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1644. Quoiqu'un individu ait été déclaré commerçant, afin de justifier la contrainte par corps prononcée contre lui, dans une nouvelle instance, les juges peuvent refuser d'admettre l'existence de cette qualité considérée d'une manière absolue et permanente au point de vue de la faillite, sans violer la chose jugée par le précédent arrêt (1). A plus forte raison, les règles de la faillite ne devraient pas être appliquées à l'individu justiciable, par accident, des tribunaux de commerce, à raison de certains engagements qu'il a souscrits (Cod. com., 631), s'il ne fait pas du commerce sa profession habituelle. Il faut donc, et avant tout, que l'individu dont la faillite est poursuivie soit préalablement déclaré commerçant; mais s'il existe des incapacités à raison de l'état civil pouvant être invoquées par l'interdit, le mineur, la femme mariée, il n'existe aucune incompatibilité dérivant de la qualité, des fonctions ou du titre de celui qui fait du commerce sa profession habituelle ; les fonctionnaires, les officiers publics, les magistrats peuvent être déclarés commerçants et, par suite, faillis. Les tribunaux apprécient souverainement tout aussi bien les faits qui attribuent la qualité de commerçant que ceux qui constituent la cessation de paiements (suprà, sous l'art. 1er).

1645. Un commerçant peut avoir une maison en France et une maison en pays étranger établies l'une et l'autre sous la même raison sociale; une semblable maison constitue évidemment un établissement commercial ayant un siége en France, auquel peuvent et doivent être appliquées toutes les dispositions du Code de commerce, et notamment celles qui sont relatives à la mise en faillite du commerçant qui cesse ses paiements. Cette maison de commerce peut donc être déclarée en faillite par les tribunaux français, sauf aux créanciers à provoquer ensuite, ainsi qu'ils aviseront, devant les autorités judiciaires du lieu où est établi le second établissement dépendant de la même maison, l'application des conséquences qui résulteront de ce jugement aux termes de la législation en vigueur dans ce pays (2). En pareil cas, les tribunaux français ne suivraient

(1) Cass., 4 mai 1842 (S. V.42.1.546).
(2) Paris, 23 déc. 1847 (S. V.48.2.355).

pas la règle qui exige que la mise en faillite soit prononcée au lieu du principal établissement et non à celui de la succursale; cette règle doit être entendue dans ce sens, que c'est au lieu du principal établissement, en France, ou dans les possessions françaises (infrà, n. 1650).

1646. Les jugements rendus en pays étranger ne sont exécutoires en France qu'après avoir été soumis à l'approbation d'un tribunal français, et les jugements en déclaration de faillite ne font pas exception. Mais la demande à cet effet, serait valablement faite par simple requête il ne peut exister de motifs pour exiger que l'on agisse dans ce cas spécial par voie d'ajournement (1). Lorsqu'il s'agit, non pas de l'exécution forcée d'un jugement rendu par une juridiction étrangère, mais de vérifier, en fait, si une maison située en pays étranger est en faillite et si les demandeurs sont investis de la qualité de syndics ou mandataires des créanciers, la preuve de ce double fait peut être faite par tous les moyens, et résulter de tous documents, et particulièrement d'un certificat émané du président du tribunal de commerce qui a prononcé la faillite (2).

L'appréciation des faits qui établissent la cessation de paiement étant laissée, dans tous les cas, aux juges, les tribunaux français peuvent accueillir le jugement étranger prononçant la faillite comme suffisant pour établir le fait et la date de la cessation de paiements (3). A ce point de vue, la question de l'exécution en France des jugements de faillite rendus en pays étranger présente moins d'intérêt. Mais si aucune déclaration de faillite n'a été demandée aux tribunaux français, ni aucune exécution du jugement rendu en pays étranger, l'étranger déclaré en faillite dans son pays ne pourrait revendiquer le bénéfice de la loi française qui autorise le juge à donner mainlevée de l'emprisonnement pour dettes: « C'est là, a dit le tribunal civil de la Seine, dans un jugement en date du 21 janv. 1857, un bénéfice de la loi française, qui ne peut être invoqué par l'étranger déclaré en faillite dans son pays, et

(1) Douai, 14 août 1845 (S. V.46.2.303).

(2) Bordeaux, 29 déc. 1847 (S. V.48.2.228), et Aix, 8 juill. 1840 (S. V.44.2.263), (3) Renouard, t, 1er. p. 230.

en vertu de la loi étrangère, dont les dispositions ne sont past exécutoires contre un créancier français. »

CHAPITRE PREMIER.

De la déclaration de faillite et de ses effets.

ARTICLE 438.

3f

Tout failli sera tenu, dans les trois jours de la cessation de ses paiements, d'en faire la déclaration au greffe du tribunal de commerce de son domicile. Le jour de la cessation de paiements sera compris dans les trois jours. -En cas de faillite d'une société en nom collectif, la déclaration contiendra le nom et l'indication du domicile de chacun des associés solidaires. Elle sera faite au greffe du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siége du principal établissement de la société.

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1647. « La loi de 1858, comme l'ancien Code, a dit M. Re nouard, a donné au mot déclaration deux acceptions diverses, dont il importe de signaler la différence afin d'éviter la confu! sion dans les idées.

