Page images
PDF
EPUB

1° Lorsque l'hypnotisation consentie par le sujet n'est point parvenue à un degré suffisant d'hypotaxie ;

2° Lorsque l'hypnotisation est redoutée du sujet et de son entourage, par suite de préventions, de craintes et d'appréhensions injustifiées, mais irrésistibles;

3° Lorsque l'hypnotisation est repoussée avec entêtement par un malade ouvertement hostile à toute intervention thérapeutique, comme cela se passe dans certains cas d'aliénation ;

4° Lorsque le temps presse et que l'hypnotisation par les procédés ordinaires menace d'être obtenue tardivement; le sommeil hypnotique est plus facilement obtenu pendant la journée, quand il a été suggéré pendant le sommeil naturel.

Même lorsque la suggestion pendant le sommeil naturel a éveillé le malade ou n'est point parvenue à sa conscience, il reste à utiliser l'une ou l'autre de ses deux formes atténuées, à savoir:

1o La suggestion intersomnique, faite au sujet qui vient de s'éveiller, avant qu'il ne se rendorme à nouveau;

2o La suggestion présomnique, faite immédiatement avant qu'il ne s'endorme.

Dans ces deux cas le contenu de nos suggestions pourra facilement devenir la matière d'un rêve.

Dans les deux cas aussi, il sera bon de clore les yeux du malade et ainsi de solliciter l'activité psychique à se concentrer uniquement sur le sens auditif par l'intermédiaire duquel s'insinue notre suggestion verbale.

III

Le daltonisme et l'éducation chromatopsique pendant le sommeil hypnotique

Par M. le Dr Paul FAREZ

Pendant le sommeil hypnotique, un sens peut être exalté au détriment de tous les autres; il acquiert alors une acuité et une puissance extraordinaires; les images qui s'y rapportent en sont plus nettes et plus précises; elles sont mieux appréhendées par la conscience et se gravent profondément dans la mémoire. Partant de là, j'ai, grâce à l'hypnotisme, refait l'éducation chromatopsique d'un jeune daltonien; je lui ai appris à reconnaître et à différencier non seulement la qualité mais l'intensité d'une soixantaine de couleurs; il est maintenant capable de reproduire par l'aquarelle, avec le ton qui leur convient, les diverses variétés de couleurs que comporte chacun des exercices auxquels je le soumets. L'hypnotisme peut donc servir à redresser et à réformer les fonctions sensorielles anormales ou perverties.

IV

Importance de l'hypnotisme en psychothérapie
Par le Dr BOURDON (de Méru)

Plus on est pénétré de l'action considérable du moral sur le physique, de l'esprit sur le corps, de la fonction psychique du cerveau sur toutes les fonctions organiques, plus on est porté à utiliser cette action pour obtenir des actes utiles à la guérison.

Faire intervenir l'esprit pour guérir le corps, c'est le rôle de la suggestion, hypnotique ou non, appliquée à la thérapeutique, c'est le but de la psychothérapie.

«La thérapeutique suggestive étant basée sur cette propriété qu'a le cerveau, en tant qu'organe psychique, de chercher à réaliser les idées acceptées par lui, et, d'autre part, le fait d'endormir tous les malades étant souvent une difficulté dans la pratique, on serait assez facilement porté à admettre, que, même sans sommeil, la suggestion, qui est la mise en action d'une propriété normale, la suggestibilité, peut suffire et que, grâce à elle, et à elle seule, on peut apprendre au malade à faire œuvre d'inhibition et de dynamogénie.

I.

Ayant un jour à examiner une jeune femme, nerveuse et hypocondriaque, qui disait avoir été traitée par différents médecins, tantôt pour l'estomac, tantôt pour le cœur, tantôt pour les poumons, sans aucun résultat, je jugeai qu'elle était passible de la thérapeutique suggestive dans le sommeil hypnotique et je voulus l'endormir; mais elle demeura réfractaire à toutes les tentatives, patiemment répétées et je dus me contenter de suggestions à l'état de veille, lui affirmant qu'elle était guérie et qu'elle ne ressentirait plus rien de ce qu'elle éprouvait. Le résultat fut étonnant et dépassa mes espérances.

Peut-être que, sans apparence d'hypnose, je l'avais mise dans cet état d'hypotaxie, favorable à la suggestion; toujours est-il, qu'elle sortit de chez moi convaincue qu'elle était guérie.

C'est alors que je fus tenté de croire, avec le professeur Bernheim, que tout est dans la suggestion » ou que si tout n'est pas dans la suggestion, l'hypnotisme au moins est tout à fait secondaire ou n'est lui-même que de la suggestion.

II.

Je fus encouragé dans cette croyance par deux autres cas qui se présentèrent à quelque temps de là, tous deux à peu près semblables, tous deux consécutifs à une longue maladie et ayant résisté à tous les traitements de plusieurs médecins. Ils furent également guéris sans hypnotisme, par la suggestion à l'état de veille, aidée de

l'application d'un papier quelconque sur la région malade, pour renforcer la suggestion. C'était une sorte de suggestion médicamenteuse ou incarnée dans une pratique matérielle et qui réussit mieux que la suggestion vocale seule. Je pourrais citer d'autres faits analogues. Mais, en réalité, tout cela n'était que des exceptions, exceptions qu'on est heureux d'enregistrer, sans doute, et de réaliser quelquefois, mais qui ne se présentent que rarement et ne font pour ainsi dire, que confirmer la règle.

La règle, en effet, la grande règle, pour obtenir des résultats certains et de tous les jours, c'est la suggestion dans le sommeil hypnotique d'abord et, quand elle ne peut être employée, la suggestion dans le sommeil naturel, celle-ci étant comme le succédané de l'autre.

