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et la nécessité d'un permis de port d'armes, sont établies dans l'intérêt public; d'où il résulte que les contraventions à l'une ou à l'autre de ces deux règles doivent être poursuivies, à la requête du ministère public, même contre les individus qui chasseraient sur leurs propriétés. Quant au fait de chasser sur le terrain d'autrui, lorsque d'ailleurs la chasse est permise et qu'on s'est conformé au décret relatif au port d'armes, ce n'est plus en quelque sorte qu'un délit privé qui ne peut être poursuivi par le ministère public que sur la plainte du propriétaire, et sans toutefois que celui-ci soit obligé de se porter partie civile. Mais, lorsqu'à ce délit privé vient se joindre une contravention d'ordre public, telle que le défaut de port d'armes, ou le fait de chasse dans un temps ou sur des terrains prohibés, le ministère public doit alors poursuivre d'office (1), La poursuite appartient aussi à l'administration fo restière, quand le délit a été commis dans un bois de l'État ou dans un bois communal soumis au régime forestier, lors même que la chasse est affermée. (C. cass., 8 mai 1841.)

Il existe aux principes que nous venons de poser quelques exceptions que nous allons faire connaître. Les raisons qui ont fait interdire la chasse lorsqu'elle pourrait être nuisible aux récoltes ne s'appliquent pas aux lacs, étangs et forêts, ni aux terrains séparés par des murs et des haies vives, des héritages d'autrui. Aussi les propriétaires peuvent-ils, dans ces différents cas, chasser ou faire chasser sur leurs propriétés à quelque époque que ce soit, mais sous la condition de ne point employer de chiens courants, dans les bois et forêts, aux époques pendant lesquelles la chasse est

(1) V. arrêts de cass. 10 juill. 1807, 13 oct. 1808, 10 fév. 1809, 12 fév. 1808, 15 oct. 1813, 6 août 1822, 7 et 21 mars 1823.

interdite. On ne pouvait non plus laisser les récoltes exposées à la dévastation du gibier et des bêtes fauves; de là, la faculté donnée à tous les propriétaires et même aux fermiers de détruire le gibier, à quelque époque et sur quelque terrain que ce soit, en se servant de filets et autres engins qui ne puissent pas nuire aux fruits de la terre, comme aussi de repousser avec des armes à feu les bêtes fauves qui se répandraient dans leurs récoltes (1).

On peut se demander si, dans ce dernier cas, le propriétaire ou le fermier doit justifier d'un permis de port d'armes ? Nous ne le pensons pas ; le permis de port d'armes, comme nous l'avons déjà dit, n'est exigé que pour la chasse, et dans toutes les autres circonstances il est loisible à chacun de s'armer pour sa défense personnelle et pour celle de ses propriétés. Il s'agit évidemment ici de la défense de la propriété dévastée par des bêtes fauves: le propriétaire qui les repousse, et nous croyons même pouvoir dire qui les détruit avec des armes à feu, ne fait qu'user d'un droit dont l'exercice n'est assujetti par la loi à aucune condition ; c'est ainsi qu'il n'est pas nécessaire de se munir d'un permis de port d'armes pour détruire les animaux féroces, tels que les loups. Sans doute il pourrait se faire que, sous le prétexte de détruire des bêtes fauves, on se livrât à la chasse ; mais ce serait alors une question de fait dont la solution serait laissée à la prudence des tribunaux. La même question se présente à l'égard des personnes qui chassent dans des propriétés closes. Le décret du 4 mai 1812 ne fait explicitement aucune distinction;

(1) Loi du 28-30 avril 1790, art. 13, 14, 15. Un arrêt de la Cour de cass. du 3 nov. 1831 décide que le fait de chasse avec filets, en temps prohibé, par d'autres que les propriétaires ou fermiers, constitue un délit qui doit être poursuivi d'office.

il punit quiconque est trouvé chassant, et ne justifiant pas d'un permis de port d'armes de chasse. Cependant il résulte de son texte même qu'il ne doit point s'appliquer aux personnes qui, du consentement du propriétaire, chassent dans un endroit clos de murs ou de haies vives; car les mots est trouvé ne peuvent s'entendre que des individus parcourant la campagne', desquels peut librement s'approcher un garde-chasse, et non de ceux qui chassent dans un endroit clos dont l'entrée est interdite à toute personne qui n'a pas la permission du propriétaire. La Cour de cassation n'admet l'exception que comme une conséquence du principe qui permet aux citoyens de conserver des armes pour leur défense, et elle la limite au cas où l'usage de ces armes a lieu dans les terrains clos, tenant immédiatement à la maison d'habitation et n'en étant séparés par aucun terrain intermédiaire. (C. cass., 4 mai 1839.)

