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Nous signalerons encore une intervention de M. André Berthon au sujet des incendies qui éclatent si fréquemment dans les forêts méridionales, et qui, il y a deux ans, et l'année dernière, ont été une véritable calamité publique dans l'Estérel et dans les Maures. Ces incendies éclatent généralement le dimanche, c'est-à-dire un jour où ne fonctionnent ni le télégraphe, ni le téléphone et, dès lors, ils ne peuvent être combattus immédiatement. Quelles mesures ont été prises pour éviter à l'avenir de semblables désastres? Ne conviendrait-il pas d'imposer aux propriétaires de forêts particulières l'obligation d'y pratiquer des netloiements? Je voudrais, dit-il, ensuite, que des équipes volantes fussent prêtes, particulièrement le dimanche et les jours de fêtes, à recruter des gens pour lutter contre le fléau et pour établir le contre-feu qui est le moyen le plus efficace. Enfin je demande une surveillance analogue à celle qui se fait en Amérique, par avion, qui permette de se rendre compte du feu dès qu'il éclate, et de prendre, par le télégraphe et le téléphone, toutes les mesures nécessaires.

M. le sous-secrétaire d'Etat de l'Agriculture répondit que des moyens de résistance contre les incendies de forêts, notamment dans les régions des Maures et de l'Estérel, avaient été mis en œuvre. Déjà, dans ces régions, une organisation très sérieusement outillée a été instituée; des réseaux de téléphone et des équipes volantes y ont été établis. On a même installé, si ce n'est des aéroplanes, des postes-vigie. Sans doute, il y a des forêts insuffisamment entretenues et incomplètement débroussaillées; mais ceci est une des conséquencés de la guerre. Dans les forêts soumises à sa gestion, l'Administration fait tous ses efforts pour prévenir un nouveau désastre et réparer les dégâts causés... Depuis 1919, une commission nommée pour étudier la question des Maures et de l'Estérel a fait des enquêtes à ce sujet et nous nous efforcerons de tirer parti des conclusions qu'elle présentera.

M. Pierre Deyris demanda d'autre part quelles mesures avaient été prises pour donner suite à la promesse précédemment faite par le ministre de l'Agriculture d'un essai d'exploitation en régie des forêts domaniales de la région des Landes. Il demande en outre la possibilité pour le gemmeur, sous certaines conditions, de devenir propriétaire d'une partie des forêts domaniales, le rôle de l'Administration des Eaux et Forêts, en effet, étant surtout un rôle de conservation et non d'exploitation.

Sur le premier point, M. le ministre de l'Agriculture répondit que, conformément à l'engagement pris par l'un de ses prédécesseurs, l'expérience de mise en régie de l'exploitation des forêts domaniales de la région des Landes serait faite, en vue de déterminer par la pratique les résultats effectifs de la mesure préconisée.

Quant à la deuxième question concernant l'accession à la propriété, il considère que c'est une question d'ordre général, sur laquelle la Chambre sera amenée à statuer le jour où elle sera saisie de la proposition de loi déposée par M. Victor Boret et un grand nombre de ses collègues. Cette proposition de loi vise toute la question générale de l'accession à la propriété.

Nous n'avons pas besoin de signaler, en passant, à nos lecteurs le caractère dangereux de cette proposition en ce qui concerne les Forêts. Ce n'est pas au moment où l'on se préoccupe si vivement en France de l'insuffisance de notre production forestière qu'il convient de ressusciter la lamentable question de

l'aliénation du domaine forestier national. C'est au contraire son agrandissement qu'il faut envisager aujourd'hui, si l'on veut reconstituer les richesses forestières disparues pendant la guerre. On sait, d'ailleurs, que pour la propriété forestière, morcellement équivaut le plus souvent à destruction. Il y a donc lieu d'espérer que, quand cette question générale de l'accession à la propriété viendra à l'ordre du jour du Parlement, l'Administration des Eaux et Forêts saura montrer qu'il est bien dans son rôle de conservation de combattre le morcellement de la grande forêt domaniale landaise, et que l'intérêt public doit primer l'intérêt particulier des gemmeurs. Je dirai même que l'intérêt collectif et permanent de ceux-ci ne saurait être dans l'appropriation au profit de quelques-unes des parcelles d'un domaine qui peut presque indéfiniment profiter à tous.

