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commerce (1); mais l'achat dans le but de créer et de vendre des produits essentiellement industriels ne peut être qu'un acte commercial (2).

2026. Immeubles. Il est impossible de trouver dans la loi un moyen de déclarer acte de commerce, l'achat et la vente d'immeubles; celui qui se livre habituellement à l'achat d'immeubles pour les revendre, soit dans le même état, soit après y avoir fait des constructions, soit par parties, soit en totalité, ne peut être réputé commerçant; peu de questions sont plus unanimement résolues que celle-ci par la jurisprudence et les auteurs. Les transactions relatives aux immeubles sont accompagnées de formalités dont il est impossible de se départir, et cette considération a sans doute été un obstacle à ce qu'on pût assimiler cette nature de biens à des marchandises et traiter commercialement les actes qui s'y rapportent.

Toutefois si le contrat a pour objet exclusif un édifice pour le démolir, le vendeur se réservant le sol sur lequel il est construit, la vente ne porte que sur les matériaux et est purement mobilière (C. Nap., art. 552); si l'achat en a été fait dans l'intention de les revendre, il est donc commercial.

La même décision s'appliquerait aux bois et aux récoltes qui sont immeubles comme accessoires du fonds, jusqu'à ce qu'ils soient détachés de la terre (C. Nap., art. 520 et 521). Au point de vue de l'acheteur, ces objets doivent être considérés comme meubles; l'aliénation qui lui en a été faite par le propriétaire les suppose détachés déjà du sol.

Il en serait de même de tous les objets qui doivent être considérés pour le propriétaire du fonds seulement, comme immeubles par destination (C. Nap., art. 524 et 525); pour l'acquéreur, ils sont denrées ou marchandises.

2027. Si le but de l'acheteur de denrées et marchandises était d'en louer l'usage, au lieu de les revendre, l'acte serait commercial. A ce point de vue, le louage est complétement assimilé à la vente par l'art. 652. Les mêmes règles étant donc applicables, tout ́ contrat ayant pour objet la location d'un

(4) Paris, 16 nov. 1852 (S.V.52.2.677). (2) Lyon, 4 janv. 1839 (S. V.39.2.344).

immeuble, quel que soit l'usage auquel il doit être destiné, rentrera nécessairement dans le cercle des transactions purement civiles; la location d'un immeuble, pas plus que l'achat ou la revente qui en est faite, ne peut être un acte commercial. Mais l'achat de meubles, pour en louer l'usage, serait au contraire un acte éminemment commercial.

Acheter des bestiaux pour les donner à cheptel à tout autre qu'à son propre fermier, serait acte de commerce (1).

Louer des effets mobiliers pour en sous-louer l'usage est également un acte de commerce, compris implicitement dans le premier paragraphe de l'art. 632 (2); et nous croyons difficile que l'arrêt, qui refuserait de reconnaître dans un pareil fait un caractère commercial, pût échapper à la censure de la Cour suprême (3).

2028. § 2. Toute entreprise de manufactures, de commission, de transport par terre et par eau.

Le mot entreprise, dont s'est servie la loi dans le paragraphe que nous venons de transcrire, dit clairement qu'un acte isolé ne peut plus suffire pour créer la compétence du tribunal de commerce une continuité d'actes est nécessaire; et celui qui se livre habituellement à la fabrication, à la commission, au transport, ou, en d'autres termes, exerce la profession de manufacturier, de commissionnaire, d'entrepreneur de transports, est nécessairement commerçant; le tribunal de commerce sera donc à double titre compétent.

Les manufacturiers doivent être classés en deux catégories. Les uns achètent eux-mêmes les matières premières qu'ils doivent mettre en œuvre, et les revendent sous une autre forme, tel que celui qui achète de la laine, du fil, de la soie, et les revend sous forme de drap, de toile, de satin; que ce manufacturier ait lui-même, avant de livrer le drap, fait subir à la laine toutes les préparations nécessaires, le filage, la teinture, le tissage, ou ne lui en ait fait subir qu'une seule, peu importe; du moment qu'il a imposé à la matière une transformation,

(1) Pardessus, n. 18; Orillard, n. 293; Nouguier, t. 4er, p. 367. (2) Merlin, Quest. de droit, vo Commerce (acte de), § 6; Pardessus, n. 32. (3) Contrà, Orillard, n. 297.

il est manufacturier, et ce titre appartient également au filateur comme au fabricant de tissus, si l'un et l'autre ont acheté les matières qu'ils mettent en œuvre et revendent ensuite. Les manufacturiers de cette catégorie spéculent tout à la fois et sur la revente des denrées et marchandises, après les avoir travaillées et mises en œuvre, et sur le travail des ouvriers dont ils louent l'industrie. Aucune difficulté n'est possible pour décider qu'un semblable établissement constitue une industrie éminemment commerciale.

Les manufacturiers de la seconde catégorie mettent en œuvre les matières qui leur sont fournies, et dont ils n'acquièrent pas la propriété pour la revendre; ils ne spéculent que sur l'industrie des ouvriers qu'ils emploient, et pour nous servir de l'expression technique, ils travaillent à façon. Quand l'établissement qu'ils dirigent est assez considérable pour que la qualité d'artisan cesse de pouvoir leur être attribuée, cette entreprise est commerciale, et l'art. 632 a eu principalement en vue sans doute cette espèce de manufactures, car pour les autres le doute n'était pas possible.

