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s'endormir. Le symbolisme est un état calme, l'attente un état agité. Mais je n'insisterai pas sur ce point-ci. Quelle que soit la relation entre l'attente du demi-conscient et celle de l'inconscient et du rien, il est bien entendu, que l'attente dans la provocation du sommeil ne joue qu'un seul rôle celui d'empêcher les autres idées et surtout les autres attentes et expectatives. Pour l'idée du sommeil, du repos et du bien-être, mon attente se borne à la prétention que ces idées dureront, qu'elles ne changeront pas en d'autres idées. Et pourquoi cette attente est-elle nécessaire ? Pour empêcher toutes les recherches internes. J'ai souvent eu l'occasion de constater sur moi-même, qu'un certain état de polyidéisme même est bien compatible avec l'insomnie. Un polyidéisme visuel est même l'intermédiaire normal entre l'état de veille et le sommeil. Mais qu'est-ce qui fait que ce polyidéisme peut conduire au sommeil? C'est le fait que mon moi n'y est pour rien, c'est-à-dire que les images n'éveillent pas des expectatives. Par ce fait s'explique la supériorité des images visuelles sur les mots internes, quant à la provocation du sommeil. Les images visuelles ont la tendance de provoquer, par association, d'autres images, des sensations, des sentiments, des émotions. Par toutes ces associations, les images visuelles sont peu nuisibles à la provocation du sommeil, elles sont plutôt favorables. Mais elles ont aussi la tendance d'entraîner, par association, les mots de la langue, et par cela elles peuvent devenir nuisibles. Les mots de la langue euxmêmes ont au contraire la tendance associative de former des propo sitions, celles-ci contiennent presque toujours de l'affirmation, c'està-dire de l'attente, soit directe, soit indirecte et conditionnée. Ainsi, ce sont surtout les mots et les propositions, qui incitent le plus les recherches internes, les questions multiples, qui sont toujours à la disposition du cerveau. C'est plutôt rei état des questions et des recherches internes, cet état d'attente multiple, que le polyidéisme en soi, qui est contraire à la provocation du commeil. Le sommeil est un état purement passif, et l'état d'attente est au contraire la base première de l'activité psychique. Le sommeil le plus profond est sans doute celui qui est sans aucun rêve, sans aucune mémoire; mais le sommeil où les rêves se déroulent comme des tableaux vivants, sans éveiller des questions et des expectatives, est aussi très reposant, très bienfaisant, il se rapproche beaucoup du sommeil sans rêve. Quand, au contraire, les rêves sont agités par des expectatives, par des questions, des attentes, alors le sommeil est vraiment troublé, et il y a lieu de parler d'un état de veille partiel. C'est bien l'état d'attente, qui forme la base de toute notre vie active.

Si les sentiments se rapportent à des faits irrévocablement passés, ou bien à des symboles vagues et non localisés, alors les émotions restent passives. Si au contraire les sentiments se rapportent aux attentes et aux expectatives, les émotions tendent à l'activité. C'est sur la base de l'attente et exclusivement sur cette base, qu'il nous est possible de vouloir une chose quelconque. Quand tous les observateurs sont d'accord