<«< Les art. 438, 439 et 440, et les art. 456 et 586 qui s'y réfèrent, donnent le nom de déclaration de faillite à la confession que le commerçant fait au greffe, de la cessation de sés paiements. Dans le reste de la loi, la déclaration de faillite s'entend du jugement qui proclame l'existence de la faillite. L'emploi d'un même mot en plusieurs sens est, en toute matière et surtout dans le texte des lois, une source d'équivoquero et d'obscurité. Les rédacteurs de la nouvelle loi n'ont pas aperçu et corrigé ce vice de rédaction de l'ancien Code, vice très-sensible dans l'art. 440. On y lit que la faillite est

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déclarée par jugement rendu sur la déclaration du failli »(1). La loi a voulu que l'état de faillite fut constaté et rendu public dans le plus bref délai; et elle a ordonné en conséquence au failli de faire connaître son état dans les trois jours de la cessation des paiements.

La déclaration du failli, au reste, ne lie ni les créanciers ni la justice, quant à la date réelle de la cessation de paiements; nous verrons que le tribunal a toute liberté de la faire remonter à une date plus reculée, soit d'office, soit sur la demande de toute personne intéressée.

Le commerçant qui a fait sa déclaration peut la rétracter tant que le jugement de déclaration de faillite n'est pas ren

du (2).

1648. La loi exige que la déclaration soit faite au greffe même du tribunal de commerce de son domicile.

Il n'était pas possible de laisser au commerçant qui cesse ses paiements le choix du tribunal qui connaîtra de sa faillite; ses juges naturels sont, dans tous les cas, ceux de son domicile, et il ne peut dépendre de lui de les changer, faute de se conformer aux prescriptions de l'art. 438 (3).

«Le tribunal compétent pour statuer sur la mise en faillite, dit M. Bédarride, est celui du domicile dans lequel le commerçant a exercé le commerce, alors même que ce domicile eût été abandonné après la cessation de paiements....... C'est au juge dans l'arrondissement duquel s'est réalisé la cessation de paiements, que la loi défère le jugement de la faillite, parce que seul il a une connaissance suffisante des circonstances qui ont pu motiver cette cessation, et du caractère de l'administration du failli » (4).

M. Bédarride, il faut en convenir, va un peu plus loin que la loi, ou, pour parler plus exactement, en modifie le texte; l'art. 438 ne dit pas que le tribunal compétent soit celui dans l'arrondissement duquel s'est réalisée la cessation de paiements, mais bien celui du domicile du failli: «Sans doute, ainsi que

(1) Des Faillites, t. 1er, p. 252. Sic, Bravard-Veyrières, p. 519.

(2) Bédarride, n. 57; Pardessus, n. 1097.

(3) Cass., 3 avril 1844; Dalloz, Rép., n. 79.

(4) Faillites, n. 52.- Sic, Renouard, t. 1er, p. 255.

le proclamait la Cour de Rouen, il importe à la justice comme à l'intérêt des créanciers qu'un débiteur, par un changement de domicile calculé à l'avance, ne puisse enlever la connaissance des faits de la faillite au tribunal qui peut le mieux en apprécier la portée; » mais ce qui importe encore plus, c'est d'exécuter la loi, et aussi le même arrêt que nous venons de citer avait-il eu soin de poser d'abord en fait que le failli avait depuis plusieurs années son domicile à Rouen; que, de la production des registres de la commune où il avait transporté sa résidence, naissait la preuve qu'il n'avait pas rempli toutes les formalités exigées par les art. 105 et 104, C. Nap., pour la constatation légale de la translation de son domicile, et que les circonstances de la cause n'établissaient pas suffisamment le fait de son habitation à Pont-Saint-Pierre, joint à l'intention d'y fixer sérieusement son principal établissement (1). Les juges pourront donc se montrer extrêmement sévères dans l'appréciation des faits qui constituent le changement de domicile; mais, s'ils reconnaissent que le domicile est bien réellement, au moment où la déclaration de faillite est demandée au tribunal, différent du lieu où le failli exerçait son commerce et où a commencé la cessation de paiements, il faudra bien dire avec la Cour de Bourges : « qu'aux termes de droit, il appartient au tribunal de son domicile de la déclarer » (2).

1649. Conformément à ces règles, et d'accord cette fois avec l'intérêt des créanciers et de la bonne administration de la justice, c'est au lieu où le failli a son principal établissement, que la faillite doit être proclamée par le tribunal, et c'est une question nécessairement abandonnée à l'appréciation des juges que de déterminer, d'après les circonstances, quel est le principal établissement, soit du commerçant isolé, soit de la société commerciale en faillite. Aucune convention particulière ne peut priver les créanciers du bénéfice de cette disposition; la loi nouvelle a dû faire cesser toute controverse (3).

(1) Rouen, 19 déc. 1842 (S.V.43.2.401).
(2) Bourges, 19 juin 1839 (S.V.39.2.525).

(3) Cass., 19 avril 1838, 6 avril 1840, 2 déc. 1840, 7 déc, 1841, 28 nov. 1842 S.V.38.1.9 23, 40.1.790, 41.1.125, 42.1.361, 43.1.42).

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