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enfant de sept ans, en chemise et pleurant, disait au commissaire de police: Grâce, monsieur Bonaparte!

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Le général, en serrant sa femme dans ses bras, lui murmura à l'oreille: Il y a des pièces dans la cour, tâche de faire tirer un coup de canon!

Le commissaire et les agents l'emmenèrent. Il dédaignait ces hommes de police et ne leur parlait pas; mais quand il fut dans la cour, quand il vit des soldats, quand il reconnut le colonel Espinasse, son cœur militaire et breton

se souleva.

- Colonel Espinasse, dit-il, vous êtes un infâme, et j'espère vivre assez pour arracher de votre habit vos boutons d'uniforme!

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L'ex-colonel Espinasse baissa la tête et bégaya: Je ne vous connais pas. Un chef de bataillon agita son épée en criant: Nous en avons assez des généraux avocats!

Quelques soldats croisèrent la bayonnette cor tre le prisonnier désarmé; trois sergents de ville le poussèrent dans un fiacre, et un sous-lieutenant, s'approchant de la voiture, regardant en face cet homme qui, s'il était citoyen, était son représentant, et s'il était soldat, était son général, lui jeta cette hideuse parole: Canaille!

De son côté le commissaire Primorin avait fait un détour pour surprendre plus sûrement l'autre questeur, M. Baze.

L'appartement de M. Baze avait une porte sur un couloir communiquant à la salle de l'Assemblée. C'est à cette porte que le sieur Primorin frappa. Qui est là? demanda une servante qui s'habillait. — Commissaire de police, répondit Primorin. La servante, croyant que c'était le commissaire de police de l'Assemblée, ouvrit.

En ce moment, M. Baze, qui avait entendu du bruit et qui venait de s'éveiller, passait une robe de chambre et criait: N'ouvrez pas.

Il achevait à peine qu'un homme en bourgeois et trois sergents de ville en uniforme faisaient irruption dans sa chambre. L'homme, entr'ouvrant son habit et montrant sa ceinture tricolore, dit à M. Baze: Reconnaissez-vous ceci? Vous êtes un misérable, répondit le questeur.

Les agents mirent la main sur M. Baze. Vous ne m'emmènerez pas ! dit-il; vous commissaire de police, vous qui êtes magistrat et qui savez ce que vous faites, vous attentez à la représentation nationale, vous violez la loi, vous êtes un criminel! Une lutte s'engagea, corps à corps, de quatre contre un, madame Baze et ses deux petites filles jetant des cris, la servante repoussée par les sergents de ville à coups de poing. Vous êtes des brigands! criait M. Baze. Ils l'emportèrent en l'air sur les bras, se débattant, nu, sa robe de chambre en lambeaux, le corps couvert de contusions, le poignet déchiré et saignant.

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L'escalier, le rez-de-chaussée, la cour, étaient pleins de soldats, la bayonnette au fusil et l'arme au pied. Le questeur s'adressa à eux: - On arrête vos représentants! Vous n'avez pas reçu vos armes pour briser les lois! Un sergent avait une croix toute neuve: Est-ce pour cela qu'on vous a donné la croix? Le sergent répondit: Nous ne connaissons qu'un maître. Je remarque votre numéro, reprit M. Baze, vous êtes un régiment déshonoré. Les soldats écoutaient dans une attitude morne et semblaient encore endormis. Le commissaire Primorin leur disait : Ne répondez pas ! cela ne vous regarde pas! On porta le questeur à travers les cours au corps de garde de la Porte Noire.

C'est le nom qu'on donne à la petite porte pratiquée sous la voûte en face de la caisse de l'Assemblée et qui s'ouvre vis-à-vis de la rue de Lille sur la rue de Bourgogne.

On mit plusieurs factionnaires à la porte du corps de garde et en haut du petit perron qui y conduit, et on laissa là M. Baze sous la garde de trois sergents de ville. Quelques soldats sans armes, en veste, allaient et venaient. Le questeur les interpellait au nom de l'honneur militaire. pas, disaient les sergents de ville aux soldats.

Ne répondez

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Les deux petites filles de M. Baze l'avaient suivi des yeux avec épouvante; quand elles l'eurent perdu de vue, la plus petite éclata en sanglots. Ma sœur, dit l'aînée qui avait sept ans, faisons notre prière. Et les deux enfants, joignant les mains, se mirent à genoux.

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