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Paris, ce 8 août 1823.

MONSIEUR LE GÉNÉRAL,

Sous très-peu de jours je serai à Bruxelles. Je partirai probablement d'ici, dimanche ou lundi. Mon voyage a pour but de traiter avec vous l'affaire importante dont vous êtes chargé. J'ai pris connaissance de la lettre dans laquelle vous annoncez votre arrivée. J'ai autant que vous, j'ose vous l'assurer, le désir d'arriver à une conclusion heureuse et prompte, et je ne doute pas que notre entrevue n'amène ce résultat. Je descendrai aussi à l'hôtel de Bellevue, et j'aurai, dès mon arrivée, l'honneur de vous voir.

Je saisis cette occasion pour vous offrir, Monsieur, l'assurance de ma très-haute considération.

Signé ESMANGart.

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Après avoir transcrit cette correspondance, M. le général Boyé continue sa lettre au président d'Haïti, commencée ci-dessus à la page 376. Nous supprimons le reste de cette dépêche, qui ne contient plus rien d'intéressant.

(Note de l'auteur du P. H. )

Q.

Paris, le 25 août 1823. (1)

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

Je crois devoir vous entretenir de ce qui vient de se passer entre M. le général Boyé et moi.

Le 10 juillet dernier, le gouvernement reçut de lui l'annonce qu'il venait d'arriver à Amsterdam et qu'il était muni de vos pouvoirs, pour terminer les différends qui existent entre Haïti et la France. Il proposait au ministre d'envoyer soit à Amsterdam, soit à Hambourg ou Bruxelles, quelqu'un avec qui il pourrait entrer en négociation, afin d'arriver à la reconnaissance de l'indépendance et à la conclusion d'un traité de commerce. Il n'indiquait pas les bases sur lesquelles pourrait se faire le traité; mais elles se trouvaient tracées dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en réponse de celle que j'avais chargé M. Aubert du Petit

(1) Recueil d'Haïti, pages 36-40.

Thouars de remettre à V. Exc. Vous me disiez : Pour donner au monde entier une preuve de la loyauté haitienne, et de mon amour pour la concorde, je serais disposé à faire revivre l'offre d'une indemnité raisonnablement calculée qu'avait faite mon prédécesseur, à l'époque de la mission que la France envoya ici, et qui fut écartée en 1816, dans le cas où S. M. T. C. reconnaîtrait la nation haïtienne libre et indépenpendante, etc. etc.

Le gouvernement du Roi ne dut pas douter, d'après l'annonce faite par M. le général Boyé, qu'il n'eût les pouvoirs nécessaires pour traiter sur ces bases. Il me chargea de pouvoirs en conséquence, et je me rendis à Bruxelles dès que j'eus mis l'ordre nécessaire dans l'administration qui m'est confiée.

Dès ma première entrevue avec M. le général Boyé, j'eus lieu de craindre que nous ne pussions pas nous entendre. Il m'annonça, avant même que nous ne fussions entrés en matière, qu'il n'était autorisé à traiter que sur des questions commerciales; et qu'il fallait renoncer à toute demande raisonnable d'indemnités, en me disant même d'une manière trop empressée, que si le traité ne se faisait pas sur les bases posées dans ses instructions, Haïti était

décidée à se mettre, sinon en état d'hostilité ouverte contre la France, du moins à prendre des mesures indirectes pour que toute communication cessât avec elle. Comme nous n'étions pas là pour énumérer les forces des deux pays, ni pour discuter leurs moyens d'attaque ou de défense, je me contentai de lui donner connaissance des bases que vous m'aviez vous-même indiquées dans votre lettre du 10 mai 1821, comme étant, me disiez-vous, les seules sur lesquelles il était possible de conclure (1). Comme ces bases n'avaient rien qui ne fût acceptable, qu'elles conciliaient toutes les prétentions, je lui offris de les admettre et de traiter. Je lui réitérai cette offre, dans plusieurs conférences; mais comme il persista toujours à me répondre qu'il avait la défense la plus expresse de parler d'indemnités; et comme j'avais les ordres les plus positifs de ne pas traiter sans cette base, j'ai cru ne pas devoir lui faire connaître les propositions que j'étais chargé de faire, puisqu'il n'avait pas de pouvoir pour les accepter. Nous nous séparâmes sans rien conclure.

(1) Cette lettre est celle qui se trouve ci-dessus, pièce N', page 370.

(Note de l'auteur du P. H.

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Je ne saurais, M. le président, vous exprimer combien j'ai été contristé de voir cette négociation finir ainsi, quand, d'après les pouvoirs qui m'étaient donnés, je devais espérer le résultat le plus satisfaisant pour les deux pays. Depuis six ans je suis occupé de cette affaire; et c'est au moment où je croyais la négociation arrivée à son terme, que je vois tout d'un coup les prétentions changer, et que tout ce qui pouvait décider l'arrangement, se trouve écarté.

Le gouvernement du Roi, personne ne peut plus que moi, M. le Président, vous en donner l'assurance, voyait avec une grande satisfaction la possibilité de terminer nos débats. Sa démarche, dans cette circonstance, en est une preuve irrévocable; mais il devait croire que votre négociateur serait muni de pouvoirs suffisans, pour conclure d'après les bases annoncées par vous-même, et qu'il m'avait chargé d'adopter.

Le changement de position, le temps qui s'est écoulé depuis vos propositions, sont les motifs que M. le général Boyé a mis en avant pour excuser cette variation. Ces motifs sont si futiles, qu'il ne m'a pas même paru raisonnable de les discuter : il eût été facile de dé

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