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constitutions dotales, mais sous une distinction fondamentale. La question avait été déjà élevée sous l'ancienne loi, et Locré disait : « Ces actes sont d'une nature mixte. Ils appartiennent à la classe des donations quant à l'époux au profit duquel la dot est constituée. Ils deviennent contrats onéreux relativement à l'autre époux : car sans la constitution de dot il n'aurait peut-être pas contracté mariage » (1). Cette doctrine a été adoptée par la Cour de cassation, qui a refusé de déclarer que la constitution de dot faite par un père à son enfant fût un acte à titre onéreux à l'égard de l'enfant doté, mais en lui assignant ce caractère quant au conjoint (2).

Personne ne s'est dissimulé les dangers d'une semblable doctrine et les inconvénients qu'elle peut présenter en certaines circonstances; aussi doit-elle être enfermée étroitement dans ses limites, ainsi que le dit M. Renouard, et appliquée aux faits avec défiance et sévérité. Toutes les fois que le conjoint de l'enfant doté n'est pas entièrement de bonne foi, et connaissait en contractant mariage la fraude dont le donateur se rendait coupable envers ses créanciers, la constitution dotale devrait être considérée comme une pure libéralité, et susceptible dès lors de révocation par suite de la faillite du père donateur (3), ou comme l'un des actes à titre onéreux dont l'art. 447 permet l'annulation. Les mêmes règles seraient applicables, s'il s'agissait d'une donation en dehors du contrat même de mariage, et l'annulation devrait en être prononcée (4).

1680. La donation, aux termes de l'art. 932, C. Nap., ne produit aucun effet que du jour qu'elle aura été acceptée en termes exprès la donation serait donc nulle, si elle avait été faite, même avant les dix jours qui ont précédé la cessation

(1) Esprit du Code de comm., t. 5, p. 235.

(2) Cass., 23 fév. 1845 et 2 mars 1847 (S.V.45.1.417 et 47.1.185); Id. 23 juin 1847 et 14 mars 1848 (S.V.47.1.817 et 48.1.376); Renouard, t. 1er, p. 367 et s.; Boulay-Paty, n. 94; St-Nexent, t. 1er, n. 76. — Contra, Grenoble, 3 fév. 1842; Dalloz, Rép., n. 277; Bédarride, n. 107; Dalloz, Rép., n. 277; Pardessus, n. 1138.

(3) Cass., 6 juin 1844; Dalloz, Rép., n. 277. (4) Cass., 3 mars 1847 (S.V.47.1,186).

de paiements, mais n'avait été acceptée que pendant ou après 'ce délai (1).

L'art. 446, au contraire, ne pourrait être invoqué, si la donation régulièrement faite et acceptée n'avait été transcrite que dans les dix jours qui ont précédé la cessation de paiements, mais avant le jugement déclarati, sauf les droits que les tiers auraient acquis sur l'immeuble donné en faisant inscrire leurs créances avant que la formalité n'eût été accomplie en ce qui concerne la donation (2). C'est l'art. 448 qui devient applicable.

1681. 2o Tous paiements, soit par transport, vente, compensation ou autrement pour dettes non échues; et pour dettes échues, tous paiements faits autrement qu'en espèces ou effets de commerce.

Ce § de l'art. 446 fait deux catégories parfaitement distinctes et soumises à des règles différentes, des dettes non échues et des dettes échues. Nous parlerons d'abord des premières.

Les dettes non échues ne peuvent en aucun cas être acquittées depuis la cessation de paiements ou dans les dix jours qui l'ont précédée : le paiement qui en serait fait est nul. La disposition de la loi ne doit jamais être enfreinte ou éludée de quelque manière que le paiement ait été fait; après une énu. mération aussi complète que possible des différents modes par lesquels le paiement pourrait avoir eu lieu, la loi a pris soin d'ajouter ou autrement, afin d'enlever toute possibilité de controverse. Locré, cependant, a prétendu que le failli, quand il escompte ses propres billets, ne fait pas un paiement anticipé, et M. Lainné, suivi par M. Massé, a soutenu la même opinion, en ce qui concerne le paiement d'une facture à terme moyennant escompte (3). Mais si cette disposition ne s'applique pas aux abréviations de terme, à quoi s'appliquera-t-elle donc ? Et la déduction de l'escompte pour paiement anticipé change

(1) Locré, t. 5, p. 183; Bédarride, n. 108.

(2) Cass., 26 nov. 1845 et 24 mai 1848 (D.P.46.1.53 et 48.1.172); Bédarride, n. 108; Renouard, t. 1er, p. 370.

(3) Locré, t. 5, p. 192; Lainné, p. 64; Massé, t. 3, n. 270.

t-elle le caractère de dette non échue qui appartient au billet ou à la facture dont le terme n'est pas expiré? Cette doctrine ne peut être suivie (1).

La Cour de Bourges a jugé que l'endosseur d'un effet non échu ne doit pas en être considéré comme le débiteur, jusqu'à ce que le souscripteur ait refusé de payer; par suite, la rétrocession que le cédant se fait faire d'un semblable billet avant l'échéance par celui à qui il l'a transmis ou par le cessionnaire de celui-ci ne peut être considérée comme constituant le paiement d'une dette non échuc (2).

1682. Les compensations ne pouvant avoir lieu pour dettes non échues, l'art. 446, en nommant ce mode de libération pour une dette de cette espèce, semble avoir voulu parler d'une dation en paiement; mais le mot compensation a été utile peutêtre pour faire repousser même toute compensation conventionnelle et éloigner, en outre, toute controverse quant aux dettes à terme que l'événement de la faillite, conformément à l'art. 444 ci-dessus, rend exigibles; la compensation ne peut être invoquée en ce qui concerne ces dettes (suprà, n. 1676); et il n'existe aucun doute que le débiteur du failli pour dettes déjà échues, qui est créancier de ce même failli pour dettes non échues, ne peut se prévaloir de la disposition de l'art. 444 qui a rendu sa créance exigible et invoquer la compensation (3).

