, manifestant un penchant irrésistible vers les mauvais instincts, en un mot, aux enfants qui sont réfractaires aux procédés habituels d'éducation.

La méthode n'est applicable ni aux idiots, ni aux imbéciles, ni aux sujets atteints de débilité mentale. Son efficacité est en rapport avec le degré de développement intellectuel du sujet.

Les impulsions instinctives et automatiques qui disparaissent facilement chez les individus normaux sous l'influence de l'éducation, se montrent d'une extrême ténacité chez les dégénérés. Chez ces sujets, pour obtenir une transformation favorable, la suggestion à l'état de veille, quelle que soit l'autorité de l'éducateur, se montre impuissante. Au contraire, la suggestion acquiert une remarquable efficacité lorsqu'elle est faite dans l'état d'hypnotisme.

Nous considérons donc que dans l'application de la méthode hypno-pédagogique, ce n'est pas la suggestion, mais l'hypnotisme qui

joue le rôle prépondérant. Les guérisons obtenues par son intervention sont durables.

Nous devons ajouter que la méthode hypno-pédagogique utilisée par des médecins expérimentés est d'une innocuité absolue et ne comporte aucun inconvénient pour le sujet soumis au traitement.

BIBLIOGRAPHIE

BÉRILLON: De la Suggestion au point de vue pédagogique. (Congrès de l'Association française à Nancy, 1886.)

BÉRILLON :

De la Suggestion et de ses applications à la pédagogie. (Congrès de l'Association française de Toulouse, 1887.) BÉRILLON De la Dipsomanie et de son traitement par la suggestion. (Revue de l'Hypnotisme, 1891, 5° année, p. 47.) BÉRILLON : Les Applications de la suggestion à la pédiatrie et à l'éducation mentale des enfants vicieux ou dégénérés. (1er Congrès international de l'Hypnotisme, Paris, 1889.)

BÉRILLON L'Onychophagie, sa fréquence chez les dégénérés et son traitement psychothérapique. (Revue de l'Hypnotisme,

8e année, p. 1, 1894, et brochure, Maloine, Paris, 1894.) BÉRILLON Les Principes de la pédagogie suggestive et préventive. Congrès de Psychologie de Munich, 1896.)

BÉRILLON L'Hypnotisme et l'Orthopédie mentale. - In-12, 48 pages; Rueff, Paris. 1899.

BÉRILLON :

Le Traitement psychique de l'incontinence d'urine. (Revue de l'Hypnotisme, 8° année, 1894, p. 359.)

BÉRILLON Les Indications de la suggestion hypnotique en pédiatrie. (Congrès de médecine de Lyon, 1895.)

BÉRILLON L'Hypnotisme et la suggestion. (Conférence à l'Association française pour l'avancement des sciences, Paris. 1898.)

COMMUNICATIONS

I

Note sur le traitement de l'incontinence d'urine
par la suggestion

Par le Docteur A. CULLERRE

Directeur-médecin de l'Asile d'aliénés de La Roche-sur-Yon

Dans un mémoire publié en 1896 dans les Archives de Neurologie (1) je donnais une première statistique de 24 cas d'incontinence essentielle d'urine traités par la suggestion et m'ayant fourni 20 guérisons, 2 améliorations et 2 insuccès.

Depuis cette époque, j'ai traité 44 nouveaux sujets dans les mêmes conditions; 4 de ces malades ne s'étant présentés à ma consultation qu'une ou deux fois et n'ayant plus donné de leurs nouvelles, je ne puis les faire figurer dans ma seconde statistique qui se trouve ainsi réduite à 40 cas, m'ayant fourni 30 guérisons, 8 améliorations et 2 insuccès.

En combinant ces deux statistiques, on obtient sur 64 sujets (37 garçons, 2 filles) 50 guérisons, 10 améliorations, 4 insuccès, soit les proportions suivantes:

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Ces chiffres portent sur une pratique de huit années; on ne saurait donc les considérer comme le résultat d'une série heureuse. Leur nombre, d'autre part, est considérable pour écarter l'idée que j'ai pu avoir affaire à des cas exceptionnels. Je puis donc soutenir de nouveau, avec le petit nombre de médecins compétents qui se sont occupés de la question, que la suggestion est le traitement de choix à appliquer à l'incontinence essentielle d'urine.

Et si l'incontinence d'urine cède à la suggestion c'est que l'élément psychique joue dans sa genèse, un rôle prépondérant, sinon exclusif. J'ai développé cette idée au congrès des aliénistes et neurologistes de

(1) A. CULLERRE: L'incontinence d'urine et son traitement par la suggestion (Archives de Neurologie, 1896, no 7).

Toulouse, en 1897 (1), qu'il existe une affinité étroite entre l'incontinence essentielle d'urine et l'hystérie. La mentalité des jeunes incontinents se rapproche en effet extrêmement de celle des hystériques et sans reprendre les arguments déjà développés dans le travail précé dent, citons quelques particularités psychologiques observées dans ma seconde série de sujets et de nature à confirmer mon hypothèse.

Chez 17,5 pour 100 de mes jeunes malades, il existait, au moment du premier examen, de la polydipsie et de la polyurie, phénomène d'auto-suggestion qui est d'ailleurs le premier influencé par le traie

ment.

Une enfant de 9 ans, incontinente nocturne, depuis sa naissance, est mise à l'école. En peu de temps elle devient incontinente diurne, par l'appréhension qu'elle a de ne pouvoir garder ses urines pendant la classe. Deux ou trois séances de suggestion suffisent à la rendre continente aussi bien la nuit que le jour.

Un garçon de vingt ans, incontinent depuis son enfance, est rapi dement guéri par la suggestion. Toutefois, au bout de six mois il a une rechute pendant laquelle l'incontinence nocturne se limite exactement à la nuit du lundi au mardi de chaque semaine. Je n'ai pu avoir la clef de cette bizarre auto-suggestion, mais quelle meilleure preuve peut-on avoir de la nature psychique de l'incontinence que cette périodicité mathématique dans le retour éloigné de l'accident?

Une jeune fille de 18 ans vient me confier qu'elle doit se marier dans six mois, mais qu'elle est atteinte d'incontinence d'urine, ce qu'ignore naturellement son fiancé, et me demande de la débarrasser de cette infirmité.

Le traitement est institué et bientôt suivi de succès. Quelques mois après, je vois reparaître dans mon cabinet la jeune personne éplorée: la nuit même de ses noces, l'incontinence avait reparu! Je ne crois pas me tromper en pensant que, l'esprit hanté par la peur du retour de son infirmité, elle avait précisément provoqué ce retour en se suggestionnant elle-même.

Une femme, mère de deux enfants, l'un de 11 ans, l'autre de 8 ans, atteints d'incontinence nocturne, vient s'entendre avec moi sur le jour où elle devra m'amener ses petits malades. Elle rentre chez elle et leur annonce alors qu'elle les conduira le dimanche suivant au médecin des aliénés pour les faire soigner. A partir de ce moment le deux enfants ont été radicalement guéris de leur infirmité. (Inutile de dire que ces deux cas ne figurent pas dans ma statistique.)

Comme parmi les malades de ma première série, je relève dans la seconde, un certain nombre de sujets manifestement en puissance d'hystérie: stigmates permanents, crises convulsives, rêves somnambuliques. Chez plusieurs, ainsi que je l'ai signalé précédemment, la miction involontaire est la conclusion d'une période d'agitation oni

(1) A. CULLERRE: De l'incontinence d'urine dans ses rapports avec l'hystérie infantile (Congrès des aliénistes et neurologistes. Toulouse, 8° session, 1897).

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