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blement figurer dans une mancipation (1) ou dans une stipulation dans laquelle elle aurait stipulé pour elle-même (2).

Enfin, en ce qui concerne l'adjudicatio, il est bien clair qu'elle n'était jamais accessible à la femme, l'adjudicataire devant être au moins propriétaire indivis.

Il est bien certain que la femme n'aurait pu jouer dans aucune opération le rôle d'aliénateur; d'une part, en effet, elle n'a pas de patrimoine, et d'autre part elle ne peut pas disposer des biens de son mari, car ce serait rendre pire la condition. de celui-ci (3).

Une question beaucoup plus délicate est de savoir si la femme in manu ne pouvait pas du moins s'obliger valablement.

L'affirmative n'est point douteuse en ce qui concerne les obligations ex delicto. C'est en effet un principe certain qu'en droit romain, il suffit, pour être responsable de ses délits, d'être capable naturellement, d'être doli capax, comme disent les textes (4); aussi voyons-nous l'impubère lorsqu'il a un discernement suffisant (5), et jusqu'à l'esclave lui-même, valablement obligés (1) Gaius, II, 87.

(2) Cpr. L. 1 pr. et § 3 et L. 15 D., 45, 3. (3) Cpr. L. 133 D., L, 17.

(4) L. 3 § 1 D., XLVII, 10.

(5) Cpr. L. 111 pr. D., L, 17.

en pareil cas. Il n'y a que les infantes et les fous qui ne soient point responsables, car on ne peut leur imputer ni dol, ni faute.

Mais c'est une question fort débattue que de savoir si la femme in manu ou la fille de famille (la question est évidemment la même pour toutes deux) ne pouvaient point s'obliger valablement par leurs contrats.

En ce qui concerne les filles de famille, l'affirmative est certaine si l'on se place à une époque où l'incapacité des femmes pubères avait déjà disparu (1); mais à cette époque la manus était tombée en désuétude. La question pour nous est donc de savoir si, alors que les femmes sui juris étaient soumises à une tutelle perpétuelle, les femmes in manu n'étaient point au contraire capables de s'obliger.

Evidemment non, répond M. Accarias (2); si la capacité de s'obliger est refusée à la femme lorsqu'elle se trouve placée à la tête d'une fortune personnelle, on ne comprendrait pas qu'elle fût accordée à la femme in manu qui, n'ayant point de patrimoine, n'en a aucun besoin. Selon M. Accarias l'incapacité pour la femme de s'obliger soit par dictio dotis (3), soit en recevant un

(1) Cpr. L. 9 § 2, XIV, 6.

(2) II, 505, note.

(3) Frag. Vat. § 99.

commodat (1), ne serait qu'un vestige de cette ancienne incapacité générale.

Je pense avec M. Gide (2) que la femme in manu a toujours été capable de s'obliger. Si les femmes sui juris sont en tutelle perpétuelle, ce n'est point, comme certains textes (3) le donnent à entendre, parce qu'il importe de les protéger contre leur propre faiblesse, propter fragilitatem, infirmitatem, imbecillitatem sexus; un passage de Gaius (4) réfute en effet de la façon la plus catégorique toutes ces assertions: « Feminas vero perfectæ ætatis in tutela esse, fere nulla pretiosa ratio suasisse videtur; nam quæ vulgo creditur quia levitate animi plerumque decipiuntur, et æquum erat eas tutorum auctoritate regi, magis speciosa videtur quam vera; » et le jurisconsulte ajoute un peu plus loin : « Eaque omnia ipsorum (lisez tutorum) causa constituta sunt, ut, quia ad eos intestatarum mortuarum hereditates pertinent, neque per testamentum excludantur ab hereditate, neque alienatis pretiosioribus rebus susceptoque ære alieno minus locuples ad eos hereditas perveniat (5). »

Tenons donc pour certain que si la femme est

(1) L. 3 § 4 D., XIII, 6.

( ) Condit. privée de la femme, p. 113 et 115.

(3) Voy, notam. Cicéron, Pro Murena, 12; Ulpien, Reg., XI, 1; Isidore de Séville, XI, 8.

(4) Gaius, I, 190. (5) Gaius, I, 192.

placée en tutelle perpétuelle, c'est pour empêcher qu'elle ne puisse porter ses biens à une famille étrangère au détriment de sa propre famille.

Bien différente est la situation de la femme in manu. Elle n'a point de patrimoine, elle ne peut en s'obligeant engager que sa personne, et comme elle n'est point d'ailleurs incapable à raison de son sexe, rien ne fait obstacle à la validité de l'obligation.

Cette solution se trouve confirmée par un texte de Gaius qui nous montre les filles de famille impubères comme étant seules incapables de s'obliger (1).

N'oublions pas que, si la femme in manu peut s'obliger valablement, c'est à la condition qu'elle ne contracte point avec son mari. Il est en effet de principe qu'entre le paterfamilias et les personnes soumises à sa puissance, nulle action en justice ne saurait être admise : « Lis nulla nobis esse potest cum eo quem in potestate habemus, nisi ex castrensi peculio (2). »

Un dernier mot. La femme in manu qui n'a rien en propre, peut très bien cependant être placée par son mari à la tête de l'administration

(1) L. 141 § 2 D., XLV, 1. M. Accarias (loc. cit.) prétend que ce texte a été remanié et que l'enchaînement des idées exige qu'on lise pubere au lieu de impubere.

(2) L. 4 D., V, 1.

d'un pécule. Ce genre de pécule est d'ailleurs le seul qu'on puisse lui supposer, les bona castrensia ou quasi-castrensia étaient en effet par leur nature même l'apanage exclusif des fils de famille, et lorsque les bona adventitia furent introduits dans la législation, la manus avait depuis longtemps disparu.

SECTION II

Comment s'acquiert la manus et comment elle. prend fin.

Nous connaissons maintenant la manus envisagée comme puissance maritale, nous en avons étudié les effets, soit au point de vue des pouvoirs qu'elle confère au mari sur la personne de sa femme, soit au point de vue de son influence sur le patrimoine; il nous reste à rechercher comment elle s'acquérait et comment elle prenait fin.

Entre personnes membres de la cité romaine, et unis entre eux par de justes noces, la manus pouvait s'acquérir de trois manières différentes: par la confarreatio, par la coemptio, par l'usus.

On désignait sous le nom de confarreatio une cérémonie religieuse, présidée par le grand pontife ou le flamine de Jupiter, en présence de dix témoins représentant peut-être les dix curies de la tribu à laquelle appartenait la femme. Celle-ci

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