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meil provoqué, envisagé comme procédé pour calmer l'excitation. On peut l'utiliser, avec une durée plus ou moins prolongée, dans le traitement d'un grand nombre d'états nerveux. Ce sommeil est éminemment réparateur; rien ne le vaut pour dissiper la fatigue la plus profonde. C'est un sédatif puissant; il a le plus souvent besoin d'être prolongé. Il suffit souvent à guérir ou à consolider des guérisons, à faire disparaître plus sûrement des états morbides plus ou moins rebelles.

Les malades viennent vous solliciter de le leur appliquer, parce qu'ils sentent le bienfait qu'ils en ont déjà retiré et qu'ils espèrent en retirer encore pour leur guérison définitive.

Ainsi:

I. Une jeune femme, d'abord rebelle à l'hypnotisme, difficilement hypnotisable au début et incomplètement guérie, au bout de six semaines, d'une hypocondrie avec idée fixe, lui faisant croire à l'existence d'une tumeur abdominale imaginaire, venait elle-même, après sa guérison apparente, et quand elle avait le temps, disait-elle, me demander de l'endormir et, de la laisser dormir le plus longtemps possible, selon que j'avais le temps moi-même, parce qu'elle avait remarqué que cela lui faisait beaucoup de bien de dormir, voulant ainsi compléter ou assurer sa guérison. Chaque fois elle s'en allait dans un état plus satisfaisant et c'est ainsi qu'elle put arriver à être tout à fait débarrassée de son idée fixe.

La suggestion dans une hypnose de courte durée, eût été impuissante à produire le résultat cherché, c'est-à-dire complet, et qui, finalement fut obtenu par des séances répétées de sommeil prolongé. Cela est surtout utile quand le sommeil hypnotique n'est pas très profond. II. Une autre, une jeune fillette de 13 ans, atteinte de somnambulisme diurne, avec crises nerveuses ressemblant à de l'épilepsie, épistaxis abondantes, remplaçant les règles disparues, souffle cardiaque d'origine arthritique, et qui avait en même temps un mauvais caractère, avec paresse, malpropreté, onychophagie, etc, fut dans l'espace de deux mois environ, par la suggestion hypnotique, transformée physiquement et moralement.

Ce double résultat, d'orthopédie morale et de guérison d'un état morbide complexe, ne fut obtenu que par des séances répétées de sommeil prolongé, toutes les fois qu'elle pouvait venir et longtemps. encore après sa guérison apparente. Tout cela venant en aide à la suggestion qui, seule et faite rapidement, aurait échoué ou imparfaitement réussi.

III. Une autre, jeune fille, venue de Paris à la campagne, et que j'avais guérie d'une laryngite, que l'on croyait tuberculeuse et d'une prédisposition véritable à la tuberculose, étant revenue à la campagne, surtout pour l'air et l'exercice, venait toujours à pied d'un village distant de trois lieues, sous prétexte de promenade. Comme elle s'en trouvait toujours très fatiguée, elle venait chaque fois se faire endor

mir pendant une heure, à la fois pour confirmer sa guérison et surtout, disait-elle, pour lui ôter la fatigue. Chaque fois, elle se trouvait plus forte et tout à fait reposée au réveil; elle sautait et courait en s'en allant et se sentait capable de faire une très longue course; ce qui montre que le sommeil hypnotique même sans suggestion verbale, est beaucoup plus réparateur que le sommeil naturel.

IV. J'ai guéri de jalousie, deux femmes, dont l'une, ne pouvant manger ni dormir depuis longtemps, était à l'état de squelette et considérée, par sa famille, comme perdue. La suggestion simple ou dans l'hypnose ordinaire avait été impuissante à produire un résultat satisfaisant, ce n'est que par la suggestion suivie d'un sommeil hypnotique prolongé que, contre toute attente, la guérison a pu être obtenue. V. C'est également avec des séances répétées de sommeil prolongé que la suggestion a pu me permettre d'avoir raison de plusieurs cas de tabagisme et d'alcoolisme, ce qui n'est pas, on peut le dire, un mince résultat. En effet, les difficultés sont grandes, au point de sembler quelquefois insurmontables. C'est là surtout qu'il ne faut pas négliger de revenir à la charge et de surveiller les sujets pendant longtemps. On risque fort d'échouer si l'on croit trop facilement à une guérison qui n'est qu'apparente. En pareil cas, il s'agit surtout, comme on l'a dit avec raison, de « restaurer la volonté », et, pour y arriver, il faut beaucoup de persévérance, avec le sommeil hypnotique prolongé.

Le sommeil est donc indispensable dans la plupart des cas; il est surtout efficace et puissant s'il est prolongé, même sans être toujours profond.

C'est un puissant moyen de psychothérapie, d'autant plus puissant qu'il est plus profond, sans doute, mais chacun sait que, même quand un malade n'est pas profondément endormi, il est dans un état particulier qui le rend plus suggestible et qui suffit souvent à la guérison. dans cet état qualifié d'hypotaxie, par Durand (de Gros).

Je suis convaincu que les succès que j'ai pu obtenir, dans des cas difficiles et rebelles, sont surtout dus à ce que je laissais dormir le plus longtemps possible, après les suggestions, quelquefois même toute une nuit, surtout dans un sommeil qui n'était pas profond, avec la suggestion de se réveiller à telle ou telle heure le matin et sans éprouver aucun besoin pendant la nuit.

