Page images
PDF
EPUB

qui ne lui procureraient aucun avantage immédiat et qui pourraient même lui nuire plus tard.

Il peut arriver que l'esclave se soit constitué fidéjusseur ou mandator et ait payé en cette qualité. Alors deux questions se posent le maître en ce cas peut-il répéter? Par quelle action? La loi 19, Dig., XV, 1, part de cette distinction: ou l'esclave s'est porté intercessor à raison d'une affaire intéressant le pécule, ou bien il a fait acte de générosité. Dans le premier cas, la fidėjussion, le mandatum sont valables, mais le payement n'échappera pas toujours à la revendication du maître. Si l'esclave a payé des deniers du pécule, il a bien payé, il n'y aura pas de répétition possible; mais s'il a employé de l'argent qui appartenait au patrimoine proprement dit du maître, alors le payement est nul: l'esclave n'a pas pu ainsi dépouiller son maître, et celui-ci pourra revendiquer. Dans le second cas, quand

l'esclave est intervenu en dehors de tout intérêt de son pécule, l'acte est nul, et il y a action en répétition: si l'esclave a payé ex dominica pecunia, cette répétition s'exercera par voie de revendication; si l'esclave a payé de peculio, le payement est nul, mais, comme il a pu transférer la propriété, le maître usera de la condictio indebiti.

Comme on le voit, la loi se montre avec raison plus sévère pour l'intercessio que pour une autre obligation: c'est qu'il est le plus souvent difficile d'en prévoir les suites et, par conséquent, facile de s'y laisser entraîner.

Nous terminons ici ce que nous avions à dire sur les caractères du mandatum; il nous faut maintenant, avant d'étudier ses effets, déterminer les caractères de l'obligation qu'il doit garantir.

CARACTÈRES QUE DOIT RÉUNIR L'OBLIGATION GARANTIE PAR

LE

MANDATUM

L'obligation contractée sur l'ordre du mandator pecuniæ credendæ doit être future; il faut en outre qu'elle naisse du consentement du créancier; enfin, il faut qu'elle soit valable. Reprenons séparément chacun de ces caractères ;

L'obligation contractée en vertu du mandatum doit être future. - Le mandatum, à la différence de la fidejussio (Inst., III, xx, §3) ne s'applique pas en effet à des obligations qui existent déjà; il est bien évident que si, comme le dit la loi 12, § 14, Dig. XVII, 1, post creditam pecuniam mandavero creditori, credendam, nullum esse mandatum rectissime Papinianus ait. Toutefois, à cette règle que le mandatum ne s'applique pas à des obligations qui existent déjà, il y a une petite exception dans cette même loi 12 § 14: on suppose qu'une dette est déjà née et que, le créancier étant disposé à poursuivre le débiteur, une personne intervient et donne mandat à ce créancier d'accorder un terme à son débiteur en lui promettant qu'il ne souffrira pas de ce terme. Il n'y a pas là un mandatum pecuniæ credendæ dans la force du terme, mais enfin on peut dire qu'il y a quelque chose

d'analogue.

2° Elle doil naître de la volonté du créancier. Mandatum pecuniæ credendæ cela signifie, nous l'avons dit, mandat de devenir créancier: or, en analysant cette idée, nous tirons cette conséquence, c'est que le mandatum ne peut s'appliquer qu'à des créances dont l'existence suppose le consentement du créancier. Il faut donc ici exclure

les obligations ex delicto; il faut exclure également les obligations quasi-contractuelles. Ces obligations, qui nais sent soit du fait du débiteur, telle que la gestion d'affaires, soit directement d'un état de choses prévu par la loi, tel que l'indivision, le bornage, etc., ne pourront pas être cautionnées par un mandator. Et nous pouvons con stater à ce point de vue encore l'avantage de la fidéjussion sur le mandatum.

Toutefois disons de suite

3° Elle doit être valable. qu'il est une obligation qui, bien que valable, ne peut être contractée en vertu d'un mandatum : c'est l'obligation qui incombe au mari de restituer la dot qu'il a reçue (1). A l'époque classique (Gaius, Comm. III, § 125), cette obligation pouvait être cautionnée. Mais en 380, Valentinien et Théodose décidèrent que le mari ne pourrait plus fournir un fidéjusseur pour sûreté de la dot qu'il devait restituer à la dissolution du mariage, et cette décision, qui se restreignait à la fidejussio, fut complétée par Justinien, qui, à son tour, décida que la dotne pourrait être garantie ni par un fidėjusseur ni par un mandator (lois 1 et 2, C., V, xx); il donne comme motif que la femme ayant assez de confiance en son mari pour se livrer elle-même, doit également avoir confiance en lui pour la sûreté de ses biens. Il est-peut-être plus juste de dire qu'on a voulu empêcher qu'un tiers ne s'immisçât dans les affaires des époux.

