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Etant réunie en l'hôtel de sa grâce monseigneur le duc de la Marmelade, gouverneur de la Capitale, à l'effet d'instruire la procédure criminelle du jugement d'Agustino Franco de Medina, un des trois espions envoyés par le cabinet français, et arrêté le onze de novembre, présente année, lequel jugement définitif aura lieu lorsque l'affaire sera suffisamment instruite.

Agustino Franco de Medina ayant été introduit dans la chambre du conseil, a été interpellé par le président d'avoir à dire et déclarer la vérité, toute la vérité et rien que la vérité; et le dit Medina ayant prêté le serment susdit, a été interrogé par le président de la commission militaire spéciale, ainsi qu'il suit : D. Quels sont vos prénoms, noms, âge et profession?

R. Je m'appelle Agustino Franco de Medina, âgé de quarante-sept ans ou moins, natif de Santo-Domingo, habitant et propriétaire à la Vega, ci-devant chargé de la police des contrebandes à Bannie, ensuite nommé maire par feu le gouverneur Toussaint-Louverture; et, sous le général français Ferrand, adjudant-général commandant le département de Cibao, présentement colonel au service de Sa Majesté

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R. Par une lettre d'invitation que j'ai reçue au milieu du mois de juin de l'année 1814, d'un des secrétaires du ministre Malouet, pour me rendre auprès de ce dernier; il avait été agité avant cela, à la commission des colonies, qu'on aurait envoyé le comte d'Osmond, le marquis de Fontenille Mazère, M. Dégoute, le nègre Louis Labelinaie et quelques mulâtres, pour sonder le terrein; mais M. Malouet en a autrement ordonné.

D. Vous êtes vous rendu à l'invitation du ministre Malouet, et à quelle heure?

R. Je me suis rendu à l'invitation, dans son hôtel du ministère de la marine et des colonies, le lendemain, à l'heure de midi, autant que je me le rappelle.

D. Par qui fûtes-vous présenté au ministre? R. Par un des employés du bureau. D. Quelles sont les personnes qui se sont trouvées avec vous chez le ministre ?

R. Il y avait un nommé M. de Bégon, ancien officier de la marine française, Dauxion-Lavaïsse

et Dubuc, maintenant intendant à la Marti nique; les autres me sont inconnus: je me rappelle que M. du Petit-Thouars était du nombre.

D. Que vous a dit alors le ministre Malouet, en présence de ces personnes, relativement à votre mission?

R. Le ministre s'est exprimé en ces termes : « C'est au nom du Roi que je vous parle. S. M. désire prendre connaissance de l'état de ses colonies, mais particulièrement de Saint-Domingue. En conséquence, M. Dauxion-Lavaïsse ira s'aboucher avec Pétion, au Port-au-Prince, et traiterà avec lui au nom de S. M., suivant les bases du dernier traité fait avec Bonaparte. M.'Dravermann se chargera de la partie du sud, ayant des rapports avec Borgella; et vous, M. de Médina, (s'adressant à moi), vous ferez ce que vous pourrez auprès de Christophe : je sais qu'il est prononcé contre la France; mais vous verrez, étant sur les lieux, ce que vous aurez à faire

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D. Connaissiez-vous la teneur du traité fait avec le général Pétion depuis Bonaparte, et à quelle époque ce traité a été consommé ?

R. Depuis que le général Ferrand était à SantoDomingo, j'ai eu connaissance que le général Pétion correspondait avec Ferrand et Bona

parte; mais le traité dont il s'agit, à été conclu sur la fin de 1813.

D. Connaissez-vous les articles de ce traité? R. J'ai entendu chez le ministre Malouet, dans la même conférence dont je vous parle, que la France devait fournir au général Pétion une certaine quantité de troupes, d'armes et de munitions de guerre.

D. Connaissez-vous la personne qui a négocié ce traité du général Pétion avec Bonaparte?

R. M. Dravermann m'a dit que c'était un nommé Tapiau, quarteron du sud, qui était chargé de suivre la négociation, par l'entremise de la maison de Perregaux à Bordeaux, beaupère du maréchal Macdonald, à l'adresse duquel était venu un bâtiment de Pétion.

D. Dauxion-Lavaïsse avait-il d'autres instructions que celles dont vous étiez porteur?

R. Oui, il en avait d'autres qui étaient relatives au général Pétion particulièrement, sur les bases du traité qu'il doit faire avec lui.

D. Connaissez-vous la nature de ce traité? R. Le but de ce traité est de préparer un pied à terre à l'armée française, dans le cas que le Roi Christophe refuserait de se soumettre à la France; alors Pétion réunirait ses troupes à l'armée française, pour former nos

avant-gardes, lever les embuscades et éclairer la marche des troupes françaises. M. DauxionLavaïsse est en outre chargé de faire tous ses efforts pour faire proclamer S. M. Louis XVIII au Port-au-Prince.

D. Croyez-vous qu'il soit possible au général Pétion de réunir ses troupes à l'armée française pour combattre le roi Henry?

R. Moi, je ne sais pas; mais le ministre Malouet l'assure: il a dit à nous tous, qui étions présens, que jamais le général Pétion ne consentira à se laisser commander par un nègre que la guerre civile continuerait toujours et que Pétion était dévoué à la France.

D. Le conseil vous demande comment croyezvous que le général Pétion puisse réussir à gagner ses troupes pour combattre en faveur des blancs?

R. Le ministre a dit que c'est au général Pétion de préparer les choses; d'ailleurs, vous verrez dans mes instructions la vérité de ce que je vous dis.

D. Quelle est la signification de cette expression de l'île de Ratau, portée dans vos ins

tructions?

R. C'est une invention du ministre Malouet, pour ne pas blesser l'esprit philantropique de

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