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répéter, à un paiement intégral; ou ne faudra-t-il les admettre que pour la somme effective qu'ils ont donnée à leurs créanciers? Nous nous écartons de plus en plus de l'art. 543. Les principes exceptionnels sans doute, mais admis par l'art. 545, nous semblent donner une solution facile, si l'on ne veut point les déserter.

Le paiement fait par le tiré, ayant pour effet de le libérer envers la faillite du tireur, doit également libérer la faillite du donneur d'ordre à l'égard de la faillite de ce même tireur; il était libre de ne pas accepter le mandat qui lui était donné, et de ne pas s'engager en mettant sa signature au bas d'une lettre de change; mais nous dirons encore: le dividende convenu avec les créanciers a le même effet qu'aurait eu le paiement intégral; et l'accepteur seul, qui a payé réellement ou en monnaie de faillite, sans avoir provision, a son recours contre la faillite du donneur d'ordre. C'est, selon nous, l'exacte application des règles établies par l'art. 543 (1).

M. Pardessus qui a examiné cette question s'exprime ainsi : << Peut-être au premier coup d'oeil, l'équité semblerait commander un partage du dividende entre les deux masses. C'est effectivement ce qui a été jugé par deux arrêts (Cass., 27 août 1852, D.P.33.1.19, et rejet 23 déc. 1834, D.P.35.1.77); mais les principes nous semblent s'y opposer » (2). Cet auteur, toutefois, pense que c'est le tireur pour compte, et non l'accepteur qui doit être admis à la faillite du donneur d'ordre ; nous avons dit par quel motif nous adoptions une opinion différente que nous croyons plus conforme au principe invariable reconnu par M. Pardessus lui-même en cette matière, « que le dividende payé par une masse sur la créance qui y a figuré, la représente tout entière »> (3); si l'accepteur à découvert est censé avoir payé, le tireur n'a rien à réclamer; et l'accepteur, au contraire, a action contre le donneur d'ordre.

C'est par application de ces principes qu'il a été jugé avec

(1) L'arrêt de la Cour de cass., du 25 mars 1839 (S. V.39.1.369), cité quelquefois sur la question, statue sur une espèce différente.

(2) Droit comm., n. 1214-2o.

(3) Pardessus, n. 1214-1o:

raison que celui qui a reçu des effets en compte courant, qui les a négociés et en a reçu la valeur, mais qui plus tard a remboursé cette valeur au tiers porteur, ne peut les effacer dans le crédit du remettant tombé en faillite, lorsque les tiers porteurs de ces effets y ont reçu un dividende; cette annulation de crédit constituerait le recours contre un coobligé failli, prohibé par l'art. 543 (1).

Il faut admettre également que, dans le cas de faillite du donneur d'ordre, du tireur pour compte et de l'accepteur, qui a reçu provision, le donneur d'ordre est sans droit pour se présenter à la faillite de l'accepteur, à raison de cette provision, lorsque le créancier y a reçu un dividende (2).

Nous croyons donc qu'il faut mettre sur la même ligne, le tireur ordinaire, le donneur d'ordre et le tireur pour compte, et leur refuser un recours, quand le créancier s'est présenté à la faillite du tiré.

ARTICLE 544.

Si le créancier porteur d'engagements solidaires entre le failli et d'autres coobligés a reçu, avant la faillite, un à-compte sur sa créance, il ne sera compris dans la masse que sous la déduction de cet àcompte, et conservera, pour ce qui lui restera dû, ses droits contre le coobligé ou la caution. - Le coobligé ou la caution qui aura fait le paiement partiel sera compris dans la même masse pour tout ce qu'il aura payé à la décharge du failli.

1846. Le paiement d'une dette, à laquelle sont obligés plusieurs codébiteurs, par quelque personne qu'il soit fait, éteint envers tous, les droits du créancier; il ne peut, en effet, être payé deux fois; s'il n'a reçu qu'une partie de sa créance, ses droits n'existent plus que pour la portion de la dette non payée. L'art. 542 a cependant fait exception à cette règle, si le paie

(1) Cass., 15 mars 1848 (S.V.48.1.257). (2) Cass., 25 mars 1839 (S.V.39.1.369).

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ment partiel a été fait par des codébiteurs en faillite; mais la loi n'a pas été plus loin dans la voie d'exception où elle était entrée, et revenant au droit commun, si le paiement partiel a été fait avant la faillite, elle décide que cet à-compte, même dans le cas de faillite postérieure, éteint jusqu'à due concurrence les droits du porteur de l'engagement solidaire.

Ainsi, en supposant un engagement de 20,000 fr., souscrit solidairement par deux débiteurs; si l'un et l'autre sont en faillite, le créancier, après avoir touché 5,000 fr. dans la masse de l'un des deux, se présentera néanmoins pour la somme entière de 20,000 fr. dans la masse du second: c'est la disposition expresse de l'art. 542. Si, au contraire, la faillite n'a été déclarée que postérieurement au paiement de 5,000 fr. fait par le premier débiteur, le créancier ne pourra se présenter à la masse du second que pour 15,000 fr.: la règle ne sera pas modifiée, même dans le cas où le premier débiteur lui-même tomberait à son tour en faillite; il suffit que l'à-compte ait été payé avant les déclarations de faillite, pour qu'il y ait lieu d'appliquer l'art. 544 et non l'art. 542.

