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E.

CONSTITUTION D'HAYTI,

Du 27 décembre 1806, modifiée par la REVISION faite le 2 juin 1816.

Le peuple haïtien proclame, en présence de l'Être Suprême, la présente constitution de la république d'Haïti, pour consacrer à jamais sa liberté et son indépendance.

TITRE PREMIER.

Dispositions générales.

ART. 1er. Il ne peut exister d'esclaves sur le territoire de la république : l'esclavage y est à jamais aboli. 2. Toute dette contractée pour acquisition d'hommes est éteinte pour toujours.

3. Le droit d'asile est sacré et inviolable dans la république, sauf les cas d'exception prévus par la loi. 4. Le gouvernement d'Haïti n'est point héréditaire; il est électif.

5. La république d'Haïti ne formera jamais aucune entreprise dans les vues de faire des conquêtes ni de troubler la paix et le régime intérieur des États ou des îles étrangères.

6. Les droits de l'homme en société sont la liberté, l'égalité, la sûreté et la propriété.

7. La liberté consiste à pouvoir faire ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui.

8. L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protége, soit qu'elle punisse.

L'égalité n'admet aucune distinction de naissance, aucune hérédité de pouvoirs.

9. La sûreté résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun.

10. La propriété est le droit de jouir et de disposer de ses revenus, de ses biens, du fruit de son travail et de son industrie.

11. La propriété est inviolable et sacrée ; toute personne, soit par elle-même, soit par ses représentans, a la libre disposition de ce qui est reconnu lui appartenir. Quiconque porte atteinte à ce droit se rend criminel envers la loi et la personne troublée dans sa propriété.

12. La loi est la volonté générale exprimée par la majorité des citoyens ou de leurs représentans.

13. Ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché; nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

14. La ville du Port-au-Prince est déclarée capitale de la république et le siége du gouvernement.

15. Aucune loi civile ou criminelle ne peut avoir d'effet rétroactif.

16. La souveraineté réside essentiellement dans l'universalité des citoyens; nul individu, nulle réunion partielle de citoyens ne peut se l'attribuer.

17. Nul ne peut, sans une délégation légale, exercer

aucune autorité, ni remplir aucune fonction publique. 18. Les fonctions publiques ne peuvent devenir la propriété de ceux qui les exercent.

19. La garantie sociale ne peut exister, si la division des pouvoirs n'est pas établie, si leurs limites ne sont pas fixées, et si la responsabilité des fonctionnaires n'est pas assurée.

20. Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fit. Faites constamment aux autres tout le bien que vous voudriez en rece

voir.

21.

Les obligations de chacun envers la société consistent à la défendre, à la servir, à vivre soumis aux lois, et à respecter ceux qui en sont les organés.

22. Nul n'est bon citoyen, s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux.

23. Nul n'est homme de bien, s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois.

24. Celui qui viole ouvertement les lois se déclare en état de guerre avec la société.

25. Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous et se rend indigne de leur bienveillance et de leur

estime.

26. C'est sur le maintien des propriétés que reposent la culture des terres, toutes productions, tout moyen de

travail et tout l'ordre social.

27. Tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l'égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l'appelle à les défendre.

28. La maison de chaque citoyen est un asyle inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation, ou de réclamation de l'intérieur de la maison.

Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial, déterminé, ou par une loi, ou par un ordre émané d'une autorité publique.

29. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi, ou d'un ordre supérieur, et pour la personne ou l'objet expressément désigné dans l'acte qui ordonne la visite.

30. Nul ne peut être poursuivi, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi.

31. Nul ne peut être empêché de dire, écrire et publier sa pensée. Les écrits ne pourront être soumis à aucune censure avant leur publication. Nul n'est responsable de ce qu'il a publié, que dans les cas prévus par la loi. 32. La responsabilité individuelle est formellement attachée à toutes les fonctions publiques.

33. La constitution garantit l'aliénation des domaines nationaux, ainsi que les concessions accordées par le gouvernement, soit comme gratification nationale ou

autrement.

34. Les fêtes nationales instituées par les lois de la république seront conservées, savoir: celle de l'Indépen dance d'Haiti, le 1er janvier de chaque année; celle

de l'Agriculture, le 1.er de mai. Celle de la naissance d'Alexandre Pétion, président d'Haiti, sera solemnisée le 2 d'avril, en reconnaissance de ses hautes vertus.

35. Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics, pour élever les enfans abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et fournir du travail aux pauvres valides qui n'auraient pu s'en procurer.

36. Il sera aussi créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensable pour tous les hommes, dont les établissemens seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division de la république.

37. Il sera fait des codes de lois civiles, criminelles et pénales, de procédure et de commerce, communs à toute la république.

38. Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre les pieds sur ce territoire, à titre de maître ou de propriétaire.

39. Sont reconnus Haïtiens, les blancs qui font partie de l'armée; ceux qui exercent des fonctions civiles, et ceux qui étaient admis dans la république à la publication de la constitution du 27 décembre 1806; et nul autre, à l'avenir, après la publication de la présente révision, ne pourra prétendre au même droit, ni être employé, ni jouir du droit de citoyen, ni acquérir de propriété dans la république.

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