Ce cas excepté, toute obligation peut être garantie par un mandatum, pourvu qu'elle soit valable. Donc, s'agit-il d'une obligation nulle, qui n'existe pas, le mandator n'encourt aucune responsabilité: or il peut y avoir nullité soit pour

(1) M. Molitor, Des oblig. en droit romain, tome II, p. 372.

défaut de cause (loi 15, Dig., XLVI, 1), soit pour cause illicite.

Mais dès que l'obligation existe, peu importe qu'elle soit principale ou accessoire : ainsi je vous donne mandat de faire un prêt ou de vous porter fidéjusseur. De même peu importe qu'elle soit civile, c'est-à-dire munie d'action ou naturelle (loi 16, § 3, 1). Ainsi, quand je donne mandat de prêter de l'argent à un pupille, bien que celui-ci ne soit tenu civilement de rendre que dans la limite de son enrichissement, quatenus locupletior factus erat, comme il est obligé naturellement pour le tout, je puis être poursuivi in solidum par le créancier. (1) De même, si je mande à Titius de prêter de l'argent à un esclave (loi 70, § 3, Dig., XLVI, I. - Inst. I, De Fidej). Les textes résolvent la question pour le fidejussion, mais il n'y a pas de raison pour ne pas les appliquer dans le cas du mandatum.

Quid, si j'ai donné mandat de prêter à un fils de famille? L'obligation du fils de famille emprunteur, si le mutuum a été contracté contrairement au sénatus-consulte Macédonien, est-elle susceptible d'être garantie par une intercessio? La réponse est donnée par la loi9, § 3, Dig., XIV,6 : « Non solum filio familias et patri ejus succurritur, verum fidejussori quoque el mandatori ejus, qui et ipsi mandati habent regressum:nisi forte donandi animo intercesserunt; tunc enim cum nullum regressum habeant, senatusconsullum locum non habebit sed et si non donandi animo, patris tamen voluntate, intercesserunt, totus contractus a patre videbitur comprobatus. » Ainsi principe on vient au secours de l'intercessor malgré l'existence de l'obligation naturelle, et la raison donnée par le jurisconsulte, c'est que si le fidejusseur ou le mandator

(1) M. Molitor, Des oblig. en droit romain, tome II, p. 873.

étaient obligés de payer, ils auraient un recours par l'action de mandat contre le fils de famille. Mais si ce recours n'existe pas (c'est ce qui arrive lorsqu'ils sont intervenus animo donandi), ils ne pourront se prévaloir du sénatus-consulte.

En résumé donc, l'obligation contractée sur l'ordre du mandator doit être future, valable, et naitre de la volonté du créancier ce sont là trois conditions essentielles. En matière de fidėjusion, il faut de plus que l'objet de l'obligation soit le même que celui de l'obligation principale ; en d'autres termes, la fidéjussion ne peut être contractée in duriorem causam (Gaius, Comm. III, § 126; Inst., III, § 5, de Fidej.). Cela ne veut pas dire, notons-le, que le fidejusseur ne sera jamais tenu plus rigoureusement que le débiteur principal. Pour ne citer qu'un exemple, le fidejusseur d'une obligation naturelle est soumis à une action civile de la part du créancier, alors que le débiteur cautionné ne l'est pas. Il faut donc entendre la règle des Institutes en ce sens que l'obligation contractée par le fidejusseur ne doit pas contenir davantage que celle du débiteur principal. Que devons-nous décider en ce qui concerne le mandat? Nous dirons de même que, pour que le mandator soit responsable envers le créancier des sommes par lui prêtées, il faut que celui-ci se soit renfermé strictement dans les termes du mandat qu'il a reçu, nam qui excessit aliud quid facere videtur (loi 5, Dig., XVII, 1) (1). La seule différence consiste dans la sanction: dans un cas, quand la fidėjussion est durior, il y a nullité (loi 8, pr., Dig., XLVI, 1); dans l'autre, quand les limites du mandat ont été dépassées,

(1) Ce point toutefois est très controversé. Consulter M. Accarias Précis de Droit romain, tome II, p. 361. M. Molitor, Des Oblig. en droit romain, tome II, p, 562.

« PreviousContinue »