Page images
PDF
EPUB

La déclaration de faillite d'une société par actions rend exigible immédiatement à l'égard des actionnaires le versement des annuités non échues de leurs actions jusqu'à concurrence, au moins, des dettes de la société (1). Il faudrait décider de même à l'égard de commanditaires ordinaires, qui auraient stipulé des termes pour le versement de leur mise.

En effet, les commanditaires ne sont pas débiteurs du failli, mais bien débiteurs des créanciers du failli, et aucune différence ne peut être établie entre les différentes espèces de dettes passives non échues, dues par la société même déclarée en faillite ou par les commanditaires, qui la constituent, sauf la limitation de leur responsabilité résultant de leur qualité d'associés commanditaires. Le bénéfice du terme qu'ils avaient stipulé ne peut être invoqué que contre le gérant.

Le terme accordé au vendeur par le failli, pour livrer, n'est point annulé par la faillite; mais il en résulte, dans ce cas, que la faillite ne peut annuler le terme qui avait été fixé pour le paiement et qui était subordonné à une obligation corrélative envers le failli; l'art. 444 n'est pas applicable en semblable circonstance (2).

ARTICLE 445.

Le jugement déclaratif de faillite arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilége, par un nantissement ou par une hypothèque. Les intérêts des créances garanties ne pourront être réclamés que sur les sommes provenant des biens affectés au privilége, à l'hypothèque, ou au nantissement.

1677. Le cours des intérêts, aux termes de cet article, n'est arrêté à l'égard de la masse que du jour du jugement déclaratif de la faillite et non du jour de la cessation de paie

(1) Lyon, 1er août 1850 (S. V.50.2.374).

(2) Bordeaux, 16 juill. 1840; Dalloz, Rép., n. 248.

ments, alors même qu'il serait reporté à une époque antérieure à celle du jugement. Le cours des intérêts n'est point arrêté à l'égard du failli, qui devra les acquitter en même temps que l'intégralité du capital et jusqu'à l'époque de ce paiement, s'il veut obtenir sa réhabilitation (1).

La faillite n'a pas non plus pour effet de suspendre le cou rs de la prescription (2).

L'art. 445 ne peut être appliqué aux codébiteurs du failli, s'ils ne sont pas eux-mêmes tombés en faillite; les intérêts courent à leur égard comme à l'égard du failli.

Cette règle ne s'applique pas aux créances garanties par un privilége, un nantissement, ou une hypothèque ; mais les intérêts qui sont dus à raison de ces créances ne peuvent être réclamés que sur les sommes provenant des biens mêmes affectés au privilége, à l'hypothèque ou au nantissement. Le texte est positif, et, en cas d'insuffisance, ces créanciers n'auraient sur les autres biens de la masse que des droits égaux à ceux des créanciers chirographaires ordinaires.

Le failli peut n'être tenu, dans certains cas, qu'au paiement d'une rente ou d'intérêts; en appliquant rigoureusement à une semblable hypothèse l'art. 445, la faillite deviendrait un moyen d'éteindre l'obligation principale. Il semble juste alors, pour établir l'égalité entre tous et satisfaire à la justice, de décider que le créancier doit être admis pour le montant du capital représentant la rente ou les intérêts qui lui sont dus, le cours en étant arrêté, du reste, depuis le jugement jusqu'au jour de la distribution, et à partir de la distribution, il aura droit à la rente que doit produire la somme qui serait jugée devoir lui revenir plus tard; s'il y avait lieu, le capital placé retournerait à la masse et ferait l'objet d'une collocation supplémentaire entre les ayants droit (3).

L'application de l'art. 445 peut faire naître quelque embarras, lorsque le failli a souscrit des billets pour le montant de la dette dont il est tenu et y a ajouté les intérêts jusqu'au

(1) Renouard, t. 1er, p.344; Bédarride, t. 1er, n. 98; Esnault, t. 1er, n. 173. (2) Pardessus, n. 1123.

(3) Dalloz, Rép., n. 262, et Cour d'appel de Bruxelles, 26 mai 1841,

.

jour de l'échéance; si le créancier est admis pour le montant intégral des billets dont il est porteur, il n'est pas vrai qu'à son égard le cours des intérêts soit arrêté. Nous pensons que la distraction de ces intérêts, néanmoins, ne peut être faite. Le failli étant encore dans la plénitude de ses droits, a voulu capitaliser d'avance les intérêts qu'il aurait dus plus tard, et s'en reconnaître, dès ce moment, débiteur; si cette convention a été licite au moment où il l'a faite, l'événement de la faillite ne peut pas changer la position du créancier; il y a eu novation de son ancienne créance. On ne peut se dissimuler que beaucoup d'embarras naîtraient sans doute d'une autre solution, quand des tiers porteurs se présenteraient nantis de ces effets. D'ailleurs, dans toute négociation d'effets, l'escompte et la commission ne sont-ils pas prélevés, et l'escompteur se présente t-il moins pour le montant intégral de l'effet dont le failli est débiteur ?

Il en serait autrement, si le titre même avait pris soin de distinguer la somme due pour le capital, et celle qui serait due pour les intérêts (1).

