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prendre un développement rapide à la suite de cette opération qui les met en pleine lumière.

Or, la disette de bois d'oeuvre, très sensible déjà avant la guerre, se maintiendra considérable en France pendant longtemps par suite des quantités consommées pendant la guerre, des besoins de la reconstitution nationale et de la réduction des importations que la crise du change et le développement économique des pays d'outre-mer rendront plus onéreuses.

Avec la coupe de conversion, la part du revenu qu'il est nécessaire de capitaliser pour passer à la futaie se trouve réduite autant qu'il est possible. Toutes les circonstances économiques actuelles tendent à prouver que le propriétaire en retirera un bénéfice considérable; le dernier exemple que j'ai cité illustre assez bien cette règle que confirment les cours élevés atteints aujourd'hui par les fonds boisés. La coupe de conversion exigeant surtout des baliveaux et non pas de vieilles réserves est appelée notamment à donner d'excellents résultats dans les taillis si nombreux dont toutes les réserves ont été exploitées pour les besoins de la guerre, pourvu que ces taillis remplissent les conditions nécessaires de végétation et de constitution. C'est là un point important à signaler pour l'avenir de telles forêts dont l'aspect actuel est souvent navrant.

La méthode que je préconise n'est pas seulement le fruit de longues observations personnelles. Elle a été appréciée par l'enseignement forestier qui depuis quelques années prend l'habitude de faire visiter à ses élèves les exploitations et les travaux de la forêt d'Ecouves, bien que ce massif soit d'accès difficile, en dehors des grandes voies de communication. Les maîtres de notre Ecole de Nancy y ont conduit leurs élèves de première année en 1913 et 1918; les élèves forestiers anglais de l'université d'Oxford y sont venus à deux reprises en 1919. Ces tournées sont orientées vers l'étude des trois points suivants : Pratique de la coupe de conversion dans les taillis; comparaison entre la conversion directe par coupe de conversion et la conversion par vieillissement des taillis; enrésinement des taillis impropres à la conversion par l'introduction du sapin de Normandie (abies pectinata).

Aussi, au moment où j'ai été appelé à quitter la gestion du cantonnement d'Alençon, il m'a paru que les résultats obtenus ici, l'insuccès de certains vieillissement de taillis, parallèlement le bon effet de la coupe à balivage très intense créant la futaie et détruisant le taillis à son pied étaient susceptibles d'intéresser également les forestiers de l'Etat et les propriétaires particuliers.

59. ANNÉE.

1er AOUT 1920.

VIII. 16

En treize années passées à Alençon j'ai vu sous l'effet de ces coupes bien des peuplements s'améliorer, s'enrichir et changer d'aspect. Je serais heureux si les données que j'ai recueillies encouragent et facilitent les conversions en futaie, et contribuent tout à la fois à enrichir quelque domaine boisé et embellir quelque coin de notre belle terre de France.

Alençon, 29 janvier 1920.

C.-G. AUBERT, Inspecteur des Eaux et Forêts.

LA SYLVICULTURE ET LES CHARS D'ASSAUT

Le vieil adage latin « cedant arma togæ » pourrait faire place à une paraphrase peut-être un peu osée, dont l'exactitude semble aujourd'hui vérifiée par un cas particulier intéressant la culture de nos forêts: «< cedant arma sylvæ ».

Quelques forestiers se rappellent peut-être que, vers le milieu de 1915, un camp d'instruction fut installé, par ordre du Grand quartier général, dans la forêt de Compiègne, au voisinage de l'ancien camp romain de Champlieu. Il fallait abriter nos chars d'assaut, encore à l'état d'essai, des vues indiscrètes, surtout des vues d'en haut et les mettre dans l'impossibilité d'être repérés, non seulement par l'œil d'un espion avisé, mais surtout par l'aviation ennemie. Les futaies de la VIIIe série de la forêt domaniale de Compiègne parurent toutes désignées.

Un camp de plusieurs milliers d'hectares fut organisé, entouré d'une triple rangée de fil barbelé; tous les postes forestiers furent évacués et les expériences commencèrent à l'abri de tous les regards indiscrets. Seuls, les officiers généraux, munis d'une autorisation régulière en bonne et due forme, pouvaient pénétrer dans le camp très soigneusement gardé.

Nos grands chars d'assaut reconnus bientôt trop lourds, trop visibles firent très vite place au petit « Tanck » plus mobile, moins repérable (type Renault).

Pendant près de trois ans, nos chars d'assaut évoluèrent sous les frondaisons de la forêt de Compiègne, empruntant non seulement les routes tracées, soit empierrées, soit en terrain naturel et les laissant dans quel état, je vous le laisse à supposer, mais aussi se glissant sous bois, tournoyant et vire-voltant entre les fûts des hauts perchis et des futaies, dévalant les pentes boisées, les remontant, sillonnant en un mot le massif en tous seus, non sans causer de nombreuses blessures aux arbres (écorçages, frottures, etc.), mais laissant aussi des traces heureuses au point de vue cultural. C'est de ces dernières dont nous voudrions tirer un enseignement aujourd'hui.

