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les produits, augmentent aussi le bien-être de la société tout entière. La reconnaissance d'un droit absolu sur la chose emporte, pour celui qui en jouit, la faculté de la céder à un autre; de là toutes les lois sur la transmission de la propriété entre-vifs à titre gratuit ou onéreux. La mort rompt tous les rapports matériels de l'homme avec les choses de ce monde; cependant lå loi civile, favorisant le sentiment naturel qui nous porte à acquérir pour nos enfants, nos proches et ceux qui nous sont chers, prolonge ces rapports au delà du tombeau, tantôt en sanctionnant la disposition que le propriétaire a faite de ses biens, par acte de dernière volonté, pour le temps où il n'existera plus, tantôt en investissant de la propriété des biens les personnes survivantes qui tenaient au défunt par les liens dụ sang ou de l'affection.

17. Ainsi, en résumé, l'homme est un être intelligent et libre, régi par des lois générales qui émanent de Dieu même, et dont la violation est punie soit dans ce monde, soit dans l'autre.

La loi divine, c'est-à-dire le juste, doit être la règle de conduite de chaque individu, le principe générateur du droit public et du droit privé.

L'état de société est imposé aux hommes par le Créateur. La société ne peut exister sans un pouvoir; mais ce pouvoir n'est la propriété de personne; il émane de la société et ne doit être exercé que par ceux de ses membres qui ont assez d'intelligence pour comprendre ses besoins et trouver les moyens d'y satisfaire.

Les droits naturels sont : la liberté, l'égalité, la propriété.

Les droits politiques consistent dans la participation à la législation et à l'administration du pays.

Les premiers sont le but de la société ; ils appartiennent à tous ses membres.

Les seconds sont des moyens d'atteindre le but social; ils supposent la capacité.

18. Telles sont, dans leur plus grande généralisation, les principes fondamentaux du droit public, principes que les hommes ont suivis à leur insu dans les temps reculés, où ils possédaient encore l'innocence des mœurs et la simplicité du cœur. La famille a été la première société, et les rapports naturels que Dieu a établis entre le père et les enfants et entre les descendants du même père ont été le point de départ, comme ils sont restés le modèle le plus parfait du droit public. L'autorité paternelle d'un gouvernant, la soumission filiale des gouvernés, l'affection fraternelle des membres de la même famille, telles étaient les idées qui devaient présider à la transformation des familles en nations; mais la cupidité humaine a troublé le développement régulier du droit public; l'homme a oublié Dieu et la loi naturelle qui lui avait été révélée dès l'origine du monde; il a divinisé ses passions et n'a plus connu d'autres règles que le désir de les satisfaire. Le monde alors est devenu un champ de bataille où les sociétés comme les individus se sont efforcés de faire prévaloir les intérêts de leur cupidité. Au milieu des ténèbres du paganisme, on a vu l'homme s'arroger sur ses semblables un pouvoir que Dieu ne lui avait donné que sur les animaux. La force a remplacé le droit et fondé l'esclavage et la tyrannie.

Enfin la lumière de l'évangile s'est levée sur le monde, et a fait briller de tout l'éclat d'une révélation nouvelle les principes que les passions avaient obscurcis. Le christianisme a opéré la plus pacifique et la plus éton

nante de toutes les révolutions. Dans le monde païen, c'était l'homme physique avec toutes ses passions qui prédominait. Le christianisme a développé l'homme moral; à l'intérêt qui était sa règle de conduite, il a substitué le devoir qui va jusqu'au sacrifice; il a condamné l'orgueil et l'esprit de révolte, et commandé l'humilité et la soumission; en rendant à la femme sa dignité d'épouse et de mère, il a recomposé la famille; en montrant à chaque homme dans son semblable un frère racheté par le même Dieu et appelé aux mêmes destinées que lui, il a créé la charité, amené l'abolition de l'esclavage, et jeté les bases de la société telle qu'elle est, ou plutôt telle qu'elle deviendra un jour, quand elle sera dégagée de tous les débris de paganisme qui l'encombrent encore aujourd'hui (1). C'est le christianisme qui a fait entrer dans le droit public la liberté et l'égalité pour tous; c'est lui seul qui peut tirer toutes les conséquences de ces principes féconds, et les réaliser sans secousses, parce qu'il tend sans cesse à l'amélioration des individus, et qu'en même temps qu'il proclame les droits, il les subordonne aux devoirs.