M. Léon Pasqual appela l'attention de M. le ministre de l'Agriculture sur l'état lamentable des rivières des régions dévastées par la guerre. Il demanda au nom de la Fédération des Associations des Pêcheurs du Nord que des mesures soient prises pour repeupler ces rivières.

M. le sous-secrétaire d'Etat répondit que cette situation n'avait pas échappé à l'attention de son Administration. Déjà, on a créé depuis quelques mois à Courville, dans la Marne, un nouvel établissement de piscicultare dont la production d'alevins sera réservée aux régions libérées, et s'il n'est 'pas possible de donner immédiatement satisfaction au désir exprimé par M. Pascal, il y a lieu d'espérer que dans un avenir prochain les rivières du nord auront suffisamment de poisson pour donner satisfaction aux pêcheurs.

Enfin MM. Barthe, Mauriés et Guérin se plaignirent que l'on eût réduit le crédit du chapitre affecté aux Primes pour la destruction des sangliers. M. le sous-secrétaire d'Etat répondit que ce crédit avait été réduit sur l'avis de la Commission des finances. Cette commission estimait que la valeur d'un sanglier de poids normal est telle que la chasse en est suffisamment rémunératrice par elle-même, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter l'attrait d'une prime. Il ajouta que, conformément à la suggestion de M. Mauriès, on étudierait la possibilité de faire appel, dans les battues organisées par les lieutenants de louveterie, au concours de l'armée et de s'entendre à ce sujet avec l'autorité militaire. Au Sénat,la discussion du budget des Forêts dans la 1re séance du 26 juillet ne donna pas lieu non plus à de bien longues discussions M. Cadilhon, rendit hommage aux efforts efficaces de l'administration des Eaux et Forêts pour améliorer la situation des résiniers landais et ramener le calme dans une région troublée par les grèves; il reconnaît qu'en raison des réformes apportées dans l'exploitation des forêts domaniales et de l'unification des conditions faites aux résiniers par les concessionnaires, l'exploitation en régie du résinage dans ces forêts n'apparaissait plus comme une mesure nécessaire ; mais si elle continuait à être réclamée et à faire l'objet d'une agitation dans la région, on pourrait adopter un système transactionnel consistant à accorder de gré à gré de petites concessions de résinage aux résiniers eux-mêmes. Un système plus radical consisterait à aliéner, sinon dans la zone de protection du littoral qui doit rester intangible, du moins dans la zone intérieure un nombre respectable d'hectares qui seraient achetés par les résiniers.

M. le Ministre de l'Agriculture, tout en déclarant prendre bonne note des observations présentées, et affirmant son désir de donner satisfaction à l'ensemble des intéressés, reproduisit les réserves déjà faites à la Chambre des députés en ce qui concerne la vente des forêts.

Les mesures à prendre contre les incendies de forêts dans la région provençale eurent encore leur avocat au Sénat dans la personne de M. Louis Martin. L'honorable sénateur insista aussi pour que des indemnités fussent attribuées aux sinistrés.

Pour terminer nous mentionnerons quelques-uns des crédits affectés au budget des Forêts (Journal officiel du 1er août).

Personnel des Agents des Eaux et Forêts dans les dépar-
tements......

5,500,000
des préposés domaniaux dans les départements. 29.900.000
Indemnités diverses aux agents et préposés de tout ordre;
Rétribution aux auxiliaires, secours au personnel do-
manial.....

Amélioration et entretien des forêts et des dunes..
Pêche et pisciculture....

