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loi 4, quando fisc vel priv. IV, 15 paraît accorder cette faveur à cette classe de débiteurs: nous ne pensons pas cependant que Justinien ait eu en vue ce cas particulier, et peut-être pourrait-on dire que Justinien, par un excès de modestie bien rare chez un empereur romain et chez Justinien luimême, ou peut-être par l'effet d'une erreur historique, attribue aux temps qui l'ont précédé une institution dont le mérite heureux lui revient tout entier.

Quoi qu'il en soit, avec le bénéfice de discussion le créancier ne peut plus choisir entre le débiteur et le mandator, et l'obligation a lui imposée de poursuivre d'abord le débiteur est présentée par Justinien, notons-le, comme un devoir légal: le mandator, si le créancier n'a pas discute le débiteur, peut repousser toute poursuite non pas en le renvoyant à discuter, en lui indiquant les moyens, mais en invoquant la simple nullité de la poursuite intentée contre lui sans discussion préalable des biens du débiteur principal tel est le véritable sens de la Novelle IV, sens qui a été mal compris par certains commentateurs (J).

Toutefois le bénéfice de discussion n'abroge pas complètement le principe d'après lequel le créancier avait un choix, car l'exercice du bénéfice de discussion suppose quelques conditions, et ces conditions ne sont pas toujours remplies.

A quelles conditions donc s'exerce le bénéfice de discussion?

Il faut en premier lieu que le mandator poursuivi demande la discussion inter exordia litis (ch. 1, nov. IV); car ce bénéfice constitue une exception dilatoire et non un moyen de défense au fond; le mandator, en effet, ne nie pas la dette.

(1) M. Labbé, à son cours.

Il faut en outre que le débiteur principal soit présent on, s'il est absent, que le mandator s'engage à lui faire fixer par le juge un délai pour se présenter. Pendant ce délai, il est sursis aux poursuites, mais linstance suit son cours contre le mandator si, à l'expiration du délai, le débiteur principal n'est pas de retour.

L'in jus vocatio ne pouvait pas, en effet, se faire contre un absent; on pouvait bien se servir des moyens de procédure fournis par la missio in possessionem des biens du défendeur absent accordée par le prêteur sur simple requête, mais employant cette procédure on n'obtenait qu'un gage et non

une condamnation.

Enfin il faut que le mandator n'ait pas renoncé au bénéfice de discussion.

Il y a certains cas en outre où 'ce bénéfice ne peut être invoqué ainsi lorsque le débiteur est notoirement insolvable, ou bien en cas d'infitiatio du mandator.

Quels biens le créancier doit-il discuter avant de poursuivre le mandator? Tous les biens du débiteur principal ; dans le chapitre II de la Novelle, Justinien règle l'ordre suivant lequel le créancier, qui a reçu à la fois des sûretés réelles et des cautions, fera valoir ces différentes garanties: il doit poursuivre d'abord les cautions, à quelque classe qu'elles appartiennent, avant de chercher à se payer sur les biens hypothéqués qui sont passés entre les mains ́des tiers détenteurs. D'ailleurs les cautions mêmes qui auraient constitué au profit du créancier un droit de gage ou d'hypothèque sur leurs propres biens, ne perdraient pas pour cela le bénéfice de discussion. Si le débiteur principal et les cautions avaient également consenti des hypothèques sur leurs biens et que ces biens eussent été aliénés depuis, il faudrait suivre entre les tiers détenteurs le même ordre

qu'entre leurs auteurs et poursuivre le payement sur les biens hypothéqués par le débiteur avant de s'adresser à ceux hypothéqués par les cautions.

Le bénéfice de discussion a pu entraîner deux conséquences que les textes n'indiquent pas la première, c'est que du jour où le mandator a opposé ce bénéfice au créancier, il est certain que celui-ci est désormais responsable de l'insolvabilité du débiteur principal, si elle survient par suite de sa négligence à poursuivre. Ainsi la dette est de 100, le mandator oppose le bénéfice de discussion; si le créancier poursuivait aujourd'hui, il aurait ses 100, mais il s'endort et ne poursuit que plus tard. Pendant ce temps le débiteur est devenu insolvable. Eh bien! tant pis pour le créancier : il est responsable. Cette première conséquence est raisonnable, et les termes de la Novelle lui sont favorables; la Novelle dit, en effet, que le mandator ne payera que ce que le débiteur ne pourra pas payer. Notre deuxième conséquence est la suivante: dans le droit antérieur à Justinien, on voyait quelquefois un pacte de non petendo in personam fait par le créancier au débiteur principal (1. 21, § 5; 1. 22, II, xiv): le sens de ce pacte était que le créancier s'engageait à ne pas faire faire au débiteur l'avance de la dette. En supposant un pareil pacte consenti par le créancier après la Novelle IV, il ne serait évidemment pas opposable au mandator, car le mandator ne peut pas être privé du bénéfice de discussion.