Outre ce qu'a de profondément réparateur un tel sommeil, il semble que l'idée acceptée par le cerveau, s'y implante davantage et a plus de force pour se réaliser, se traduire en acte. La passivité prolongée augmente la puissance de la suggestion; le résultat est beaucoup plus sûr et plus définitif.

De même, il ne faut pas toujours, ainsi que le Dr Bérillon l'a dernièrement démontré à propos d'une mélancolique, et ainsi que je l'ai observé moi-même, il ne faut pas toujours vouloir atteindre à la guérison par une action continue, il faut savoir interrompre le traitement, dans certains cas, pour le reprendre, y mettre des intervalles plus

ou moins éloignés, intervalles pendant lesquels « il se fait un travail latent où les suggestions antérieures germent et mûrissent dans le domaine du subconscient, leur effet, se trouvant ensuite, pour ainsi dire, décuplé ». Mais il faut toujours revenir à l'hypnose qui devient plus facile et plus efficace.

C'est grâce à cet état du cerveau, que j'ai pu, et quelquefois en une seule séance, guérir d'incontinences nocturnes d'urine, rebelles à tous les moyens et d'habitudes vicieuses (onanisme, onychophagie, paresse, etc.), plusieurs fillettes et garçonnets qui me fuyaient pour ne pas être endormis et que la suggestion vigile avait été impuissante à modifier orthopédie morale en même temps que guérison physique.

Il en de même pour deux femmes atteintes d'idée fixe, absolument réfractaires à l'hypnotisation. Ne pouvant avoir, par le sommeil provoqué, impossible à réaliser dans ces cas, cette passivité du cerveau nécessaire à l'inhibition, je la cherchais et la trouvais, non certes sans difficulté, mais je la trouvais dans le sommeil normal transformé alors en sommeil hypnotique.

Ainsi les résultats obtenus chez certains aliénés, dans le sommeil normal, résultats qu'on n'obtiendrait pas autrement, viennent particulièrement mettre en relief l'importance de cet état passif, dépourvu de contrôle et de résistance, quand il s'agit de faire la suggestion, quand il s'agit de créer et de développer le pouvoir d'arrêt ou d'inhibition.

C'est pourquoi l'on peut se demander où en serait la thérapeutique psychique si elle en était réduite à la suggestion toute seule !

Oui, on peut plus ou moins facilement, plus ou moins souvent, réaliser les phénomènes dits hypnotiques chez des sujets qui ne sont pas endormis et qui sont dans un état particulier, favorable à la suggestion, mais le sommeil, provoqué ou naturel, est beaucoup plus sûr, beaucoup plus puissant, d'un succès beaucoup plus constant, pour réaliser ces phénomènes et il ne semble pas rationnel de se refuser à appeler sommeil tout état quelconque, à la faveur duquel cette suggestibilité, est si développée que le malade peut faire œuvre facile d'inhibition ou de dynamogénie.

Aussi notre regretté maître Dumontpallier, disait-il : « Il ne faut pas rayer de notre vocabulaire le mot hypnotisme, puisqu'il exprime un état physique qui favorise la suggestion en augmentant la suggestibilité du sujet. Gardons donc l'hypnotisme qui est un moyen, un procédé d'une grande valeur thérapeutique.

« Quelque théorie que l'on veuille donner de l'état du cerveau dans l'hypnotisme, quelque doctrine qu'on veuille soutenir sur la suggestion, restons sur le terrain pratique, et si l'on obtient du succès par la suggestion, verbale ou écrite, parce que « la foi guérit », j'ai obtenu des succès plus remarquables et plus constants avec la suggestion hypnotique. La suggestion à l'état de veille a une action thérapeutique in

déniable; la suggestion hypnotique a une action thérapeutique encore plus grande. »

La conclusion qui s'impose est donc celle-ci:

Que dans les phénomènes de l'hypnologie et de la psychologie le rôle de la suggestion soit grand, il faut bien en convenir et personne ne songe à le nier, mais dire que « tout est dans la suggestion », c'est aller vraiment trop loin, c'est méconnaître la réalité des choses, c'est restreindre « le champ d'action du moral sur le physique, de l'esprit sur le corps, de la fonction psychique du cerveau sur toutes les fonctions organiques, dont nous parlions en commençant », c'est restreindre, en un mot, le domaine de la psychothérapie en la privant de son agent le plus puissant!

SIXIÈME SÉANCE

VENDREDI 17 AOUT 1900

PRÉSIDENCE D'HONNEUR DE MM. AARS, DE CHRISTIANA

ET JAGUARIBE DE SAN PAOLO

PRÉSIDENCE DE M. JULES VOISIN.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
L'ordre du jour appelle la discussion du rapport suivant :

Rédaction d'un vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent

Les rapporteurs, MM. les Dr Bérillon et Paul Farez ont demandé à M. le Dr Durand de Gros de formuler, au sujet de la terminologie de l'hypnotisme, les considérations générales que sa compétence indiscutable et sa grande autorité pouvaient lui inspirer. M. Durand de Gros s'est empressé de déférer à leur désir et de communiquer au Congrès les résultats de sa longue expérience. Les rapporteurs ont pensé que le travail de M. Durand de Gros pouvait servir de rapport général et constituer la base de la question portée à l'ordre du jour :

De la terminologie hypnotique
Par M. le Dr J.-P. DURAND (de Gros)

Qu'est-ce que l'Hypnotisme ? C'est l'art de produire sur l'être humain certaines modifications spéciales par certains moyens déterminés dits hypnotiques.

Reste à faire connaître d'une manière distincte et précise, ces modifications et ces moyens. Mais pour cela il est nécessaire d'assigner

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