Ainsi, que le filateur travaille seulement à façon le coton ou la laine qui lui sont confiés, ou les achète pour les revendre en fils, cette entreprise n'en est pas moins commerciale.

Il peut quelquefois joindre à la façon la fourniture d'un ingrédient accessoire sans que son industrie change de caractère.

La distinction entre les deux genres d'industrie n'a, du reste, qu'une utilité restreinte, puisque la loi les assimile, mais il était nécessaire de déclarer d'une manière expresse cette assimilation. En outre, dans le second cas, s'il y a doute, on admettra plus aisément la qualité d'artisan; dans le premier cas, celle de commerçant.

Aucune différence ne doit être faite entre l'entrepreneur qui confie le travail à des ouvriers travaillant à leur domicile, ou réunis dans un local à lui appartenant, et formant l'atelier ou la fabrique.

Si la Cour impériale décidait en fait que l'établissement, qualifié de manufacture, n'est destiné qu'à faire des essais, ou peut être assimilé à un laboratoire, l'art. 632 ne serait pas ap

plicable; dans une espèce, le défendeur disait qu'il avait élevé un établissement pour la fabrication des acides pyroligneux; mais que ces acides étaient une découverte nouvelle qu'il voulait perfectionner : les procédés n'étaient pas très-connus; il ne pouvait faire que des essais, dont les résultats n'étaient pas avantageux; et l'établissement, selon lui, n'était pas une véritable manufacture. La Cour de Paris, toutefois, déclara le défendeur commerçant, mais en s'appuyant sur divers actes de commerce que l'arrêt put relever (1).

2029. Nous avons défini sous les art. 91 et s. (sup., n. 365) le contrat de commission; dans le Code de commerce, ainsi que cela a été dit au conseil d'Etat, ce mot ne s'applique exclusivement qu'aux opérations commerciales; si la commission existe dans la vie civile, la loi ne s'en est pas occupée (suprà, n. 375), et l'art. 632 n'avait donc pas besoin d'en restreindre la signification (2).

A la différence du courtage, un acte isolé de commission ne tombe pas nécessairement dans la compétence des tribunaux de commerce; la loi exige qu'il y ait entreprise et par conséquent des actes fréquents et habituels.

2030. Il en est de même en ce qui concerne le transport par terre ou par eau; l'entreprise seule, et non quelques actes isolés, est commerciale; ainsi, un cultivateur qui, après avoir amené les produits de son fonds à un lieu déterminé, en ramènerait des marchandises appartenant à autrui, moyennant une rétribution, ne ferait pas acte de commerce (3); mais du moment qu'il y a entreprise proprement dite, la loi ne fait aucune distinction; les termes en sont aussi généraux que possible et ont pu s'appliquer, sans difficulté aucune, aux chemins de fer, inconnus quand le Code de commerce a été rédigé (4). Mais la Cour de cassation de Belgique a jugé avec raison que la disposition de l'art. 632 ne doit pas être étendue à l'État exploitant directement le chemin de fer dont il

(1) Paris, 9 sept. 1813.

(2) Procès-verbaux du 9 nov. 1806; Locré, t. 20, p. 96 et 97.

(3) Pardessus, n. 39; Nouguier, t. 1er, p. 412.

(4) Lyon, 1er juill. 1836 (D.P.39.2.106); Cass., 28 juin 1843 (S. V. 43,1.574).

est propriétaire (1). Une association de mariniers qui se chargent de håler les bateaux, forme une entreprise de transports par eau (2).

Si l'État, propriétaire, affermait l'exploitation, l'art. 632 deviendrait de nouveau applicable à la compagnie qui aurait affermé.

Les demandes intentées contre une entreprise de transports sont donc, sauf l'exception posée tout à l'heure, de la compétence des tribunaux de commerce (3).

Cette règle doit être entendue cependant sauf encore les dispositions de l'art. 2 de la loi du 25 mai 1858 ainsi conçu: « Les juges de paix prononcent sans appel jusqu'à la valeur de 100 fr. et à charge d'appel, jusqu'au taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux de première instance (1,500 fr., art. 1, L. 11 avr. 1858): sur les contestations... entre les voyageurs et les voituriers ou bateliers pour retards, frais de route, et perte ou avarie d'effets accompagnant les voyageurs. >>

2031. L'art. 653 ci-après répute acte de commerce, toute entreprise de construction maritime; la loi, en se taisant sur les constructions terrestres, semble établir, en ce qui les concerne, une règle contraire, et l'analyse des travaux préliminaires donnée par Locré, confirme pleinement cette opinion (4). La jurisprudence a dû se conformer à la volonté du législateur; et un nombre considérable d'arrêts ont repoussé la juridiction commerciale dans cette occasion et décidé que le contrat était purement civil (C. Nap., art. 1787 et suiv.).

Un nombre aussi considérable d'arrêts, toutefois, ont décidé, avec raison, que l'entreprise de travaux était acte de commerce, si l'entrepreneur ou constructeur fournissait tout ou une partie notable des matériaux; l'achat de matériaux, pour les revendre, ne peut être autre chose qu'un acte de commerce (5).

(1) C. cass. Belg., 14 nov. 1844 (D.P.46.2.4).

(2) Cass., 24 fév. 1841 (S.V.41.1.421).

(3) Cass., 24 fév. 1844 et 28 juin 1843 (S.V.41.1.427 et 43.1.574).

(4) Esprit du Code de comm., t. 8, p. 292.

(5) Cass., 29 nov. 1842 et 28 juin 1843 (J.P.43.1.286 et 2.153).

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