Avant d'entrer dans l'étude du droit public positif, il faut connaître la nation que ce droit est destiné à régir. Les nations, en effet, sont soumises, comme les individus, à des influences physiques et morales dont il faut tenir compte, soit qu'on veuille créer des lois positives, soit qu'on se contente d'étudier celles qui existent; et le droit public de la France ne peut être bien compris qu'autant que l'on a des idées justes sur sa position géographique, sur le caractère et les mœurs de

(1) Il y aurait un beau livre à faire sur le paganisme de notre âge; on en découvrirait facilement les traces non-seulemeut chez les habitants de nos campagnes, tout remplis encore de superstitions druidiques, mais aussi dans plus d'un système de philosophie, d'économie politique, de législation, jurisprudence, etc.

TOME I.

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de

ses habitants, sur les différentes phases de son histoire. C'est là une étude qui doit précéder celle de la législation, et à laquelle nous nous contenterons d'emprunter quelques résultats qui feront l'objet du chapitre suivant.

CHAPITRE II.

ÉLÉMENT HISTORIQUE DU DROIT PUBLIC FRANÇAIS.

SOMMAIRE.

19. Coup d'œil général sur la position physique de la France. 20. Différents peuples qui ont contribué à former le peuple français. Les Gaulois,

21. Conquête romaine et droit romain.

22. Invasion et lois barbares.

23. La féodalité et le droit féodal.

24. Le clergé et le droit canon.

25. La royauté et ses institutions.

26. Les communes et leurs institutions. Le tiers état.

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27. Destruction du pouvoir politique de la noblesse féodale.

28, Monarchie absolue suivie de l'intervention régulière de la nation dans l'exercice du pouvoir.

29. Situation de la France à l'époque de la révolution de 1789, Division en provinces.

30. Défaut d'unité dans le droit public et privé.

31. Morcellement et confusion des pouvoirs.

32. Principales institutions administratives. ralités, communes.

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Intendances, géné

33. Etat des personnes.— Le clergé, la noblesse, le tiers état. 34. Etat des terres.

35. Etats généraux et Assemblée nationale.

36. Abolition définitive et complète du régime féodal. 37. Constitution du 3 septembre 1791.

38. Vices de la Constitution de 1791.

39. Assemblée législative. - Suspension de la royauté.

40. Convention nationale. — Abolition de la royauté.
41. Constitution du 24 juin 1793.
42. Gouvernement révolutionnaire.

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44. Constitution du 22 frimaire an VIII. - Consulat.

45. Consulat à vie. —Sénatus-consulte du 16 thermidor an X.

46. Empire. — Sénatus-consultes organiques de floréal an XII et du 19 août 1807.

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Charte du 4 juin 1814.

48. Empire des Cent-Jours. · Acte additionnel du 22 avril 1815.' 49. Seconde restauration.

50. Révolution de juillet; Charte constitutionnelle du 14 août 1830. 51. Division générale de la matière.

19. La France, dont la superficie embrasse cinquante-deux millions sept cent soixante-huit mille six cent dix-huit hectares, ou vingt-six mille sept cent quatorze lieues carrées (1), réunit toutes les conditions qui peuvent rendre un peuple heureux, libre et puissant. Défendue presque de tous côtés par d'admirables fortifications naturelles, elle ne redoute pas les invasions subites et générales qui pourraient la livrer par surprise aux nations étrangères, et la bravoure de ses enfants la place au premier rang parmi les peuples guerriers de l'Europe. Les productions variées d'un sol fertile suffisent à tous ses besoins, et lui permettent de se livrer à un commerce d'exportation rendu facile par le voisinage de deux mers. Sa population, qui est susceptible d'un grand développement intellectuel, a de tout temps donné naissance à des hommes qui ont poussé très-loin la pratique des beaux-arts, l'étude des belles-lettres et celle des sciences morales et physiques.

La France cependant est bien loin d'avoir tiré le meilleur parti possible de tous ces éléments de prospérité un grand nombre de terres encore en friche ou mal cultivées la laisse tributaire des étrangers pour des matières qu'elle-même pourrait produire; le système

(1) Documents statistiques publiés par le ministre du commerce en 1835, t. 1, p. 108.

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