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commandant de la ville du Cap, conçut le projet de renverser le souverain d'Haïti et de se placer sur le trône. Parmi les hommes qu'il voulait employer à l'exécution de ce dessein, le colonel Paulin, du huitième régiment d'infanterie, le servait avec le plus de dévoûment. Soit que Christophe eût pénétré le complot, soit qu'un caprice lui rendît suspect cet officier, Paulin fut arrêté. Richard, trés-alarmé, pressa le mouvement qu'il méditait et fit lever l'étendart de la révolte, par le commandant de Saint-Marc, qui se mit sur-le-champ en communication avec Boyer. L'insurrection aurait été promptement réprimée par Christophe, si Richard n'eût opéré à propos une diversion qui paralisa tous les efforts des partisans du despote. Bientôt l'exemple que venait de donner Richard, fut suivi par plusieurs commandans des divisions. Christophe était malade; cependant, lorsqu'il reçut la nouvelle de la révolte, qui avait déjà gagné sa capitale, il voulut monter à cheval et se mettre à la tête de sa garde, qu'il croyait encore fidèle; mais ses solda's refusèrent d'obéir. Il comprit alors que tout espoir était perdu pour lui et qu'il avait cessé de régner; pour ne pas tomber dans les mains de Boyer, il n'hésita point à se

brûler la cervelle. Il fut aussitôt jeté par les siens dans une ravine, où il resta sans sépulture.

Boyer n'avait point perdu de temps pour profiter de l'insurrection. Il arriva au Cap. Richard, qui voulait s'emparer du pouvoir et constituer un gouvernement séparé de celui de la république, engagea tous les généraux à empêcher la réunion du Nord à l'autre partie l'île. Mais la prompte marche des troupes de Boyer et sa présence empêchèrent le parti de se former. Les régimens, sur la route et à tous les postes, posèrent les armes et ne les reprirent que comme soldats de la République. Le fils de Christophe, qu'on appelait le prince royal, après avoir joui de sa liberté pendant quelques jours, périt en prison par les mains du peuple, quoique le président Boyer eût cherché à le sauver. La reine, et sa fille qui avait pris le nom de princesse Athanaïs, furent conduites au Port-au-Prince, où elles affectèrent de vivre du travail de leurs mains, quoique le président eût pourvu à leur sûreté en leur donnant une maison et une garde, et qu'il se fût empressé de fournir à tous leurs besoins. L'Angleterre, comme l'ancienne alliée de ce roi, accorda plus tard aux tristes débris de sa famille, un asile et une pension.

Boyer trouva des trésors immenses au Cap, ou plutôt dans la forteresse de la Ferrière, que Christophe avait fait construire à grands frais. Il y eut bien quelque pillage, au moment dé la mort de Christophe; mais la terreur de son nom régnait encore dans son palais, et l'on doit attribuer à ce sentiment la retenue du peuple.

Pendant son séjour au Cap, Boyer reçut plusieurs invitations des habitans de la partie espagnole, pour venir prendre possession de leur territoire et le réunir à la République : il s'y refusa, ne voulant pas commettre d'hostilité à l'égard de l'Espagne, dont il n'avait pas plaindre. Plus tard, il se décida, cependant, à prendre ce parti, qui alors parut commandé par la nécessité.

à se

Boyer, après s'être mis en possession des trésors de Christophe au nom de la République, s'occupa d'organiser l'armée; il réunit les soldats qui désertaient de toutes parts, pour jouir de cette liberté dont on leur avait parlé si long-temps en les retenant dans le plus dur esclavage.

Quelques mois auparavant, il s'était débarrassé d'un nègre partisan, nommé Goman, qui, depuis plusieurs années, harcelait sans cesse

les troupes placées sur les limites des montagnes occupées par ses bandes, du côté de Jérémie. Forcé dans ses derniers retranchemens, ce partisan se précipita du haut des rochers, et délivra ainsi la République d'un ennemi dangereux. Boyer, au lieu de faire fusiller les soldats de Goman, qui s'étaient rendus à discrétion, leur donna des terres et les moyens de les cultiver, et il s'en fit des amis.

Le président devait croire qu'après ces deux événemens, il n'allait plus avoir qu'à s'occuper d'organiser les pays qui venaient de se soumettre à ses lois. Mais quelques hommes de la cour de Christophe, regrettant les honneurs et les titres dont ils avaient joui sous le tyran, excitèrent une révolte. Richard, le ci-devant duc de la Marmelade, que Boyer avait confirmé dans son grade de général de division, en lui confiant même le commandement du Cap, ne cessa de manifester un esprit d'hostilité. Il y eut au Cap quelque fermentation, qui fut appaisée par les soins du général Magny (1). Le

(1) C'est le méme général Magny qui vient de donner de nouvelles preuves de dévouement au chef de la République, en déjouant les projets des généraux Nord et

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colonel Paulin, qui était entré, comme le général Richard, dans la conspiration contre Christophe, tenta de s'emparer de la place de Saint-Marc: le général Servan y fit bonne contenance. Paulin, blessé dans l'action, fut livré par ses soldats à Servan; et, quelques jours après, il mourut de ses blessures à l'hôpital. On s'empara également du lieutenant-colonel Belzunce, qui avait été aide-de-camp de Christophe, et on le conduisit au Cap.

Pendant que Paulin attaquait Saint-Marc, les généraux Gérôme et Dasson dirigèrent le 26. régiment contre les Gonaïves, et forcèrent le général Francisque à s'embarquer. Les Gonaïves furent pillées et dévastées; mais aucun des cantonnemens voisins ne voulut prendre part à cette révolte. C'est alors que fut envoyé aux Gonaives le général de division Bonnet, qui, par son patriotisme et sa rare habileté, fit, comme par enchantement, cesser un état de choses si déplorable.

Les projets de Richard sur le Cap furent

Profeti, anciens officiers de Christophe, mécontens du traité apporté par M. de Mackau pour la reconnaissance du gouvernement d'Haïti.

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