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compétence, il faut se reporter à ce qui aurait lieu, si la faillite n'était pas survenue » (1).

Les principes posés par MM. Renouard et Pardessus sont vrais; et si la contestation est essentiellement du domaine des tribunaux civils ou criminels, ces règles devront être suivies ; mais l'art. 635 doit-il être entendu dans ce sens qu'il n'a voulu attribuer aux tribunaux de commerce en matière de faillite, que les affaires qui, par leur nature, sont de la compétence commerciale? S'il en était ainsi, cette disposition eût été tout au moins inutile, et elle doit être appliquée d'une manière un peu plus large. Ainsi le tribunal de commerce sera compétent pour connaître d'une demande formée en vertu de l'art. 447, C.comm., non-seulement lorsqu'il s'agit d'opérations commerciales, mais encore quand il y a lieu de prononcer sur la nullité d'une vente d'immeubles qui, en toute autre circonstance, eût appartenu aux tribunaux civils; l'action ici prenait sa source dans la faillite (2): c'est ainsi encore que la disposition de l'art. 551 ci-dessus, qui, lorsqu'un privilége est contesté, se borne à dire que le tribunal prononcera, a été interprétée, en s'appuyant sur notre art. 635, dans ce sens que c'était la juridiction consulaire qui était compétente (3). Mais on n'est réellement en faillite que lorsque c'est la faillite même qui fait naître la question à juger; il en est autrement, si la faillite ne joue aucun rôle dans les moyens de la cause; si elle n'exerce sur les obligations contractées aucune influence ni directe, ni indirecte; si, en un mot, elle laisse les choses comme elles étaient auparavant. On n'est pas en matière de faillite, par cela seul que la faillite plaide comme demandeur (4)...

ARTICLE 636.

Lorsque les lettres de change ne seront réputées que simples promesses, aux termes de l'article 112,

(1) Droit comm., n. 1349-2o.

(2) Cass., 19 avril 1853 (S.V.53.1.433).—Contrà, Cass., 13 juill. 1818. (3) Bordeaux, 17 déc. 1839; Limoges, 16 mai 1840; Caen, 6 juill. 1842 (S. V. 40.2.202 et 494, 43.2.91).—Contrà, Nancy, 13 juill. 1853 (D.P.54.2.68). (4) Nouguier, t. 2, p. 387; Horson, quest. 202.

ou lorsque les billets à ordre ne porteront que des signatures d'individus non négociants, et n'auront pas pour occasion des opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage, le tribunal de commerce sera tenu de renvoyer au tribunal civil, s'il en est requis par le défendeur.

2062. Nous renvoyons à l'art. 110 pour la définition de la lettre de change, et à l'art. 112, pour savoir quand elle doit être réputée simple promesse à raison de l'irrégularité dont elle est entachée.

Les lettres de change ne valent que comme simples promesses également, aux termes de l'art. 115, quand elles sont souscrites par des femmes et des filles non commerçantes ; elles sont nulles, aux termes de l'art. 114, quand elles sont souscrites par des mineurs non commerçants ou des interdits, sauf les droits des parties, quand les mineurs ou les interdits ont retiré un profit de ces lettres de change.

On a conclu du silence gardé par l'art. 636, qu'en ce qui concerne les lettres souscrites par les femmes au moins, la juridiction commerciale restait compétente, sauf l'application de la contrainte par corps qui, d'un commun accord, ne peut être prononcée (1). Cette opinion ne nous paraît pas admissible. « Dès qu'il est reconnu, dit M. Orillard, que les personnes du sexe non marchandes publiques ne sont tenues que par un lien civil, au paiement des lettres de change qui portent leur signature, les tribunaux de commerce doivent se déclarer incompétents. Ne leur est-il pas défendu de connaître des obligations civiles par les lois de leur organisation? Cette prohibition n'estelle donc pas suffisante? Fallait-il encore un texte formel pour le cas spécial qui nous occupe? Nous ne saurions le croire » (2).

(1) Cass., 26 juin 1839, 6 nov. 1843 et 30 janv. 1849 (S. V.39.1.878, 44.1.35 et 49.1.225); Merlin, Rép., voLett. de change, § 3, n. 5; Carré, Compétence, t.7, p. 227; Devilleneuve et Massé, vo Lettre de change, n. 425; Massé, t. 3, n.193.

(2) Orillard, n. 386.-Sic, Bordeaux, 11 août 1826; Limoges, 16 fév. 1833 (S.V.33.2.277); Paris, 21 mars 1837 (S.V.39.1.879); Riom, 28 avril 1840 (S.V. 40.2.268); Pardessus, n. 1349; Despréaux, n. 467; Nouguier, des Trib de comm., t. 2, p. 176 et s.

Le défaut de qualité n'attaque-t-il pas bien plus vivement la substance d'un acte que la simulation d'une des conditions exigées pour sa régularité? Aussi la disposition de la loi nécessaire pour les cas prévus par l'art. 112 était-elle superflue pour les personnes dont il est question dans l'art. 113, comme pour les mineurs nommés dans l'art. 114 et les interdits.

L'action intentée contre les mineurs et les interdits, en vertu de l'art. 1312, C. Nap., ne peut également, en vertu des principes généraux, appartenir à la juridiction commerciale.

Les tribunaux de commerce ne peuvent, en aucun cas, être juges d'une question d'état; nous l'avons dit souvent, et ils ne pourraient décider si le signataire de la lettre de change est ou non mineur, ou interdit; mais c'est à eux qu'il appartiendrait de décider si le mineur a rempli les formalités exigées pour faire valablement le commerce, ainsi que la femme mariée, et en cas d'affirmative, de déclarer que l'art. 636 cesse de leur être applicable.