sur се que les personnes bien endor

mies n'ont aucune volonté, ne peuvent pas vouloir, et pourtant qu'elles peuvent souvent très bien agir, et peuvent accomplir les actes les plus compliqués, il devient très vraisemblabe, que c'est sur tout la fonction fondamentale de l'attente et de l'expectative, qui est abolie chez ces personnes. Elles ne peuvent pas vouloir, parce qu'elles ne se posent pas de questions. C'est donc l'état d'attente, des recherches et des questions internes, qui est, selon moi, le plus opposé à la provocation du sommeil comme au sommeil lui-même, et l'hypnotiseur travaille, non seulement à fatiguer les idées et a en amoindrir la clarté et le degré de conscience, mais aussi et surtout à supprimer la recherche interne et l'attente. Pour prouver la vérité de cette thèse, on n'a qu'à constater les meilleures conditions du sommeil, et à les opposer aux meilleures conditions de l'attente, de l'expectative, de la recherche et de la question interne. Pour s'endormir, faut-il donner au visage l'expression de l'attention externe ou interne? Aucune des deux. Le visage doit avoir l'expression contraire à toute attention. Il faut se fatiguer les muscles des yeux, et c'est le contraire, qu'il faut faire pour conserver un état d'attente en vigueur. Il faut un silence externe profond. Eh bien, les bruits externes empêchent beaucoup plus le sommeil, quand ils éveillent des expectatives et des questions, que quand ils sont suivis d'une simple série d'associations. Il en est de même pour les changements brusques de la lumière. Les états du plus profond sommeil sont obtenus par des sensations auditives ou visuelles intenses et prolongées. Or, il est bien entendu que vis-à-vis de telles sensations, l'état d'attente et d'expectative devient de plus en plus impossible. Mais il y a encore une façon de poser notre question. Les médicaments qui sont les plus aptes à provoquer les états d'attention, d'expectative et d'attente, sont ceux qui empêchent le sommeil, comme le thé et ld café. Ceux qui font disparaître l'attente et l'expectative, et qui empêchent l'attention, comme l'alcool, sont favorables à la provocation du sommeil. Encore un fait remarquable à noter les médicaments, qui après un certain temps, ou pris à une certaine dose, incitent au polyidéisme, sont aussi provocateurs du sommeil, et c'est exactement dans le stade du polyidéisme et de la surexcitation, qu'on peut le mieux endormir les personnes qui ont pris ces médicaments. Ce fait est d'autant plus remarquable, que d'autre part, il a été absolument constaté que le monoidéisme normal est un remède supérieur pour s'endormir, et que le polyidéisme normal est plutôt défavorable. Il faut donc, que ce polyidéisme artificiel ait un caractère spécial, par lequel il est favorable au sommeil. Ce caractère est évidemment son caractère passif, lequel inclut la marque d'expectative et d'attente. Exactement le même peut être dit de certains états de fièvre, où un sujet, qui en état normal est réfractaire, devient suggestible et même hypnotisable. Dans cet ordre d'idées, il sera intéressant pour la psychologie de savoir, quelle est l'influence. de différentes lumières homogènes sur la provocation du sommeil, sur la suggestibilité et sur l'hypotaxie. On a constaté, que la lumière homogène bleue ou violette tend à détruire l'attention et l'activité psy

chique, et qu'au contraire la lumière homogène, orange ou rouge éveille un état particulier, où le polyidéisme se combine avec l'attention et l'activité pyschique. Le sommeil normal s'installe plus facilement dans la chambre bleue que dans la chambre rouge, ce qui est un appui fort pour ma thèse, à savoir que la provocation du sommeil dépend en premier lieu de la suppression des états d'attente, d'expectative et des recherches actives. Mais il sera intéressant pour la psychologie de recueillir du côté des hypnotiseurs les expériences toutes précises, que ces derniers peuvent faire sur la provocation du sommeil dans les différentes lumières homogènes.

Je suis d'accord avec les hypnologues allemands sur le fait, que la circonscription de la conscience, l'état de conscience partielle, d'inconscience grandement répandue, est le phénomène fondamental du sommeil artificiel. Mais il me semble qu'on ne doit pas, au profit de ce fait fondamental, oublier la différence entre l'état de conscience actif et passif, quelle que soit l'étendue de l'état en question. Ici, c'est surtout la différence entre l'action par l'association simple, des représentations et des symboles, d'un côté, et l'action des recherches fondées sur l'attente et l'expectative de l'autre côté, qu'il faut accentuer. C'est selon moi l'abolition de ces recherches internes, fondées sur l'attention et l'expectative, qui fait augmenter d'une manière éclatante l'action de l'association simple, et forme par cela la base aussi bien de l'hypotaxie que de l'idéoplastie de Durand de Gros.