1847. Le porteur d'un engagement souscrit solidairement par deux individus, dont un seul est en faillite, peut recevoir du codébiteur non failli postérieurement à la cessation de paiement de l'autre, un à-compte; est-ce l'art. 442 ou l'art. 444 qui doit être appliqué? En d'autres termes, le créancier a-t-il le droit de se présenter à la masse pour la valeur nominale tout entière de son titre, ou ne doit-il se présenter que sous la déduction de cet à-compte?

La Cour de cassation a décidé que si la somme payée àcompte n'a été touchée par le créancier «< que depuis l'ouverture de la faillite, elle ne peut évidemment donner lieu à l'application de l'art. 544, relatif aux à-compte touchés avant la faillite »> (1).

Cette interprétation de l'art. 544, donnée par la chambre des requêtes, peut être contestée; la Cour de cassation semble avoir persisté dans sa jurisprudence, par un second arrêt ren

(4) Cass., 24 juin 1854 (S.V.51.1.561),

du par la chambre civile (1); mais la position n'était pas la même; le codébiteur ayant donné l'à-compte était lui-même en faillite; et l'art. 542 devenait par suite seul applicable; l'à-compte reçu l'avait été à titre de dividende, et aucun recours, par conséquent, n'était ouvert. Il n'en peut être de même si l'à-compte a été payé, soit avant, soit depuis la faillite du codébiteur, par un individu non failli lui-même.

<«<< La distinction faite par la Cour de cassation, dit M. Devilleneuve, dans la note qui accompagne l'arrêt du 24 juin 1851, ne nous paraît pas fondée; et nous croyons que les principes de droit commun s'opposent à ce que celui qui a reçu un a-compte d'un coobligé, ou d'une caution qui n'est pas en faillite, soit avant, soit depuis la faillite, puisse y produire pour la valeur intégrale de sa créance. On comprend que lorsque tous les coobligés ou plusieurs d'entre eux sont en faillite, le créancier puisse agir contre chacun d'eux pour la totalité de sa créance jusqu'à parfait paiement, parce que les faillis qui le paient intégralement en monnaie de faillite, n'ont aucun recours les uns contre les autres, et ne sont exposés en définitive qu'à payer ce qu'ils doivent. Mais le coobligé non failli, qui a payé un à-compte, pouvant avoir un recours contre le coobligé failli, dont il est la caution, il n'est pas possible d'admettre le créancier qui a reçu cet à-compte, à produire dans la faillite pour la valeur nominale de son titre, puisque, dans ce cas, le failli serait obligé de payer deux fois, une fois au créancier et une autre fois à son coobligé ou à sa caution pour le montant de l'à-compte. C'est ce résultat que l'art. 544 a voulu empêcher. Et si ce résultat est injuste quand le paiement est antérieur à la faillite, on ne voit pas comment il cesserait de l'être quand le paiement est posté

rieur. »>

Ces raisons nous semblent sans réplique; la conséquence nécessaire de la doctrine professée par l'arrêt de la chambre des requêtes, c'est que le coobligé non failli qui a payé un à-compte ne pourrait se présenter à la faillite pour tout ce

(4) Cass., 23 nov. 1852 (S. V.53.1.23).

qu'il a payé à la décharge du failli; et faire sortir une pareille règle de la disposition contraire, expressément écrite et conforme au droit commun, qui existe en faveur du coobligé qui a donné un à-compte avant la faillite, nous paraît une interprétation un peu forcée. Que déciderait donc la Cour de cassation, si le coobligé payait la totalité, même après la faillite? lui refuserait-elle le droit de se présenter ? L'art. 544 lui accorde positivement le même droit pour un à-compte.

1848. Le second paragraphe de l'article est la conséquence nécessaire du premier; la dette du failli ne peut être diminuée par un paiement qu'il n'a pas fait : « Le futur failli, dit M. Renouard, me devait 100. Le coobligé ou la caution m'ont payé à sa décharge 25 avant la faillite; la faillite continue à devoir 100, quoiqu'elle ne me doive à moi que 75. A qui devra-t-elle les 25? Evidemment ce sera au coobligé ou à la caution, qui ont payé à la décharge du failli; c'est ce que décide le dernier paragraphe de l'art. 544. Pour les 75 qui me restent dus, je continue à avoir pour obligés solidaires, non-seulement le failli, mais encore le coobligé ou la caution. Si le coobligé ou la caution sont solvables, nulle difficulté; ils me payent, peu m'importe que ce soit en s'aidant du dividende qu'ils toucheront du failli, ou au moyen de leurs autres ressources personnelles. S'ils sont tombés en faillite, aurai-je sur le dividende qu'ils toucheront dufailli en recouvrement de l'à-compte à moi payé par eux, un droit de préférence relativement à leurs autres créanciers, jusqu'à mon parfait paiement » (1)? L'affirmative avait été soutenue en s'appuyant sur l'art. 1252, C. Nap., qui ne paraît pas applicable dans ce cas, puisque le créancier, à l'égard de la masse du moins, est censé intégralement payé des 75 qui lui sont dus, au moyen du dividende qu'il a reçu; le deuxième paragraphe de l'art. 544 n'assignant aucun privivilége spécial à tel ou tel créancier de la caution, il semble impossible d'accorder le droit de préférence dont il s'agit (2).

1849. Une différence est à faire entre le coobligé ou la caution; la caution est subrogée aux droits du créancier qu'elle

(1) Faillites, t. 2, p. 186.

(2) Renouard, t. 2, p. 188; Bédarride, n. 879.-Contrà, Pardessus, n. 1214.

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