Les forestiers se rappellent peut-être que l'année 1918 s'est signalée par une fainée exceptionnelle dans la région du Nord. Les sillons laissés par les chars d'assaut du camp de Champlieu se sont trouvés remplis de graines qui, tombées sur un sol durci, auraient été à jamais

perdues, desséchées ou balayées par le vent, rongées par les mulots ou surtout dévorées par les pigeons ramiers, dont les vols nombreux suivent toujours l'apparition de fainées ou de glandées abondantes.

Enfouies dans les raies des tancks et recouvertes de feuilles, les faines ont trouvé un terrain favorable à une germination facile et ont donné des champs de semis, que le lapin disparu, et souhaitons qu'il ne revienne jamais! n'a pu mettre à mal et qui nous ont permis d'en mettre en pépinière ou d'en exporter dans d'autres régions.

Le char d'assaut a donc rendu là un sérieux service. Il a produit l'effet bien connu, au profit de l'ensemencement naturel, des raies creusées par les charrois, dans les coupes en exploitations. Mais il a fait mieux. Au lieu de pratiquer une ornière large, dont le fond est tassé par le fer de la roue, il crée un véritable sillon ameubli, grâce aux dentelures de sa chenille.

Il fait donc l'office d'une charrue forestière parfaite. Il pratique 'rapidement un travail de « crochetage sur un sol endurci et tassé.

Pourquoi donc n'utiliserait-on pas les chars d'assaut comme appareils de crochetage. On n'a eu garde de supprimer les Compagnies de chars d'assaut après l'armistice. C'est une arme d'avenir, aussi utile que le sous-marin et l'avion.

Ces Compagnies auront besoin de terrains variés pour faire leur apprentissage de guerre. Pourquoi, le cas échéant, lors d'une année de graine abondante (fainée ou glandée), les propriétaires forestiers ne proposeraient-ils pas à l'autorité militaire de leur prêter quelques chars d'assaut, qui évolueraient en forêt aux endroits fixés par le service forestier ou les propriétaires ?

Ils feraient à la fois double besogne utile. Ils s'exerceraient à une manœuvre difficile et à leur métier de guerre.

Ils favoriseraient la régénération de nos forêts, dont nous avons tant besoin aujourd'hui. Dans nos régions forestières dévastées. l'expérience serait intéressante à pratiquer. On profiterait des rares porte-graine encore vigoureux pour utiliser au mieux leur semence, sans craindre d'endommager un recru, qui malheureusement a souvent disparu.

On a déjà songé à utiliser le char d'assaut, comme tracteur, sur les chemins de halage. On pourrait l'employer de la même façon pour la vidange du bois. Il rendrait ainsi un double service, il favoriserait la régénération des forêts, dont on le chargerait du transport des produits << Cedant arma sylvæ » !

J. DEMORLAINE.

BIBLIOGRAPHIE

CH. GUYOT.

Le reboisement et la conservation des forêts privées. Commentaire de l'article 3 de la loi du 2 juillet 1913 et du titre Il du décret du 26 novembre 1918. Broch. gr. in-8, de 38 pages, Nancy, Berger-Levrault, 1920. Prix net: 6 francs.

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La loi du 2 juillet 1913 se compose de deux parties. Dans la première, il s'agit de forêts « publiques » appartenant aux départements, aux sociétés de secours mutuels approuvées, aux caisses d'épargne, aux associations reconnues; toute cette partie n'est point envisagée par l'auteur du commentaire, qui s'occupe exclusivement des forêts privées. Son but est d'éclairer les particuliers propriétaires de bois sur le parti qu'ils peuvent tirer de la loi du 2 juillet 1913, soit en vue de la surveillance, soit en vue de la régie plus ou moins complète de leurs forêts par les agents et les préposés de l'Administration.

La loi de 1913 est une loi de liberté, que les particuliers peuvent invoquer, sans y être jamais obligés, étant donné surtout que les tolérances actuelles pour l'utilisation du personnel administratif par ces propriétaires ne doivent point prendre fin avec la promulgation de la loi, leur survivance est au contraire formellement consacrée par le décret d'exécution.

et que

L'auteur de cette brochure passe successivement en revue les divers cas d'application de la loi de 1913 aux particuliers. Il a joint à ce commentaire les textes nécessaires à connaître pour cette application : outre l'article 3 de la loi elle-même, le décret de 1918 formant règlement d'administration publique et l'arrêté ministériel de 1919. Quant à la circulaire du directeur général des Eaux et forêts, no 858, qui porte ces textes à la connaissance du personnel de l'Administration et en précise certains détails, si elle n'est pas reproduite in-extenso, du moins des notes en rappellent les principales dispositions.

Il est difficile de prévoir dans quelle mesure la loi de 1913 recevra son application dans les bois des particuliers. Mais toutes les fois que le contrat prévu par cette loi interviendra entre un particulier et l'Administration, les agents chargés de son exécution pourront trouver dans le présent commentaire un guide sûr qui leur fera connaître l'étendue de leurs droits et de leurs devoirs.

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