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ficultés non encore jugées qui lui étaient antérieures, si, comme on le disait, elle était interprétative du droit existant; mais l'application de ce principe aurait conduit à une véritable rétroactivité, parce qu'en réalité, avec notre système législatif, il aurait été très-difficile de faire des lois purement interprétatives.

On a senti l'impossibilité d'une interprétation législative, et la loi du 30 juillet 1820 a été abrogée par une loi du 1er avril 1837. Aujourd'hui, lorsqu'après la cassation d'un premier arrêt ou jugement rendu en dernier ressort, le deuxième arrêt ou jugement rendu dans la même affaire, entre les mêmes parties, procédant en la même qualité, est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la Cour de cassation prononce toutes les chambres réunies. Si le deuxième arrêt ou jugement est cassé par les mêmes motifs que le premier, la Cour royale, ou le tribunal auquel l'affaire est renvoyée, doit se conformer à la décision de la Cour de cassation, dont l'arrêt termine ainsi le procès, mais n'a, dans les autres procès de même nature, que l'autorité d'un arrêt solennel. Le gouvernement serait libre de faire une proposition aux Chambres, afin de statuer sur la difficulté; mais la loi qui interviendrait alors serait introductive d'un droit nouveau, et n'aurait d'effet que pour l'a

venir.

CHAPITRE III.

DU POUVOIR EXÉCUTIF ET DE SES ATTRIBUTIONS.

SOMMAIRE.

86. Le pouvoir exécutif doit être confié à une seule personne. 87. Inviolabilité du Roi; responsabilité des ministres.

88. Conséquence de l'inviolabilité du Roi quant au bláme des actes du gouvernement.

89. Résumé des attributions du pouvoir exécutif, art. 13 de la Charte constitutionnelle.

90. Commandement des troupes de terre et de mer.

91. Droit de traiter avec les nations étrangères.

92. Limites du droit de traiter quant aux obligations pécuniaires et aux cessions de territoire.

93. Idem quant à la cession des propriétés privées.

94. Droit de nommer et de révoquer les agents de l'administration. 95. Droit de faire des ordonnances. · Différentes espèces d'ordon

nances. - Formes dont elles sont revêtues.

96. Limites du droit de faire des ordonnances.

poser à une ordonnance inconstitutionnelle.

Moyens de s'op

97. Une ordonnance inconstitutionnelle est-elle obligatoire pour les tribunaux?

98. Art. 13 de la Charte.

99. Des décrets inconstitutionnels de l'Empereur?

100. Des avis du Conseil d'État.

101. Publication, interprétation, abrogation des ordonnances. 102. Peut-on réformer par une ordonnance les dispositions des décrets de la Convention ou de l'Empire qui ne sont que des mesures d'exécution?

103. Arrêtés des préfets et des maires.

104. Instructions et circulaires des ministres.

105. Du droit de faire grâce.

106. Utilité du droit de grâce.

107. Formes dans lesquelles est exercé le droit de grâce.

108. Effets de la grâce, en quoi elle diffère de la réhabilitation. 109. La grâce ne peut prévenir le jugement.

110. Du droit d'amnistie.

· En quoi l'amnistie diffère de la grâce. 111. Le droit d'amnistie proprement dit n'appartient qu'au pouvoir législatif; discussion sur ce point.

112. Des grâces générales improprement appelées amnisties,

86. Lorsqu'il s'agit de faire la loi, on convoque des assemblées composées d'hommes graves, auxquels on soumet la discussion des projets déjà élaborés par les conseils du gouvernement. C'est une chose utile, en effet, que ces opinions différentes qui se combattent, que ces discussions d'où jaillit la lumière : la délibération ne saurait être trop approfondie; et les lenteurs

qu'elle entraine sont compensées par le mérite de la décision qui la suit. Mais il n'en est plus ainsi lorsque le principe étant une fois arrêté, il s'agit de le mettre à exécution. Il faut alors l'unité de vues, la célérité d'action que l'on ne peut rencontrer dans une réunion d'hommes; et, par-dessus tout, il faut que l'exécution entraîne une responsabilité qu'on ne saurait imposer à une assemblée, parce que les résolutions qu'elle prend ne peuvent être attribuées à aucun de ses membres en particulier, mais à tous en général. De là, ce principe qui régit tout notre droit public, et dont on rencontre l'application à tous les degrés de la hiérarchie administrative, 'que délibérer est le fait de plusieurs, exécuter est le fait d'un seul. La plénitude du pouvoir exécutif est attribuée au Roi; c'est ce que la Charte exprime en disant qu'il est le chef suprême de l'État (ch. 12, 13*).