Le sommeil provoqué ou hypnotisme, quoique présentant parfois des difficultés et n'étant pas toujours à la portée de tous, est, au point de vue pratique, le cas le plus fréquent. Toutefois c'est l'application d'un art auquel il faut être exercé. Il y faut un entraînement spécial.

A son défaut, la suggestion dans le sommeil naturel est une méthode particulièrement précieuse, quand on peut la pratiquer, comme le fait si bien, le Dr Paul Farez; car elle présente aussi ses difficultés, quelquefois très sérieuses, surtout chez ceux qui ont le sommeil léger. Là aussi il faut une compétence particulière, outre qu'on n'a pas toujours sous la main, à la campagne surtout, les sujets ainsi endormis, faciles à réveiller, sur lesquels il faut agir avec tant de sagacité et de patience, et qu'il faut surprendre avec mille et une précautions.

La suggestion à l'état de veille, elle, est à la portée de tout le monde elle existe bien entendu et est parfois puissante, mais le plus souvent inefficace. Indépendamment de la suggestion médicamenteuse que nous lui demandons (par les pilules de mica panis, par le protoxyde d'hydrogène, etc.), elle joue même quelquefois, dans les choses de la médecine, comme dans les autres, un rôle que nous ne soupçonnons pas toujours, et cela en vertu de cette « crédivité » inhérente à l'esprit humain, dont parle Durand de Gros, et qui fait la suggestion; il serait heureux que cela existât toujours et pùt toujours suffire, mais malheureusement il n'en est pas ainsi.

Pourquoi? C'est que, justement, cette « crédivité » inhérente à l'esprit humain est limitée; elle ne suffit pas, chez la plupart, à permettre la suggestion ni à en réaliser les effets.

Parmi les moyens qui à l'état de veille peuvent exalter la crédivité ou la crédulité jusqu'à la transformer en foi, le premier de tous est la suggestion religieuse, lorsqu'elle agit sur des âmes croyantes. La foi soulève des montagnes, la foi fait des miracles, parce que la foi est aveugle, parce qu'elle ne raisonne pas, parce qu'elle supprime le contrôle et s'impose à l'imagination. L'idée religieuse actionne l'automatisme cérébral et se transforme en acte...

Les cas de guérison par la foi sont nombreux.

Mais la foi n'étant pas à la portée de tout le monde, d'autres ar

[ocr errors]

tifices peuvent renforcer la crédivité. C'est la suggestion médicamenteuse.

Le Dr Bérillon a raison de dire, avec Liébeault, que « avant de faire de la suggestion curative, il est indispensable de préparer le terrain, de plonger le sujet dans un état qui ne comporte ni discussion, ni résistance,de créer un état passif, en un mot de réaliser l'inhibition et le monoidéisme.

« L'hypotaxie », a dit fort justement le sublime précurseur Durand (de Gros), doit préparer « l'idéoplastie ».

Bernheim lui-même est bien obligé d'en convenir, quand il dit, dans son livre « Hypnotisme, suggestion, psychothérapie »:

« Parmi les moyens qui augmentent la crédivité, imposent l'idée au cerveau et facilitent sa transformation en acte, il n'en est pas de plus utile que l'hypnotisme », et surtout quand il ajoute : « C'est l'adjuvant le plus efficace, souvent le seul efficace de la suggestion. »>

Qu'on donne ou non, avec Braid, « le nom d'hypnotisme à la production du sommeil artificiel, quand il y a perte de la mémoire, de façon qu'au réveil, le patient n'ait aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant le sommeil », et que, à son exemple, avec tous les auteurs, on définisse l'hypnotisme: sommeil artificiel, nerveur ou provoqué, ou que, avec Bernheim, cette définition, n'embrassant pas la généralité des faits que produit l'hypnotisation, paraisse trop restrictive, ne paraisse pas assez compréhensive, puisque l'on peut compter jusqu'à quatre catégories de dormeurs, depuis l'hypnose profonde jusqu'à l'hypnose sans sommeil et que, avec le professeur de Nancy, l'on consente à remplacer le mot hypnotisme par celui de « état de suggestion» ou bien que, si l'on veut le conserver, le mot hypnose, état hypnotique, soit défini : « un état psychique particulier susceptible d'être provoqué, qui met en activité ou exalte à des degrés divers la suggestibilité, c'est-à-dire l'aptitude à être influencé par une idée acceptée par le cerveau et à la réaliser. »

Quelle que soit, enfin, l'interprétation, la définition que l'on veuille donner de l'état appelé hypnotisme, qu'il soit ou non nécessaire à la suggestion, qu'il soit lui-même de la suggestion ou qu'il puisse exister sans elle, comme il ne paraît pas douteux, ce qui est certain c'est que, nous devons le répéter, il la facilite singulièrement, il la rend singulièrement plus puissante, c'est que, par le développement de la suggestibilité, pour le succès de la suggestion, il faut surtout cet état pas-sif, automatique, exempt de contrôle, créé par le sommeil (quel que soit d'ailleurs le moyen employé pour le produire), état dans lequel il se produit une modification fonctionnelle de la cellule nerveuse, du neurone, que la suggestion toute seule ne suffit pas toujours à obtenir. C'est l'état qui constitue par excellence l'appoint le plus précieux à la psychothérapie.

Le domaine de celle-ci, dirons-nous avec le Dr Bérillon, est beaucoup plus étendu que celui que lui assigne M. Bernheim. D'abord, en dehors de toute suggestion, on peut recourir à l'emploi du som

« PreviousContinue »