Une prohibition de chasse d'une nature toute particulière est établie non-seulement à l'égard des domaines de la liste civile, ce qui ne serait qu'une conséquence des principes que nous venons de poser, mais aussi à l'égard des terres enclavées dans ces domaines (1). La chasse ne peut également avoir lieu dans les forêts de l'État et des communes sans autorisation. (L. du 28 vend. an v.) La loi de finances du 21 avril 1832, article 5, prescrit la mise en adjudication de la chasse dans les forêts de l'État, et une ordonnance des 24 juillet et 18 août 1832 a déterminé le mode de l'adjudication et les droits qu'elle attribue aux adjudicataires; mais l'application de la loi du 21 avril 1832 ayant

(1) Lois des 28-30 avril, art. 16, et 22-25 juill. 1790; arrêté du 28 vend. an v; arrêt de la Cour de Paris, 2 juin 1814. Cependant, si le gibier se multipliait trop, et causait des dégâts aux propriétaires, ils auraient l'action en dommages-intérêts. (I. aussi C. cass.', 11 avril 1840. )

prouvé que dans beaucoup de départements le produit des locations était très-faible, et que les dommages que l'on causait aux forêts en chassant étaient fort considé rables, l'art. 5 de la loi de finances du 44 avril 1833 a substitué une disposition facultative à une disposition impérative; de telle sorte que l'administration ne doit aujourd'hui concéder le droit de chasse dans les forêts de l'État, qu'autant que cette concession présente plus d'avantages que d'inconvénients, Il résulte aussi de l'esprit de la loi que la concession ne doit jamais être faite gratuitement. Quant aux bois communaux, un décret du 25 prairial an xu autorise les maires à en affermer le droit de chasse, à la charge de faire approuver la mise en ferme par le préfet et par le ministre de l'intérieur.

305. Le besoin de détruire les animaux nuisibles, et principalement les loups, a donné lieu à une institution qu'il est utile de faire connaître, Il existe dans chaque département des lieutenants de louveterie dont les fonctions non rétribuées consistent à détruire les loups par tous les moyens possibles. Ils sont obligés d'entretenir à leurs frais un équipage de chasse, et de se procurer les piéges nécessaires à la destruction des loups. Ils jouissent, en échange de ces charges, de quelques préroga→ tives, dont la principale consiste à pouvoir chasser deux fois par mois le sanglier au courre dans les forêts de l'État. Quand les lieutenants de louveterie ou les conservateurs des forêts jugent qu'il est utile de faire des battues, ils en font la demande au préfet, qui peut lui-même provoquer cette mesure. Ces chasses sont commandées et dirigées par les lieutenants de louveterie, qui, de concert avec le préfet et le conservateur des forêts, fixent le jour, déterminent le lieu de la chasse et le nombre d'hommes qu'on y emploiera. On dresse

procès-verbal de chaque battue, du nombre et de l'espèce des animaux qui ont été détruits. L'art. 5 de l'arrêté du 19 pluviôse an v autorise les préfets à permettre aux particuliers de leur département qui ont des équipages pour la chasse des animaux nuisibles, de s'y livrer en tout temps, sous l'inspection et la surveillance des agents forestiers (1).

306. En outre, tous les habitants sont invités à tuer les loups sur leurs propriétés; et, pour encourager la destruction de ces animaux dangereux, il est accordé des primes dont le taux, après plusieurs variations, a été fixé, par la circulaire du ministre de l'intérieur du 9 juillet 1818, à 18 fr. par louve pleine, 15 fr. par louve non pleine, 12 fr. par loup, et 6 fr. par louveteau, La présentation du loup détruit se fait au maire de la commune, qui en dresse un procès-verbal, constatant le nom du destructeur, l'âge et le sexe de l'animal tué, avec la mention que ces vérifications ont été faites par lui. On joint à ce procès-verbal le contrôle de l'animal, c'est-à-dire une partie du corps qui permette de le reconnaître ce contrôle varie suivant les usages et les distances; dans tous les cas, la patte droite antérieure et les deux oreilles de l'animal tué doivent en faire partie. On doit prendre des mesures pour que les mêmes contrôles ne puissent pas servir plusieurs fois (2).

(1) Ord, de 1600, 1601, 1669. Voir ord. du 20 août 1814, 24 juill, et 18 août 1832; arrêtés des 28 vend. an v, 19 pluv. an v, 8 fruct, an XII.

(2) V. la loi du 10 mess. an v, avec les circulaires du ministre de l'intérieur des 25 sept. 1807 et 9 juill. 1818.

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