Il faut décider de même, si le créancier du failli pour une dette échue est en même temps son débiteur d'une dette non échue; il ne peut pas, en déclarant qu'il renonce au bénéfice du terme qui lui appartient, soutenir que la créance et la dette deviennent l'une et l'autre également liquides et exigibles et que la compensation doit, par suite, s'accomplir de plein droit. Sa créance est réductible comme toutes les autres; sa dette, au contraire, sera payée à son échéance au profit de la masse (4). Si les deux dettes se trouvent également liquides et exigibles avant le jugement déclaratif, la compensation s'opère de

(1) Pardessus, n. 1140.

(2) Bourges, 7 mars 1845 (S.V.46.2.270).

(3) Cass., 42 fév. 1811, 17 fév. 1823, 24 nov. 1841; Dalloz, Rép., n.251. (4) Renouard, 1. 1er, p. 332; Bédarride, n. 90.

plein droit par la seule force de la loi (C. Nap., art. 1289 et suiv.), et le bénéfice en demeure acquis au créancier du failli. Le jugement déclaratif ne pourrait faire revivre cette dette ainsi éteinte, en faisant remonter la cessation de paiements à une date antérieure au moment où la compensation s'est opérée. La question avait déjà été décidée dans ce sens sous l'empire de l'ancienne loi; le doute n'est plus possible aujourd'hui que le failli n'est dessaisi de l'administration de ses biens qu'à partir du jour où le jugement a été rendu et par le jugement même; et la compensation reçoit effet après même la cessation de paiements et jusqu'au jugement déclaratif, si la créance sur le failli a été acquise dans l'ignorance de son désastre (1).

Toutefois, fait observer M. Bédarride, on peut renoncer à une compensation acquise, et celui qui pourrait l'invoquer serait présumé de plein droit avoir fait cette renonciation, s'il se présentait à la vérification et affirmait sa créance (2). Cette doctrine ne nous semble pas pouvoir être admise ; la créance a été bien et dûment éteinte par la compensation tout aussi complétement qu'elle l'aurait été par le paiement, et la fenonciation à un bénéfice aussi bien acquis ne nous paraît pas pouvoir être implicitement présumée.

1685. Après le jugement déclaratif de la faillite, aucune compensation ne peut plus être opérée; mais jusqu'à ce moment, l'associé commanditaire, porteur d'une créance échue contre le failli, peut-il la compenser avec ce qu'il doit encore de sa mise?

Il faut répondre négativement: si la mise sociale était dans la caisse, elle serait partagée entre tous, ainsi que le fait observer M. Bédarride; elle ne peut être acquise par préférence au commanditaire, parce qu'il n'a pas exécuté le contrat. Ce versement est dû au public, dont la confiance a été déterminée par la publication de l'engagement du commanditaire (3).

1684. En droit civil, une nouvelle jurisprudence, changée

(1) Metz, 16 juill. 1845 (D.P.46.2.14); Renouard, t. 1er, p. 375. (2) Faillites, n. 91.

(3) Bédarride, n. 92; Cass., 28 fév. 1844 et 8 avril 1845 (S.V.44.1,692 et 45. 1.589).

peut-être au moment où nous écrivons, décide que la femme commune en biens n'est pas simple créancière venant pour ses reprises en concurrence et au marc le franc avec les autres créanciers, mais qu'elle agit comme propriétaire et a un droit de prélèvement. En matière de faillite au moins, la Cour de cassation fait exception à ce principe; les règles établies par le Code de commerce forment un droit spécial qui doit être exécuté, et l'abandon d'objets faits par le mari à sa femme constitue le paiement d'une dette non échue, et doit être déclaré nul dans les termes de l'art. 446: la vente que ferait le failli à titre de remploi ne serait considérée que comme une dation en paiement : la femme n'a qu'une simple créance dans la faillite pour le recouvrement de sa dot (1). Les droits des femmes sont du reste réglés par les art. 557 et suivants ciaprès.

1685. M. Bédarride ne considère pas comme un paiement anticipé l'envoi d'une somme d'argent ou de marchandises en compte courant fait au créancier du failli; «< celui qui a reçu cet envoi, dit cet auteur, s'est conformé à des précédents dès longtemps établis et qu'il pouvait de très-bonne foi croire devoir durer longtemps encore. Il n'y a eu en conséquence dans ce fait ni déloyauté ni fraude, et comme c'est l'un ou l'autre que la loi a voulu seulement proscrire, il faudrait, pour l'obliger à restitution, prouver qu'il n'a reçu qu'après avoir connu la déconfiture de son correspondant » (2).

Ces explications manquent de précision. Les faits prévus par l'art. 446 sont nuls de plein droit sans qu'il y ait nécessité d'alléguer la déloyauté ni la fraude de celui qui a reçu; l'art. 446 a pour but d'empêcher qu'à partir des dix jours qui précèdent la cessation de paiements, un créancier même de bonne foi puisse être avantagé au préjudice des autres; il en est autrement dans les cas prévus par l'art. 447. Il faut donc distinguer et poser d'abord en principe si les sommes dues en

(1) Cass., 24 janv. 1854 (S.V.54.1.166), et la note de M. Devilleneuve.—Sic, Rennes, 17 juin 1853; Paris, 8 avril 1854; Orléans, 24 mai 1854; Colmar, 13 juin 1854; Paris, 23 déc. 1854; Metz, 12 juin 1855 (S.V.53.2.529; 54.2.211, 499 et 757. J.P.55.2.30).

(2) Faillites, n. 112.

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