Ce bénéfice, on peut le remarquer, a un caractère tout particulier. Justinien, dans la Novelle, a un langage impératif; il transforme le mandator en un débiteur subsidiaire. C'était peut-être aller un peu loin. Notre législateur moderne, tout en admettant le bénéfice de discussion, est

plus favorable au créancier: il était excessif de prononcer la nullité de la poursuite intentée sans discussion préalable contre le mandator. Aussi chez nous le débiteur accessoire qui invoque la discussion doit avancer les frais, indiquer les biens à discuter, venir en aide en quelque sorte au créancier. La poursuite intentée contre lui n'est point annulée, elle sommeille seulement pendant le temps de la discussion du débiteur principal.

SECTION II

Effets du « mandatum » entre les divers « comandatores» d'une même dette. Bénéfice de division.

Il pouvait se faire que plusieurs personnes donnassent mandat à Titius de prêter de l'argent à Seius, par exemple: les co-mandants étaient tenus non pas correaliter, mais solidairement envers leur mandataire. Nous savons, en effet, qu'en droit romain les auteurs distinguent deux sortes de solidarité : la corréalité et l'obligation simplement in solidum. Mais quand y a-t-il obligation véritablement corréale? quand, au contraire, y a-t-il obligation simplement solidaire? c'est un point vivement discuté entre les interprètes. Suivant une opinion assez séduisante, la corréalité ne pourrait exister qu'entre personnes tenues d'une condictio, tandis que l'obligation simplement solidaire existerait entre débiteurs tenus in solidum soit d'une action bonae fidei, soit d'une action in factum (1). Mais cette interprétation est difficile à soutenir en présence de la loi 9, Dig., de Duobus reis et de la loi 1, Code, de Condictione furtiva; nous

(1) M. Demangeat, Des obligations solidaires, p. 281.

admettons que la véritable corréalité peut tout aussi bien résulter d'un contrat bonæ fidei que d'un contrat stricti juris, et qu'il faut avant tout s'attacher à l'intention des parties. Cependant il nous semble que si le contrat est bonæ fidei, on doit plutôt présumer la simple solidarité, et, au contraire, la véritable corréalité, si le contrat est stricli juris. Aussi, puisque le mandatum pecuniæ credendæ est un contrat bona fidei, nous considérerons plusieurs mandatores comme tenus d'une simple solidarité et, par conséquent, la litis contestatio avec l'un d'eux ne libérait pas les autres; ils n'étaient libérés que par le payement: non electione, sed solutione tantum liberabantur. On trouvait inique que l'un des co-débiteurs pût arguer de la litis contestatio dans un contrat de bonne foi fondé sur l'équité, tant que le créancier n'avait pas été désintéressé.

Le créancier pouvait donc forcer chacun des comandatores à le désintéresser pour le tout (loi 59, § 3, Mandati); pour l'obliger à diviser entre eux son action, ils avaient besoin, comme les fidejussores, d'un bénéfice spécial. Une loi Furia, applicable seulement en Italie, divisait bien de plein droit l'obligation entre plusieurs cosponsores ou cofidepromissores; mais cette loi ne s'appliqua pas plus au mandatores qu'aux fidéjusseurs, et elle disparut avec l'usage des formes d'intercessio qu'elle concernait. Toutefois le bénéfice de division fut certainement accordé aux man:latores : les textes insérés dans les compilations de Justinien ne permettent pas d'en douter. Mais l'origine de leur droit de l'invoquer est problématique. D'après la Const. 3, au Code, IV, XVIII, l'epistola d'Hadriani aurait parlé en même temps des mandants et des fidejusseurs: Epistola, quæ de pe riculo dividendo intermandatores et fidejussores loquitur... dit Justinien. Cette opinion est pourtant généralement repous

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