87. La responsabilité des actes du pouvoir exécutif ne pourrait porter sur la personne du Roi, sans anéantir l'un des principes essentiels de la constitution, la noninterruption du pouvoir. S'il était possible de mettre le chef de l'État en accusation, l'action du gouvernement serait immédiatement suspendue; on tomberait dans des inconvénients bien plus graves encore que ceux résultant d'une élection périodique, car on ouvrirait aux ambitieux habiles un moyen de bouleverser l'État, en s'attaquant à son chef. Quelle peine d'ailleurs pourrait-on, sans inconvénient, appliquer à celui qui a tant besoin d'être entouré de considération et de respect? Quel tribunal pourrait être revêtu sans danger d'un pouvoir assez grand pour prononcer sur de telles questions? L'inviolabilité et l'irresponsabilité du Roi sont donc les conséquences nécessaires des principes posés par la Charte constitutionnelle.

La société cependant n'est point exposée sans défense

aux abus et aux erreurs d'un pouvoir absolu; une heureuse combinaison la protége d'une manière efficace, sans compromettre l'existence du gouvernement : c'est la responsabilité des ministres. D'après les principes constitutionnels, aucun ordre du Roi ne peut être exécuté, s'il n'est signé par lui et contre-signé par le ministre chargé du département auquel appartient la nature de l'affaire. En aucun cas, l'ordre du Roi, verbal ou par écrit, ne peut soustraire un ministre à la responsabilité (1). Ce n'est point là, comme on l'a dit, une fiction de droit, par suite de laquelle l'innocent paierait pour le coupable, oar le ministre est toujours libre de refuser sa signature et de se retirer : toutes les fois qu'il contre-signe un acte du pouvoir royal, il se le rend propre, et se soumet à toutes les conséquences qui peuvent en résulter; ce qui est parfaitement juste, puisqu'il suffisait qu'il refusât son concours pour en paralyser l'effet.

Aux termes de l'article 47 de la Charte, c'est la Chambre des Députés qui accuse, et la Chambre des Pairs qui juge les ministres. L'article 56 de la Charte de 1814 restreignait la faculté d'accuser les ministres aux seuls cas de concussion et de trahison. Cette restriction n'avait d'autre effet que d'apporter obstacle à l'exercice du droit d'accusation; elle a été avec raison supprimée dans la Charte de 1830, qui promet en outre, dans son article 69, une loi sur la responsabilité des ministres et des agents du pouvoir : cette loi, présentée aux Chambres dans une des dernières sessions, n'a point encore été votée. Le principe cependant existe et serait appliqué par la Chambre des Pairs, s'il y avait lieu, même en l'absence de la loi organique.

(1) Loi du 27 avril 1791, art. 24, 25. Constit. du 3 sept. 1731, ch. 2, sect. 4, art. 4, 6.

88. Il ne suffisait pas de mettre le Roi à l'abri des attaques directes des ennemis du gouvernement, en le déclarant légalement irresponsable; il fallait encore le protéger contre les attaques indirectes dont l'esprit de parti sait se faire une arme redoutable. En vain auraiton établi le principe de l'irresponsabilité constitutionnelle du Roi, s'il avait été permis de lui faire encourir la responsabilité morale. Il ne serait que trop facile de soulever des haines contre lui, en faisant intervenir son nom dans toutes les discussions, dans toutes les plaintes; en lui attribuant toutes les mesures qui, à tort ou à raison, mécontentent la partie peu éclairée de la nation. C'est pour remédier à ce danger et compléter les dispositions de la Charte, que la loi du 9 septembre 1835, article 4, punit tous ceux qui font remonter au Roi le blâme ou la responsabilité des actes de son gouvernement. Les convenances parlementaires ne permettent même pas de faire intervenir le nom du Roi dans les discussions.

89. L'article 13 de la Charte constitutionnelle énumère ainsi les attributions du Roi, considéré comme chargé du pouvoir exécutif :

« Le Roi est le chef suprême de l'État; il commande » les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait >> les traités de paix, d'alliance et de commerce; nomme » à tous les emplois d'administration publique, et fait >> les réglements et ordonnances nécessaires pour l'exé>>cution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les >> lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. >>

90. Le Roi a la haute direction des forces de terre et de mer, pour soutenir au dehors les intérêts nationaux et assurer au dedans le règne des lois. En vertu de son droit de commandement, il nomme les géné raux qui le remplacent à la tête des troupes et les

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