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découverts; il fut arrêté avec les colonels Cimetière et Pierre-Paul. On les transporta au Port-au-Prince; Richard fut livré aussitôt à une commission militaire, condamné et fusillé: tous les autres conspirateurs eurent le même sort (1).

Sur ces entrefaites, les insurgés de l'Amérique du Sud, soit qu'ils cherchassent à augmenter leur domination, soit qu'ils voulussent enlever une nouvelle possession à l'Espagne, firent des préparatifs pour s'emparer de la partie espagnole de Saint-Domingue et y arborer leur pavillon. Boyer montra aux habitans le danger d'une pareille alliance avec un État qui, par sa position géographique, ne pouvait, en cas d'attaque du dehors, ni les protéger ni les secourir. Ses troupes entrèrent sur le territoire espagnol; en peu de jours, elles furent établies à Samana, à Santo-Domingo, à Monte-Christe. Peu de jours après l'arrivée des troupes haïtiennes à Samana, l'amiral Jacob s'y présenta inopinément avec un vaisseau et quelques frégates de la marine française : il envoya

(1) Voyez, sous la lettre J, les pièces relatives à cet événement.

plusieurs bordées sur les postes qui gardaient la côte, et fit même quelques prisonniers. On n'a jamais su quel avait été le but de cette hostilité, ni par quel ordre elle avait été commise. Une pareille équipée faillit coûter cher aux Français qui étaient au Port-au-Prince; ils auraient été infailliblement massacrés le par peuple, sans l'extrême prudence de Boyer, qui montra dans cette circonstance combien il a d'ascendant sur la nation qu'il gouverne. Grâce à lui, cette affaire n'eut aucune suite fâcheuse et n'altéra pas la confiance du commerce.

Depuis cette époque, l'ordre et la tranquillité n'ont plus été troublés. Boyer a pu se livrer en paix à l'organisation du Nord, et cette partie est aussi liée aujourd'hui au reste de la République d'Haïti, que s'il n'y eût jamais eu de séparation (1).

La mort de Christophe et la réunion du

(1) Arrivés à cette époque, où toutes les parties du territoire de Saint-Domingue se trouvent réunies sous l'autorité de l'habile et heureux président Boyer, nous renvoyons ici aux détails que nous avons recueillis sur l'organisation du gouvernement d'Haïti. Voyez la lettre L.

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Nord à la république, firent sentir au gouvernement français que le moment était favorable pour reprendre les négociations.

La première personne que l'on voit paraître dans cette nouvelle correspondance, publiée par le président Boyer, est M. Aubert du PetitThouars, officier de marine, qui se présente au Cap chez le chef de l'État, comme porteur d'une lettre de M. Esmangart. Le marin écrit lui-même, pour expliquer le motif de son voyage; et, quoiqu'il ne parle qu'au nom de M. Esmangart, il est tellement officiel pour nous, que nous ne pouvons douter qu'il n'ait été envoyé avec l'approbation du gouverne

ment.

La première pièce du recueil (1) est une

(1) On publia ces pièces à l'imprimerie de la République d'Haïti, lorsque les négociations eurent échoué de nouveau à Paris, en 1824. Le gouvernement du Roi ne fit rien paraître, à cette occasion. Mais un homme de lettres, attaché à un journal d'opposition, ayant donné une nouvelle édition du recueil, chez M. Peytieux, libraire, de la galerie Delorme, à Paris, nous n'avons pas jugé nécessaire de reproduire ici toutes les pièces de la seule collection de cette nature imprimée en France:

lettre d'introduction pour M. Aubert, écrite par M. Esmangart. Elle annonce au président d'Haïti, en des termes très-mesurés, que, s'il veut indiquer sur quelles bases il serait dispose à traiter, et quelles sont ses propositions, M. Esmangart fera des ouvertures au gouvernement du Roi.

Les deux premières lettres de M. du PetitThouars sont plus brusques. Après avoir dit, le 4 mai, que le président n'ayant pas expliqué ses intentions d'une manière précise, relativement aux bases du traité à conclure, ni fixé le dédommagement qu'il voulait offrir pour le sacrifice auquel la France est prête à consentir, M. Esmangart n'avait pu promettre à Paris des choses que le gouvernement d'Haïti n'aurait peut-être pas tenues; tout-à-coup, le 8 mai, sans qu'on puisse deviner quelle a été la réponse du président Boyer, ni ce qui s'est passé en conversation, M. Aubert, dans sa seconde

nous n'en citerons que les passages dont nous pourrons avoir besoin pour appuyer notre récit : nous indiquons les pages de l'édition originale du Port-au-Prince, à laquelle, d'ailleurs, celle de M. Peytieux est conforme, sauf le format et la pagination.

lettre, abandonne la souveraineté, en affirmant qu'on a la conviction que cette base ne pourrait être admise par les Haïtiens (1).

Une concession de cette importance est fort remarquable, si on la rapproche de la lettre écrite en 1816 (2), dans laquelle, après avoir soutenu d'une manière fort énergique la nécessité de reconnaître la souveraineté de la France, les commissaires du Roi annoncent que le principe n'étant pas admis par Pétion, la négociation se trouve rompue. On voit, cependant, que lorsque M. Aubert a été envoyé à Saint-Domingue par M. Esmangart, le gouvernement voulait abandonner le principe et chercher une autre base; car, sur-le-champ, l'envoyé propose que le chef de Saint-Domingue reconnaisse la suzeraineté de la France, ou au moins un droit de protection, semblable à celui que l'Angleterre exerce à l'égard des îles Ioniennes; il donne l'assurance que si ces conditions sont acceptées, et si le président veut en instruire M. Esmangart, un commissaire du Roi se rendra promptement à Saint-Domingue

(1) Voyez lettre M.

(1) Voyez les pièces à la fin du volume, lettre D.

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