Page images
PDF
EPUB

il y a réduction. Passons en revue quelques hypothèses. Je vous ai donné ordre de prêter 100 à Titius, et vous lui avez prêté 50. Je suis tenu envers vous jusqu'à concurrence de 50, car le moins est contenu dans le plus ; mandataire, vous devez agir au mieux de mes intérêts, ne pas déPasser les limites que je vous ai données ; mais vous pouvez rester au-dessous de ces limites. Si, au contraire, Vous avez prêté 200, je ne suis pas évidemment obligé envers vous pour 200; votre opération se décompose en deux parties distinc tes vous aurez action contre moi jusqu'à concurrence de 100, mais pour le surplus, vous avez agi à vos risques et périls (loi 33, XVII; loi 22, C., VIII, XLI).

Si vous avez bien fait ce que portait mon mandat, mais sans prendre les précautions que je vous ai prescrites; par exemple, si vous avez prêté purement et simplement, tandis que je ne vous avais donné ordre de ne prêter que sur hypothèque, je ne suis pas obligé envers vous (loi 7, C., VIII, XLI). Je serai tenu, au contraire, si vous avez exigé des garanties que je ne vous avais pas recommandé prendre: je ne puis me plaindre, en effet, de sûretés qui me profiteront à moi-même quand vous m'aurez cédé vos actions.

de

Je vous ai chargé de prêter à Pierre purement et simplement, vous lui prêtez à terme; je ne suis pas tenu de l'action mandati. La raison qu'en donne Pothier est la suivante: « Je ne me suis obligé à vous rembourser la somme que je vous ai donné ordre de prêter, qu'autant que vous auriez été en état de me céder, après que je vous aurai rem boursé cette somme, des actions contre Pierre, par lesquelles j'eusse pu aussitôt que je l'eusse voulu, exiger cette somme de Pierre, sans qu'il pût me donner quelque chose à la place; ainsi, vous étant, par les termes et facul

[ocr errors]

tés que vous avez accdordés à Pierre, mis hors d'état de pouvoir me céder ces actions, je ne suis point tenu envers vous du prêt que vous avez fait à Pierre » (1).

La solution serait différente si je vous avais donné mandat de prêter à terme et que vous ayez prêté purement et simplement; je serais alors tenu envers vous, mais vous ne pourriez me poursuivre qu'après l'expiration du terme que j'avais indiqué.

Comme on le voit, la question doit être réglée ici par les principes du mandat, et ces mêmes principes dont nous venous de faire l'application peuvent servir à résoudre une foule de questions analogues, qu'il serait trop long de développer ici.

(1) Pothier, Oblig., no 447

CHAPITRE II

Effets du « mandatum ». Des divers bénéfices

accordés aux « mandatores. »

Nous avons maintenant une idée de la nature du mandatum: il nous faut voir quels étaient les effets qu'il produi

sait:

1. Entre le créancier et le mandator;

2° Entre les divers comandatores;

3. Entre le mandator et le débiteur.

SECTION Ire

Effets du « mandatum » entre le « mandator » et le

créancier. Bénéfice de discussion.

Le mandatum pecuniæ credendæ donné dans l'intérêt d'un tiers n'obligeait personne, nons le savons, tant qu'il n'avait pas été exécuté. Mais sa seule exécution faisait naître au profit du mandataire deux obligations: l'une qui liait envers lui le tiers qui avait emprunté et l'autre qui liait envers lui le mandator. Il y avait ainsi un débiteur principal, l'emprunteur et un intercessor ou débiteur accessoire, le mandator; le mandataire avait toujours un recours contre le mandator au moyen de l'actio mandati contraria, si le débiteur ne satisfaisait pas à son obligation, car tout mandataire avait le droit de se faire indemniser par son mandant du

préjudice résultant de l'inexécution de son mandat. Nous avons déjà parlé de cette action, mais nous ne nous sommes pas encore expliqués sur sa nature. C était une action civile, de bonne foi, dans laquelle, par conséquent le juge avait la plus grande latitude d appréciation et où l'exception de dol n'avait pas besoin d'être insérée(1). Cette action était perpétuelle comme presque toutes les actions civiles; elle n'était pas infamante (Inst. Livre Iv, tit. 16). C'était au moyen de cette action, disons-nous, que le créancier mandataire se faisait indemniser.

Maintenant, à quel moment pouvait-il exercer ses poursuites? La loi 57 de Fidej. pose la règle pour les fidėjusseurs: «Un fidejusseur, nous dit-elle, ne peut être poursuivi avant que le débiteur puisse l'êtie. » Nous pouvons dire de même pour le mandator: par conséquent, si la dette était affectée d'un terme ou d une condition, ce dernier en profitera.

Mais où le mandator devra-t-il être poursuivi? devant quel magistrat? Ici les règles générales qui déterminent la compétence du magistrat ne sont exclues par aucune règle spéciale: le mandator pourra être poursuivi devant le magistrat soit de son domicile, soit de son origo, soit de Rome. Toutefois quand le débiteur a déterminé l'endroit où il exécuterait son obligation, le magistrat de cet endroit est compétent pour délivrer la formule, et c'est là que le créancier doit poursuivre. La loi 61 de Fidej. nous dit, en effet : « Si cum pecunia mutua darelur, ita convenit ut in Italia solveretur: intelligendum, mandalorem quoque simili modo contraxisse ».

En principe, le créancier avait le droit de choisir entre

(1) Doli exceptio bonæ fidei judiciis inest. Frag. vat. § 94.

le débiteur et le mandator (loi 13, Dig., XLVI, 1. — loi 23, Code, VIII, XLI) : « Qui mutuam pecuniam dari mandavit, dit Papinien, omisso reo promittendi et pignoribus non distractis, eligi potest. Il pouvait poursuivre le mandator sans avoir attaqué le débiteur principal, et, à l'époque classique, celuici ne pouvait le forcer à discuter le débiteur; ce n'était qu'en faisant appel à sa bienveillance qu'il pouvait obtenir qu'il le fit (Const. 19, Code, VIII, XLI) à moins qu'il n'y eût eu une convention spéciale sur ce point. Justinien dans la Novelle IV, promulguée en 535, décida que le créancier ne pourrait poursuivre le mandator qu'après avoir poursuivi et discuté le débiteur principal.

Le bénéfice d'ordre et de discussion est donc la faveur accordée au mandator poursuivi par le créancier de renvoyer ce dernier à discuter le débiteur principal, afin qu'il se fasse payer par lui, s'il le peut. Justinien ne s'attribue pas l'honneur d'être le créancier de ce bénéfice; il ne fait, dit-il, que rendre la vie à une ancienne loi tombée en désuétude, « non usu adprobatam, » Malheureusement, nous ne trouvons au Digeste aucune trace de cette loi, qu'il qualifie d'antique. Cujas a conjecturé que Justinien faisait ici allusion à la loi des XII Tables; l'ar gument principal qu'il fournit nous semble assez faible: il consiste à dire que Justinien est dans l'habitude d'employer les termes de lex antiqua pour caractériser la loi des XII Tables; il est bien vrai qu'il s'est servi de ces termes dans la loi 1, Code, de Except. seu Prescript., VIII, XXXVI, mais il ne nous paraît pas que l'on puisse tirer un argument de cette expression. D'autres auteurs ont prétendu que ces mots lex antiqua visaient le bénéfice de discussion accordé aux fidėjusseurs du débiteur du fisc; il est certain qu'une constitution de l'an 293 formant au Code la

« PreviousContinue »