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naturels des droits si importants sur la personne et les biens de leurs enfants, ne les eût pas investis de la tutelle. Il est vrai que l'art. 390 C. c. qui consacre la tutelle légale des père et mère, ne vise expressément que les père et mère légitimes, mais ce n'est pas à dire qu'il ne puisse être étendu aux parents naturels. L'absence de mariage entre ces derniers ne met pas obstacle à cette extension, car la tutelle légale établie par l'article 390 ne commence précisément qu'après la dissolution du mariage. L'article 405 C. c. confirme d'ailleurs cette manière de voir; il dispose, en effet, qu'il n'y a lieu à tutelle dative, qu'autant que l'enfant est resté sans père ni mère. Donc, lorsque l'enfant a encore son père ou sa mère légitime ou naturel, car la loi ne distingue pas, la tutelle n'est point dative, mais légale (1).

J'incline pour la négative. Pour être légale, une tutelle doit être établie par un texte de loi; or, de texte il n'y en a pas. Il est impossible d'appliquer par analogie l'art. 390, qui se réfère exclusivement aux père et mère légitimes, sans que cette extension soit justifiée par une disposi

(1) Delvincourt, I, p. 296; Vazeille, Du mariage, II,478; Aubry et Rau, VI, p. 213, § 571; Civ. rej., 22 juin 1813, S. 13, 1, 281; Req. rej., 1815, S. 15, 1, 361; Cass., 20 avril 1850, S. 50, 1, 702; Douai, 15 mars 1865, S. 66, 2, 96; Trib. de la Seine, 19 mai 1868, dans le Droit du 28 mai de la même année.

tion de la loi, nous renvoyant à l'application de cet article; or, je le répète, une semblable disposition ne se trouve nulle part.

L'argument tiré de l'art. 405 n'est nullement décisif. Cet article dispose qu'il y a lieu à tutelle dative, lorsqu'il n'y a ni tutelle testamentaire ni tutelle légale; mais évidemment il entend se référer, pour savoir s'il y a ou non tutelle légale, aux dispositions qui précèdent; or, aucune d'entre elles ne consacre le droit des père et mère naturels. J'ajoute que si le législateur n'a pas établi de tutelle au profit des parents naturels, c'est qu'il avait de très bonnes raisons pour agir ainsi. N'était-il pas à craindre en effet que ces parents s'acquittassent souvent fort mal d'une pareille mission? A quoi bon dès lors les investir de fonctions, pour être ensuite obligé de les leur retirer? S'ils sont véritablement dignes de confiance, le conseil de famille ne manquera pas de leur offrir la tulelle que la loi par prévoyance ne leur avait pas décernée de plein droit (1).

Supposons maintenant que la mère ayant été nommée tutrice vienne à se marier; lui applique

(1) Demolombe, VIII, 385; Valette sur Proudhon, II, p. 490, et Explic. som. du livre Ier, p. 233; Marcadé, art. 390, no 2; Demante, II, no 138 bis. Il y a des arrêts d'appel en ce sens; voy, notamment Lyon, & mars 1859, S. 60, 2, 431; Rennes, 9 janvier 1867, S. 69, 2, 135.

rons-nous les art. 395 et 396 C. c.? L'affirmative n'est guère douteuse dans le système de ceux qui admettent l'existence d'une tutelle légale au profit des parents naturels (1), mais la question est beaucoup plus délicate si l'on se refuse à adopter cette opinion; car si l'art. 390 n'est pas applicable par analogie aux père et mère naturels, on ne voit pas bien pourquoi il en serait autrement des art. 395 et 396. Je crois néanmoins que ces articles devront être appliqués. Le vœu de la loi est que la femme ne puisse pas en se mariant conserver la tutelle, si le mari ne partage pas avec elle la responsabilité de la gestion. Cette disposition protectrice ne doit-elle pas être plus que jamais observée, lorsque le pupille est un enfant naturel pour lequel le mari n'éprouvera vraisemblablement qu'une bien faible sympathie (2)?

J'ai déjà dit qu'à mon avis, il ne fallait pas faire rentrer le cas où la femme conserve la tutelle, nonobstant son second mariage, parmi ceux dans lesquels elle se trouve affranchie de l'autorité maritale, soit parce qu'il s'agit là d'un événement antérieur au mariage, soit, en tout cas, parce que le mari a ensuite par le fait seul de son union donné une approbation tacite à l'action de

(1) Voy. cependant Taulier, II, p. 22.

(2) Demolombe, VIII, 387; Caen, 22 mars 1860; S. 60, 2, 610; Cass., 28 mai 1815, S. 15, 1, 361.

safemme(1). La même observation serait à faire ici. Mais que décider si la tutelle venait à être offerte à la mère naturelle pendant le cours du mariage? La chose est évidemment possible soit qu'il s'agisse de rendre (2) à la femme des fonctions dont elle aurait été déchue pour ne s'être pas conformée aux prescriptions de l'art. 395 C. c., soit que celle-ci se trouve seulement alors appelée pour la première fois à la tutelle, son enfant n'ayant été reconnu par elle qu'après le mariage ou n'ayant acquis de biens personnels que postérieurement à cette époque. Mon opinion est qu'il faut refuser à la femme le droit d'accepter la tutelle sans autorisation. La mère naturelle est en effet parfaitement libre de refuser; ce que la loi nous dit à ce propos de la mère légitime doit lui être étendu par à fortiori. L'acceptation de la tutelle est en conséquence un acte parfaitement volontaire de la part de la femme pour lequel elle doit être soumise à la nécessité de l'autorisation maritale. Et il n'y a même pas à objecter ici l'existence d'une obligation légale, car ce n'est plus la loi, mais le conseil de famille qui confie à la mère les fonctions de tutrice (3).

(1) Voy. suprà, p. 143.

(2) L'art. 442 C. c. reconnaît en effet à la mère la capacité d'être tutrice, sans distinguer si elle est légitime ou naturelle, veuve ou mariée.

(3) Voy. suprà, p. 145.

En ce qui concerne la gestion de la tutelle, je ne crois pas davantage que la femme soit dispensée de consulter son mari, car, ce dernier étant alors nécessairement cotuteur, toutes les mesures devront être prises en commun (1).

Enfin, et c'est par cette observation que je termine, je refuserais à la mère mariée et maintenue dans la tutelle le droit de soumettre à l'approbation du conseil de famille, à l'effet d'en assurer l'efficacité, le choix qu'elle aurait pu faire d'un tuteur testamentaire. C'est là un droit exceptionnel qui, en l'absence d'un texte formel, ne saurait lui appartenir (2).

Il peut arriver, le cas se présentera beaucoup moins souvent dans la pratique, que la filiation se trouve établie non seulement par rapport à la femme, mais aussi par rapport au mari. En pareille circonstance, il y a lieu de se demander si la puissance paternelle, dans les limites que nous lui avons assignées, appartient alors concurremment aux deux conjoints, ou si le père seul, comme dans l'hypothèse d'une filiation légitime, se trouve appelé à exercer l'autorité. L'art. 158 C. c. tran

(1) Voy. suprà, p. 146.

(2) En ce sens, Demolombe, VIII, 386; Ducaurroy, Bonnier et Roust., I, 583. Contra, Aubry et Rau, VI, p. 214, § 571; Taulier, II, 22; Trib. de la Seine, arrêt précité du 19 mai 1868, journal le Droit du 28 mai de la même année.

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