Si une vente avait été faite au failli avec stipulation qu'un escompte déterminé serait déduit du prix, en cas de paiement à une époque fixée, la condition n'étant pas accomplie, le créancier pourrait se présenter pour le montant intégral de sa facture. Si la facture avait été réglée en un billet, il Ꭹ aurait eu novation et les droits du créancier seraient fixés par ce titre (2).

ARTICLE 446.

Sont nuls et sans effet, relativement à la masse, lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis l'époque déterminée par le tribunal comme étant celle de la cessation de ses paiements, ou dans les dix jours qui auront précédé cette époque tous actes translatifs de propriétés mobilières ou immobilières à titre

[blocks in formation]

:

gratuit; tous paiements, soit en espèces, soit par transport, vente, compensation ou autrement, pour dettes non échues, et pour dettes échues, tous paiements faits autrement qu'en espèces ou effets de commerce; toute hypothèque conventionnelle ou judiciaire, et tous droits d'antichrèse ou de nantissement constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées.

[ocr errors]

Antichrèse, 1690.
Border. de collocation, 1692.
Commanditaire, 1683.
Compensation, 1682.
Compte courant, 1685 et s.
Constitutions do tales, 1679.
Dettes échues, 1687, 1692.

Dettes non échues, 1684.
Donations, 1679 et s.
Escompte, 1681.
Femme mariée, 1684.
Gratifications, 1679.
Hypothèque, 1690.
Nantissement, 1690, 1693.

Novation, 1694.

Paiement en march., 1688.
- en effets de comm., 1689.
Priviléges, 1690.

Rétrocession d'effets, 1681.
Signification, 1693 et s.
Transport, 1694.

[ocr errors]

1678. Pour bien saisir le système adopté par la loi et comprendre les règles qu'elle a posées, il faut séparer avec soin :

1o Le temps écoulé avant les dix jours qui ont précédé la cessation de paiements. Tous les actes accomplis jusqu'à ce dixième jour sont valables sans distinction, et sauf l'application du droit commun consacré par l'art. 1167, C. Nap., quand il y a eu fraude et manœuvres déloyales. La loi des faillites ne s'occupe point de ces actes;

2o Les dix jours qui ont précédé la cessation réelle de paiements. Les actes spécialement et limitativement énumérés par l'art. 446, accomplis pendant cette période, sont radicalement nuls; les actes autres que ceux-là sont présumés valables, mais ils peuvent être annulés dans le cas prévu par l'art. 447; 3o Le temps écoulé depuis la cessation de paiement jusqu'au jour du jugement déclaratif. Les actes énumérés par l'art. 446 accomplis pendant cette période sont, à plus forte raison, radicalement nuls; les actes autres que ceux-là sont présumés valables, mais peuvent également être attaqués conformément à l'art. 447 ci-après.

Aucune distinction n'est donc à faire entre ces deux périodes; le temps écoulé depuis la cessation de paiement jus

qu'au jugement déclaratif, et les dix jours qui ont précédé la cessation, sont complétement assimilés par l'art. 446;

4° Le temps écoulé depuis le jugement déclaratif de faillite. Tous les actes accomplis à partir de ce jugement sont radicalement nuls, aux termes de l'art. 443 auquel nous renvoyons (1).

Il faut donc distinguer, 1° les actes parfaitement valables et ne pouvant être attaqués que dans les termes du droit commun (C. Nap., art. 1167); 2° les actes nuls de plein droit (Code comm., art. 446); 3° les actes qui peuvent être annulés (Code comm., art. 447).

Les nullités dont il s'agit sont exclusivement relatives à la masse; elles ne s'appliquent pas au failli, qui ne doit pas être assimilé, nous ne saurions trop le répéter, à un interdit: le failli ne peut donc être admis à invoquer dans son intérêt les dispositions de l'art. 446 (2). Ces dispositions ne peuvent pas non plus être appliquées aux cautions du failli pour les actes qu'elles auraient faits dans l'intérêt de celui-ci et en faveur d'un de ses créanciers; les cautions sont maîtresses de leurs droits et peuvent s'engager sans nuire à la faillite (3).

Nous allons examiner dans l'ordre adopté par la loi les trois paragraphes de l'art. 446.

1679. 1° Tous actes translatifs de propriétés mobilières ou immobilières à titre gratuit, ou, en d'autres termes, toutes donations.

Les tribunaux n'hésiteraient pas à annuler toute libéralité déguisée sous l'apparence d'un contrat onéreux : une disposition expresse de la loi à cet égard eût été superflue (4).

Les tribunaux apprécieraient également, s'il y avait discussion, lorsque les dispositions rémunératoires, faites, par exemple, à des commis ou à des domestiques, devraient être main

tenues.

La disposition est assez générale pour que la jurisprudence l'ait étendue aux donations faites par contrat de mariage ou

(1) Cass., 17 déc. 1856, bull. 56, p. 232.

(2) Paris, 3 déc. 1846 (D.P.51.2.93).
(3) Cass., 19 avril 1849 (S.V.49.1.389).

(4) Renouard, t. 1er, p. 367; Loi belge, art. 445; Cass., 4 janv. 1847 (D.P. 47.1.133).

« PreviousContinue »