2065. Nous renvoyons également au commentaire des art. 187 et 188, pour tout ce qui touche le billet à ordre, et nous nous bornerons à examiner les difficultés que peut soulever la règle posée par l'art. 656.

Le tribunal de commerce ne cesse d'être compétent pour les billets à ordre que sous deux conditions: 1° qu'ils ne portent que des signatures d'individus non commerçants; 2° qu'ils n'aient pas pour occasion des opérations de commerce.

Nous avons dit, en expliquant l'art. 1", quelles circonstances donnaient à un individu la qualité de commerçant; cette qualité résulte de certains faits, et la qualification que se serait donnée le signataire, de négociant ou de commerçant ne peut pas plus à elle seule lui conférer une qualité qu'il n'a pas, que rendre applicable la juridiction commerciale réservée pour d'autres circonstances.

La seconde condition doit également être sérieusement accomplie; une jurisprudence constante, et dont il est superflu de citer les nombreux monuments, décide que le tribunal de commerce ne sera pas compétent, par cela seul que le billet à ordre est causé valeur en marchandises; il faut établir, en outre, que ces marchandises avaient été achetées pour être re

vendues, ou que le billet a toute autre cause réellement commerciale; une allégation, une déclaration, quels qu'en soient les termes, ne peut tenir lieu d'un fait.

2064. Il faut distinguer la compétence fondée sur la nature même de l'acte, qui est réelle, ou pour nous servir de l'expression de l'école, qui existe ratione materiæ, en raison de la matière; et celle qui est fondée sur la qualité de la personne, qui est personnelle, et existe ratione personæ.

L'incompétence matérielle, ratione materiæ, alieu lorsque le juge connaît d'une matière attribuée à un autre juge; le juge civil par exemple, d'une instance criminelle; le juge de commerce, d'une instance civile. Cette incompétence est absolue; le tribunal saisi mal à propos est tenu de la déclarer d'office, et la volonté même des parties ne peut la couvrir.

L'incompétence personnelle, ratione personæ, existe quand, dans les matières de son ressort, un juge prononce entre des personnes qui ne sont pas ses justiciables. L'exception ne constitue dans ce cas qu'un privilége accordé au plaideur et au bénéfice duquel il peut renoncer; l'ordre public n'est pas intéressé dans la question, et si le défendeur accepte cette juridiction, le juge peut prononcer valablement.

On a demandé si dans les cas prévus par l'art. 636, l'incompétence du tribunal était réelle ou personnelle. Un grand nombre d'arrêts et les auteurs décident que l'incompétence est purement personnelle; en effet, puisque le tribunal de commerce n'est tenu de renvoyer au tribunal civil que dans le cas où il en est requis par le défendeur, l'incompétence ne peut être réelle (1).

Cette décision entraîne, comme conséquence, l'obligation pour le défendeur de proposer l'exception avant toute défense au fond, in limine litis; et ne permet pas au tribunal de suppléer d'office cette exception, du moment que le silence du défendeur fait supposer que cette juridiction est acceptée par lui. Quelques arrêts isolés des Cours impériales d'Agen, de Caen et de Colmar, rendus à des époques déjà fort éloignées (2) ne

(4) Caen, 27 janv. 1841 (D.P.41.2.115); Nouguier, Traité des trib. de comm., t. 1er, p. 159; Orillard, n. 431.

(2) Agen, 12 déc. 1809; Caen, 31 janv. 1826; Colmar, 15 juin 1813.

suffisent pas pour rendre ces règles douteuses. Elles ne forment point obstacle, bien entendu, à ce que le demandeur condamné par défaut, oppose l'incompétence soit dans l'opposition formée à ce jugement devant le tribunal, soit même en appel, s'il n'a pas jugé à propos de former opposition, à moins qu'il ne résulte des actes mêmes de la procédure qu'il a renoncé à s'en prévaloir (1).

ARTICLE 637.

Lorsque ces lettres de change et ces billets à ordre porteront en même temps des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants, le tribunal de commerce en connaîtra; mais il ne pourra prononcer la contrainte par corps contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage.

2065. Dans les cas prévus par l'art. 112, les lettres de change sont réputées simples promesses; la même règle s'applique aux billets à ordre qui ne remplissent pas les conditions exigées par l'art. 188, C. comm. La jurisprudence et les auteurs décident que l'art. 637 est également inapplicable aux unes comme aux autres ; l'action en paiement de billets réputés simples promesses, quand ils n'ont d'autre caractère que celui d'obligations civiles, doit donc être portée devant les tribunaux civils; le tribunal de commerce n'est compétent pour le billet à ordre, dans le cas prévu par notre article, qu'autant qu'il est conforme aux prescriptions légales et qu'il remplit toutes les conditions de l'art. 188 (2).

Les art. 636 et 637 ne peuvent être restreints aux seuls

(1) Bruxelles, 23 déc. 1809; Angers, 11 juin 1824 (D.P.24.2.720); Orillard, n. 432.

(2) Metz, 18 janv. 1833 (S.V.34.2.560).—Sic, Merlin, Rép., v° Billet à ordre, S1er, n. 6; Favard, eod. verb., n. 5; Vincens, t. 2, p. 371; Devilleneuve et Massé, v° Billet å ordre, n. 4 et 20; Nouguier, t. 2, p. 202.- Contrà, Paris, 19 nov. 1825.

IV.

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