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y avait à peu près une vingtaine de blancs, de toutes nations; mais pas un Français. »

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Quoiqu'il en soit de cette évaluation des richesses amassées par Christophe, une proclamation du président Boyer, également datée du Cap, adressa aux habitans une exhortation qui mit fin au pillage. « Voudriezvous, leur dit-il, » profiter du moment où le barbare a » cessé de vivre, pour vous livrer au désordre ?.... Non >> sans doute si dans les premiers instans de sa mort, >> quelques-uns d'entre vous, enivrés de la joie de cet >> événement heureux, se sont livrés à démeubler ses >> nombreux palais et châteaux, ils auraient dû se rap» peler qu'il était le spoliateur des biens de l'état; ils >> auraient dû respecter ce qu'il avait laissé et qui pro» venait des caisses publiques, pour qu'un gouverne>>ment juste et réparateur trouvât les moyens de conso» lider la chose publique dans toutes ses parties.

>> Citoyens! j'ai promis d'oublier le passé je tien» drai ma parole, et je ne viens pas ici chercher des >> coupables; mais je ne puis pas, sans manquer essen>> tiellement à mes devoirs, tolérer le vol. Les diamans, » les joyaux, l'argenterie qui appartiennent à l'état, » parce qu'ils ont été achetés avec son argent, et qui » ont été pris depuis le 8 octobre dernier, doivent être >> restitués; sans quoi, les personnes entre les mains » desquelles ces objets seront retrouvés, ou celles qui >> seront reconnues les avoir pris, seront poursuivies >> conformément aux lois de la république et punies d'a»près les peines qu'elles établissent.

» Il est ordonné que toutes personnes qui ont à leur » disposition l'argenterie, les joyaux et diamans, enle»vés des diverses maisons qu'occupait Christophe, de>> vront les déposer, vingt-quatre heures après la pu>>blication de la présente proclamation, au trésor pu>> blic, et en tirer reçu. »

I.

CONSPIRATION DE RICHARD.

Le 23 février 1821, éclata, dans une partie du district de l'Artibonite, une conspiration qui fermentait depuis quelque temps dans le nord-ouest.

Le général de division Richard, créé duc de la Marmelade par le roi Henri (Christophe), et conservé dans son grade militaire par le président Boyer, avait préparé une révolution contre le gouvernement de la république. Le colonel Paulin, son confident, tâcha de s'emparer de la place de Saint-Marc : il fut abandonné de son régiment et livré au général Servan; blessé dans l'action, il mourut à l'hôpital. Le lieutenant-colonel Belzunce, ancien aide-de-camp de Christophe, avait aussi pris part à la révolte : il fut saisi, conduit au Portau-Prince et livré à une commission militaire.

Les généraux Jérôme et Dossou, ne doutant pas du succès de la tentative concertée avec le colonel Paulin, attaquèrent les troupes de la république aux Gonaïves.

Richard, dont la conduite était suspecte depuis longtemps, fut arrêté au Cap le 25 février. Il arriva au PortPrince, avec plusieurs officiers dont on s'était assuré en même temps.

Le 8 mars, le président Boyer fit paraître la proclamation que nous insérons ici textuellement.

RÉPUBLIQUE D'HAÏTI.

Proclamation de Jean-Pierre Boyer, président. d'Hayti.

HAÏTIENS!

Le règne désastreux de la tyrannie venait de s'éteindre: celui de la justice ramenait la paix et l'allégresse dans le nord, et, à l'exception de quelques pervers, la masse entière du peuple haïtien ne formait plus qu'une famille, unie par les liens de la douce fraternité.

L'ambition, qui n'a pu voir, sans dépit, la république marcher d'un pas rapide dans la carrière qui doit la conduire au plus haut degré de prospérité, s'est agitée en tous sens, et, dans sa rage, saisissant le brandon de la discorde, elle a essayé de rallumer la guerre civile au sein de notre patrie.

Esclaves orgueilleux de Christophe, des hommes qui se consolaient de l'abaissement honteux où il les tenait, en faisant gémir à leur tour leurs trop infortunés concitoyens sous le poids de la plus avilissante oppression, ces hommes ne virent qu'avec une sorte d'horreur le

changement heureux qui anéantissait leurs titres, leurs priviléges, et mettait fin à leur despotisme féodal. Ils n'envisageaient qu'avec répugnance et dédain ce systême bienfaisant d'égalité qui les plaçait, devant la loi, sur la même ligne que ceux qu'ils s'étaient habitués à regarder au-dessous d'eux.

En vain le gouvernement libéral et équitable de la république les combla de bienfaits; en vain, il les confirma dans la jouissance de tous les avantages qui n'étaient pas en contradiction avec la constitution de l'État; l'intérêt personnel et la vanité l'emportèrent, dans leur cœur, sur le sentiment du devoir et sur celui

de la reconnaissance.

Dès les premiers instans qui suivirent la réunion du nord à la république, ils ne cessèrent de comploter pour opérer le renversement du nouvel ordre de choses. Leurs coupables machinations parvinrent à égarer quelques esprits faibles, et quand ils se crurent en position d'agir, ils tentèrent l'exécution de leur exécrable projet.

Leur plan était vaste : le mouvement concerté entre les conspirateurs devait embrasser simultanément le Cap-haïtien, les Gonaïves, Saint-Marc et le quartier de l'Artibonite.

Pour donner une apparence de motif au soulèvement qu'ils voulaient exciter, les conjurés firent adroitement circuler des bruits tendant à alarmer les citoyens sur les intentions du gouvernement, et à diminuer la confiance qu'il doit inspirer.

Mais les destins d'Haïti étaient irrévocablement fixés.

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