2.540.000

1.700.000

440.000

100,000

Améliorations pastorales et forestières.

Restauration et conservation des terrains en montagne...
Avances aux communes pour la création de chemins fo-
restiers....

Aménagements et exploitations..

Primes pour la destruction des loups et des sangliers.
Destruction des animaux nuisibles à l'agriculture dans
les forêts domaniales....

Frais d'instances....

......

2.800.000

100.000

500.000

783.333

2.250,000

Dépenses diverses et matériel du service des Eaux et Forêts. Droits d'usage. Enfin le tableau des dépenses du budget extraordinaire pour l'exercice 1920 a été établi ainsi qu'il suit :

-

Liquidation du service militaire des bois.......
Exploitations dans les forêts domaniales pour les be-
soins résultant de l'état de guerre....
Acquisition de forêts dévastées et de terrains agrico-
les ruinés par les faits de guerre, devenus impropres
à toute culture autre que la culture forestière et à
convertir en bois.....

Remise en états des parcs de Versailles et de Saint-
Cloud....

2.500.000

2,200.000

800.000

300.000

II. BUDGET DES COLONIES

Dans la discussion générale du budget des Colonics, nous signalerons une intervention intéressante de M. Georges Barthélémy sue l'utilisation de nos bois coloniaux :

"Avant la guerre, dit-il, la France était tributaire des Etats scandinaves pour l'achat des bois nécessaires, tant pour ses besoins métropolitains que pour ses besoins coloniaux. Chaque année, d'après les statistiques, nous achetions à la Suède et à la Norvège pour 300 millions de bois. Depuis 1914,

nos besoins sont devenus plus considérables encore, parce qu'en dehors des nécessités d'entretien de nos ouvrages divers, trop délaissés pendant les hostilités, nous avons dix départements complètement dévastés qu'il faut remettre en état le plus tôt possible. Nos besoins en bois ont triplé depuis 1914. Par ailleurs, le développement économique de nos colonies de l'Afrique occidentale et de l'Afrique équatoriale va exiger de notre part une consommation de bois que, d'après les estimations du programme inséré dans le projet du budget des Colonies, et les prévisions des services locaux, on peut évaluer à 300 millions pour une période de dix années.

Après avoir rendu un hommage mérité au commandant Bertin, inspecteur des Eaux et Forêts, qui envoyé spécialement par le ministère des Colonies pour étudier les ressources forestières de la Côte d'Ivoire, en a rapporté des indications très précieuses, consignées dans quatre volumes sur l'importance et l'utilisation possible de ces ressources, M. Barthélémy demande instamment que l'on crée le plus tôt possible à Paris un Office central des bois, qui serait chargé d'étudier les emplois des différentes essences, et en particulier des bois communs, qui, concurremment avec l'acajou, l'ébène, l'okoumé, le palissandre, presque seuls utilisés jusqu'ici, composent la flore forestière de nos colonies. Cette étude serait faite non seulement dans les laboratoires, mais encore dans les ateliers des usimes métropolitaines, où on mettrait en service quelques dizaines de mètres cubes de chaque espèce, et où on aurait ainsi la plus grande facilité pour reconnaître les qualités des échantillons, et en déterminer les meilleurs modes d'utilisation pratique. Cet office des bois coloniaux ou des forêts coloniales serait mis à la disposition des divers ministères et assurerait avec unité de vues, et suite dans les idées, l'approvisionnement et la mise en œuvre des bois nouveaux que ces départements pourraient utiliser. M. Bouysson vint à son tour appuyer énergiquement la thèse de M. Barthélemy en insistant d'une part sur l'intérêt financier qu'il y aurait à utiliser, dans l'œuvre de la rénovation nationale et en particulier pour les reconstructions si importantes à faire dans les régions envahies, les bois français et les bois coloniaux plutôt qu'à supporter, par l'achat de bois étrangers, l'excédent de prix résultant du change.

