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tion devra jusqu'à nouvel ordre être traitée comme nulle, et en conséquence l'action en revendication sera immédiatement ouverte, sauf au tiers acquéreur à faire ultérieurement valoir ses droits, s'il y a lieu, et à revendiquer à son tour (1). Que si au moment de la restitution le mari n'a point exercé la revendication, et que le fonds se trouve encore entre les mains de l'acquéreur, le mari sera tenu de retransférer à la femme la propriété du fonds, ou de lui céder son action en revendication, et faute par lui de le faire, la femme sera autorisée à revendiquer comme si la cession à laquelle elle a droit lui avait été réellement faite (2).

Ainsi s'expliquent très naturellement les textes qui nous montrent la femme poursuivant ellemême le tiers acquéreur; textes desquels certains auteurs ont argumenté pour soutenir que l'action en nullité appartenait exclusivement à la femme et non point au mari (3). Je sais bien qu'il peut paraître singulier de permettre au mari, et au mari seul, de se prévaloir d'une disposition

(1) En ce sens, Accarias, 1, 314. Cpr. L. 3 § 1 D., XXIII. 5, arg. des mots : « Non potest alienari fundus. »

(2) En ce sens, Demangeat, Conditions du fonds dotal, p. 385; Accarias, I, 314.

(3) Notamment, M. Bachofen, dont le système est exposé et réfuté par M. Demangeat, Conditions du fonds dotal, p. 379 et suiv.

qui a été écrite contre lui, mais il serait encore bien autrement étrange d'accorder à qui n'est pas propriétaire une action en revendication; car, on ne soutiendra pas, je pense, que l'aliénation faite par le mari ait pu produire ce résultat merveilleux de le dépouiller, au profit de sa femme, de son droit de propriété ! J'ajoute que la loi 17 De fundo dotali (1), en refusant au mari le droit de déposséder l'acquéreur, dans l'hypothèse où la dot lui demeure définitivement acquise, nous donne très clairement à entendre qu'en toute autre circonstance ce droit lui appartiendrait.

Le fonds dotal frappé d'inaliénabilité pouvait encore moins être hypothéqué. C'est un point que j'examinerai tout à l'heure.

:

Souffrir qu'un tiers usucape, c'est en réalité aliéner. Les jurisconsultes romains l'avaient bien compris « vix est enim, ut non videatur alienare, qui patitur usucapi (2), » et en conséquence l'immeuble dotal avait été déclaré imprescriptible (3).

L'imprescriptibilité commence sitôt que le mari a reçu la dot et dure jusqu'à l'époque de la restitution.

Au reste l'usucapion commencée avant la pre

(1) D. XXIII, 5.

(2) L. 28 D., L., 16.

(3) L. 16 D., XXIII, 5.

mière de ces deux dates n'est nullement interrompue par la constitution de dot (1). Faut-il voir là une conséquence de ce principe que l'inaliénabilité cesse à l'égard des aliénations quæ vetustiorem causam et originem juris habent necessa— riam, selon l'expression de Papinien (2). Ne convient-il pas au contraire d'expliquer ce résultat, par cette considération que l'usucapion n'est pas interrompue par la mauvaise foi du possesseur, ni même par la revendication exercée contre lui (3)? Je crois tout simplement que, si l'usucapion est possible dans l'espèce, c'est parce qu'il n'est pas à craindre qu'elle dissimule une aliénation prohibée (4).

Il est à remarquer que l'impossibilité d'usucaper l'immeuble dotal ne change en rien la situation des tiers qui ont traité avec le mari, car ils n'ont point de justa causa; pour que la règle ait une utilité pratique, il faut supposer l'immeuble entre les mains d'un sous-acquéreur de bonne foi (5).

Le mari, étant propriétaire, peut seul interrompre l'usucapion; il est à cet égard responsable envers sa femme. Toutefois le mari n'encourrait

(1) Ibidem.

(2) L. 13 D., 40, 12.

(3) C'est l'opinion de Demangeat, Condit. du fonds dotal, p. 363.

(4) M. Labbé à son cours. (5) M. Labbé à son cours.

aucune responsabilité, s'il ne restait plus, au moment où il a reçu la dot, qu'un temps très court pour l'accomplissement de l'usucapion (1).

III. Ce n'était point encore assez de protéger la dot contre les dissipations du mari, il fallait retirer à la femme les moyens d'en compromettre par avance la restitution.

C'est ainsi que nous voyons tout d'abord les textes prononcer la nullité de tous les pactes par lesquels la femme consentirait à restreindre ses droits dotaux, comme contraires à l'ordre public: « Ex pactis conventis quæ ante nuptias interponi solent, alia ad voluntatem pertinent....... alia ad jus pertinent; veluti quando dos petatur, quemadmodum reddatur, in quibus non semper voluntas contrahenlium servatur (2). »

En particulier la femme ne pouvait point renoncer par anticipation à son privilège; car l'Etat est intéressé à ce qu'au jour où l'action rei uxoriæ sera ouverte, la garantie qui y était attachée soit conservée. Bien entendu, une fois le mariage dissous, rien ne s'opposait plus à cette renonciation de la part de la femme; celle-ci est en

(1) L. 16 D., XXIII, 5.

(2) L. 12 § 1 D., XXIII, 4. Cpr. égal. LL. 14 et 19 D.

eod. tit.

effet maîtresse de dissiper les valeurs dotales qu'elle reçoit.

De même la femme ne pouvait point libérer son mari en acceptant la restitution de sa dot pendant le mariage. M. Pellat (1) estime que cette disposition remonte aux leges d'Auguste; un texte d'Ulpien nous la signale en effet comme ayant été introduite legibus (2).

Dans cet ensemble de dispositions, il convient encore de mentionner l'interdiction des donations entre époux qui remonte à la fin de la République; la femme ne pourra donc point faire à son mari, donationis causa, valable remise de son obligation de restitution. Plus tard, il est vrai, un sénatus-consulte, rendu sous Septime-Sévère et Caracalla, valida, comme donations à cause de mort, les libéralités entre époux, lorsque le donateur persistait, sa vie durant, dans son intention libérale. Mais il est bien clair que cette innovation ne pouvait compromettre en rien le sort de la restitution faite à la femme elle-même.

Des édits d'Auguste et de Claude interdirent à la femme de cautionner son mari (3); c'était là, en effet, une opération dangereuse entre toutes et à laquelle il était à craindre qu'elle ne se

(1) Textes sur la dot, p. 346.
(2) L. 27 § 1 D., XI, 7.
(3) L. 2 pr. D., XVI, 1.

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