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nous rendre à sa proposition. Le ministre ferma alors la conférence, en nous promettant qu'il prendrait l'avis du conseil, et qu'il nous communiquerait la décision de son gouvernement, Tel a été le résultat de notre entretien avec le ministre. La lettre que M. Esmangart nous a écrite le 3 août, nous a fait connaître le prétexte dont le gouvernement français a coloré la rupture de la négociation. Ce prétexte, c'est l'insuffisance de nos pouvoirs, pour accepter les conditions établies dans le projet d'ordonnance. Mais était-on fondé à arguer de cette insuffisance, après avoir reçu, sans objection, nos propositions, et nous avoir flattés de l'espoir de les voir accueillies? Etait-ce faire preuve de cette disposition franche, si souvent manifestée, d'en venir à un arrangement définitif, que de nous présenter une clause non convenue, et à laquelle on savait bien que nous ne pouvions consentir?

Les choses ayant pris cette tournure inattendue, notre séjour en France devenait sans objet, et nous nous embarquâmes au Hâvre, le 15 août dernier, sur le Cosmopolite.

Voilà, Président, l'exposé vrai, et aussi succint qu'il nous a été possible de le faire, de notre conduite et de celle du gouvernement

français. Si nous n'avons point obtenu dans cette négociation le résultat que nous devions naturellement attendre, nous aurons du moins la consolation d'avoir conservé intacts les droits et la dignité du peuple haïtien; et c'est avec ce sentiment que nous venons remettre entre les mains de V. Ex. le précieux dépôt qu'elle nous avait confié.

Agréez, Président, l'hommage de notre respectueux dévouement,

LAROSE, P. ROUANEZ.

Au Port-au-Prince, le 5 octobre 1824, an 21 de l'Indépendance. (1)

Le recueil publié par l'ordre du président d'Haïti, en octobre 1824, se termine par un résumé que nous donnons ici textuellement.

RÉSUMÉ.

« En 1814, on voulait nous imposer la sou

(1) A ce rapport se trouvent jointes les copies de toutes les lettres citées par les commissaires d'Haïti: nous ne les avons pas réimprimées.

(Note de l'auteur du P. H.)

VERAINETÉ ABSOLUE de la France : en 1816, on se contentait d'une SOUVERAINETÉ CONSTITUTIONNELLE en 1821, on ne demandait plus qu'une SIMPLE SUZERAINETÉ : en 1823, lors de la négociation du général Boyé, on se bornait à réclamer, comme le sine quá non, L'INDEMNITÉ que nous avions offerte précédemment : par quel retour à un esprit de domination, veuton, en 1824, nous assujétir à une SOUVERAINETE EXTÉRIEURE? Qu'est-ce donc que cette souveraineté extérieure? Elle se compose, lon nous, de deux espèces de droits : l'un qui se restreint au PROTECTORAT, et c'est celui qu'on nous présente; l'autre, qui s'étend sur les relations du dehors, soit politiques, soit commerciales, et que par la suite on ne manquerait pas de faire valoir. Mais de quelque côté que nous envisagions cette soUVERAINETÉ, elle nous paraît injurieuse ou contraire à notre sécurité voilà pourquoi nous la rejetons ».

se

MM. Larose et Rouanez étant arrivés dans leur patrie, de retour de la mission qu'ils venaient de remplir en France, le président publia, le lendemain de la date de leur rapport, la circulaire suivante; le recueil des pièces ne parut que quelques jours après.

Port-au-Prince, 6 octobre 1824.

CIRCULAIRE.

Jean-Pierre Boyer, président d'Haïti, aux commandans d'arrondissement.

Les envoyés que, sur l'appel qui m'avait été fait, j'avais expédiés pour traiter en France de la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti, sont de retour ici. Leur mission n'a pas obtenu le résultat que l'on était en droit d'espérer, parce que le gouvernement français (chose incroya ble!) prétend encore au droit de suzeraineté sur ce pays. Cette prétention, à laquelle il paraissait avoir renoncé, est à jamais inadmissible: elle est une nouvelle preuve, comme je l'ai déjà proclamé, que notre véritable garantie est dans notre inébranlable résolution, et combien nos défiances et les mesures que j'ai prises étaient fondées.

Dans ces circonstances, vous devez, plus que jamais, vous rappeler les dispositions de ma proclamation du 6 janvier dernier, et les instructions particulières qui l'ont suivie. Pres

sez activement tous les travaux nécessaires; l'entretien en ordre des armes, la mise en bon état de l'artillerie, des munitions de toute espèce etc., rien ne doit être négligé; mettez en réquisition les ouvriers des corps, et même, au besoin, les particuliers, pour la prompte confection des affuts de canon qui pourraient ne pas être encore achevés. Faites en sorte, enfin, en cas d'invasion de l'ennemi, de n'être en retard sur aucun point. Songez sans cesse à vos devoirs, à votre responsabilité et agissez en conséquence.

L'honneur national prescrit (vous ne perdrez pas non plus cet objet de vue) d'assurer la tranquillité et la sûreté aux étrangers qui, sur la foi publique, garantie par la constitu tion, se trouvent dans le pays. Couvrez-les, ainsi que leurs propriétés, de votre protection, › de manière qu'ils soient en pleine sécurité. Il suffit de réfléchir, pour sentir l'infamie qui rejaillirait sur la nation, si, dans n'importe quelle circonstance, nous agissions différemment. Guerre à mort aux implacables ennemis qui porteraient un pied sacrilège sur notre territoire; mais ne souillons jamais notre cause par aucune action déshonorante !

En envoyant des députés pour régler les

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