« Notre importation de bois coloniaux, dit-il, est déplorable : nous avons sorti de la Côte d'Ivoire, en 1919, 2.000 tonnes de bois des îles; les Anglais en ont sorti 35.000 tonnes, et les Américains 70.000. C'est évidemment faute de tonnage. Mais il faut aviser d'urgence, si vous ne voulez pas que nos colonies ne soient qu'une expression géographique. »

M. Albert Sarraut, ministre des Colonies, répondit par la déclaration sui

vante :

« Vous demandez ce que l'on a fait pour l'exploitation des forêts coloniales. Entre autres choses, je vais vous citer un fait :

« Mon prédécesseur, M. Henry Simon, avait commencé à étudier une affaire que j'ai eu l'heureuse fortune de mener à bonne fin; elle est maintenant à peu près terminée. Les six grands réseaux de chemin de fer français ont constitué un consortium pour l'exploitation des forêts de l'Afrique équatoriale. Ayant à remplacer leurs traverses, ce qui représente une dépense énorme, ils ont, sur les suggestions mêmes du ministre des Colonies, au lieu de s'adresser à l'étranger, constitué une association très importante,

dont les ressources seront employées, non seulement à l'exploitation des forêts, mais encore à la construction de la flotte qui permettra le transport du bois, le consortium dispose de capitaux qui ne sont pas inférieurs à 75 millions de francs. Récemment, je lui ai accordé une concession de plus de 100.000 hectares,qui sera sous peu mise en exploitation. Ce sera l'origine d'une série d'autres exploitations s'étendant à toutes les industries du bois. »

Et pour répondre à une observation de M. Bouysson concernant la négligence accoutumée des concessionnaires à assurer le repeuplement en bonnes essences des surfaces exploitées, il ajouta que dans les concessions en question il est dit nettement que les compagnies auraient l'obligation d'assurer le repeuplement.

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Dans la discussion du budget des régions libérées (1re séance du 8 juillet) M. Bouysson intervint à nouveau pour que le déficit de 8 millions de mètres cubes dans la production forestière nationale résultant annuellement pendant une dizaine d'années de la reconstitution des régions libérées fût couvert à l'exclusion des bois étrangers par les bois de nos colonies et avant tout par les bois à exiger de l'Allemagne en application du traité de Versailles.

M. Pierre Degrin insista à son tour pour que cessât l'ostracisme injustifié qui frappait le pin maritime dans certains cahiers des charges des services de reconstitution. «< Nos bois de pin, — dit-il, ont des qualités comme bois de construction qui peuvent rivaliser avec d'autres bois. Dans les constructions de notre région, les charpentes sont faites en bois de pinet durent des années, je pourrais dire des siècles ! »

Dans la 2o séance du 8 juillet, la Chambre des députés vota d'ailleurs sans discussion: 1o un crédit de 3.650.000 fr. pour la restauration des forêts domaniales dévastées par les faits de guerre ; 20 un crédit de 2 millions de francs pour les travaux de reconstitution forestière à effectuer par l'Etat à titre d'avances remboursables dans les bois communaux et particuliers dévastés par les faits de guerre.

Au sujet de la crise du papier.

E. C.

Les lecteurs de la Revue n'ont pas manqué d'accorder l'attention qu'il mérite à l'article consacré, dans la chronique forestière du numéro du 1er juillet dernier, à « la crise du papier », et particulièrement au commentaire si judicieux qui termine cet article. Ils auront reconnu sous les initiales du signataire un éminent forestier qui depuis longtemps préconise la mise en valeur, par le reboisement,de nos vastes landes et terres en friches et dont les leçons et exhortations adressées jusqu'aux enfants des écoles en un Manuel célèbre devraient déjà être suivies d'effet et de réalisations.

A bon droit, peut-on s'étonner que l'Académie d'agriculture, consultée sur un moyen de production nationale de la cellulose, n'ait pas

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