Par cette analyse disparaît la raison même d'une lutte entre ceux qui soutiennent l'efficacité de la suggestion en l'état de veille, et ceux qui pour chaque suggestion efficace, prétendent un état de sommeil partiel. Cette dernière opinion, si elle peut être acceptable pour le médecin pratiquant, ne l'est plus pour le psychologue. C'est un des plus grands services qu'a rendu l'hypnotisme à la psychologie, qu'il a créé l'idée de la suggestion, même à l'état de veille. Maintenant, que nous avons reçu et accepté cette idée d'une extrême importance, nous ne la rendrons plus. Si la médecine voulait la transformer en suggestion en l'état de sommeil partiel, il faudrait ajouter, que nous sommes tous à chaque instant d'un côté ou d'autre, en état de sommeil, d'inconscience, et de demi-conscience. De cette manière, l'idée de sommeil perdrait évidemment sa signification psychologique acceptée dès les premiers âges de l'humanité. Pour la psychologie, il y a de la suggestion partout où une idée communiquée mène à un but pratique, sans que cette idée ou ce but soit accepté par la conscience comme utile aux valeurs ou aux sentiments déjà pré-établis. Par conséquent, la suggestion se réalise facilement partout où une idée communiquée fait travailler le mécanisme des associations, sans que ce travail des associations soit anticipé par des questions internes, par l'attente et par l'expectative. L'état des associations passives est donc favorable aussi bien à la suggestion qu'au sommeil naturel ou artificiel, quand au contraire l'état d'attente et d'activité est défavorable à tous ces processus. Il sera pourtant peu pratique d'appeler l'état d'attente et d'activité seul état de veille, et l'état des associations passives toujours.

sommeil. Cela n'est qu'une question de mots. Mais il vaut mieux garder la signification sacrée des vieux mots, et alors entendre par sommeil l'état d'inconscience ou de demi-conscience, et distinguer les trois états nettement caractérisés de l'état de veille: 1° l'état d'activité volontaire ; 2o l'état d'attente et des recherches internes, et 3o l'état des associations passives. C'est donc ce troisième état, qui est le milieu adéquat de la suggestion et par conséquent de la provocation du sommeil.

La suggestion phonographique

Par M. le Dr Hipp. BARADUC (de Paris)

A une époque, où toutes les médications entrent dans une voie de rigorisme scientifique, et où les méthodes de mensuration, de poids et d'enregistrement sont de plus en plus en faveur, il était logique, de dégager d'une façon précise dans cet acte complexe qui constitue une suggestion, le facteur humain suggestionneur d'un côté, et le facteur suggestion de l'autre.

On sait que la même suggestion, les mêmes paroles prononcées par la même personne, mais dans d'autres conditions ou dans un état d'esprit différent, ont une valeur effective, un rendement thérapeutique, qui n'est pas le même; à plus forte raison, une suggestion identique, faite par deux médecins différents, agira à un taux variable.

Le facteur suggestionneur est incontestable; j'ai voulu me rendre compte dans quelques cas de psychopathies, de la valeur intrinsèque de la suggestion en elle-même, en éliminant le facteur humain, et en recourant à l'emploi d'un instrument.

Je faisais disparaître ainsi, la question de rapport qui se produit forcément à la longue, entre le suggestionneur et le suggestionné, ainsi que le phénomène de confiance inspirée, pour y substituer simplément, l'expectante attention du malade, et la réaction produite par la chose dite mécaniquement venant lutter, à l'état de veille, dans ses centres automatiques trop impressionnés, contre un état psychopathique plus ou moins préétabli.

L'instrument était tout indiqué; le succès joyeux du phonographe ne pouvait qu'exercer une heureuse action sur des cerveaux psychopathiques, alors qu'il produisait, une bonne influence sur les centres nerveux pondérés.

J'ai essayé sur une dizaine de personnes, en les mettant face à face avec le phonographe, seules, en contact auditif avec le cylindre gravé pour elles, et voilà ce que j'ai constaté, en les revoyant la séance finie:

1° Une grande pause cérébrale, c'est-à-dire une sorte d'inhibition. de l'état précédent, avec un certain étonnement de l'effet produit, un changement psychique, constaté par la mensuration au biomètre des vibrations, dont la formule est améliorée.

Le malade sort du cabinet solitaire, comme d'un endroit où il vient de se passer quelque chose de sérieux pour lui. Il en sort autrement impressionné qu'il n'y était entré.

2o Il emporte le germe d'une hantise autre, que celle qui l'obsédait

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