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sée, et on se fonde pour la réfuter surle §7 Dig., XXVII, VII qui induit en effet à penser que le bénéfice de division ne fut étendu aux mandatores que par la jurisprudence. Papinien suppose que les fidejusseurs d'un tuteur ont donné mandat à l'ex-pupille de discuter les biens du tuteur. Si l'ex-pupille n'a pu se faire payer intégralement, il se retournera contre eux et exercera l'actio mandati, afin de recouvrer le surplus de sa créance : le jurisconsulte décide qu'il devra diviser entre eux son action : « Placuit inter eos qui solvendo essent, actionem residui dividi: quod onus fidejussorum susceptum videretur: nam et si mandato plurium pecunia credatur, æque dividitur actio: si enim quod datum pro alio solvitur, cur species actionis æquitatem divisionis excludit?» Papinien aurait-il pris tant de peine pour justifier sa décision et n'aurait-il pas employé des termes beaucoup plus affirmatifs, si un texte législatif exprès avait tranché la question? Quelques auteurs vont même jusqu'à penser que ce fut précisément à Papinien que les mandatores durent de se voir appliquer pour des raisons d'équité, un bénéfice que le rescrit de l'empereur Adrien n'avait établi que pour

les fidejusseurs.

Quoi qu'il en soit, ce bénéfice leur fut accordé, cela est certain: il nous faut donc examiner à quelles conditions.

1° La division ne s'opère qu'entre les mandatores solvables au moment de la lilis contestatio (loi 51, §1, XLV1, 1); après cette époque, en principe, le risque de l'insolvabilité est à la charge du créancier, dans ses rapports avec les cautions, bien entendu, et non dans ses rapports avec le débiteur qui reste toujours tenu. Mais la division ne s'opère-t-elle qu'entre les répondants capables de s'engager: en d'autres termes, l'incapacité d'un répondant produit-elle le même effet que son insolvabilité. La loi 48,

DROIT ROMAIN.

Dig., XLVI, 1, prévoit à ce sujet deux hypothèses distinctes. Si l'un des répondants est une femme incapable d'intercedere d'après le sénatus-consulte Velléien, comme son intercession est radicalement nulle, les autres garants doivent acquitter la totalité de la dette. Si l'un des fidéjusseurs a obtenu la restitutio in integrum pour minorité, par exemple, il faut distinguer: si le mineur n'a contracté qu'après ses co-répondants, ceux-ci seront tenus pour le tout, car ils n'ont pas dû compter sur une division avec lui; si, au contraire, tous s'étaient obligés ensemble, les débiteurs capables pourront faire comprendre le mineur dans la division, propter incertum ælatis ac restitutionis, car ils ont pu ignorer l'âge du co-obligé ou espérer qu'il ne se ferait pas restituer. Telle est au moins l'interprétation que nous admettons de ce texte qui a soulevé de très grandes difficultés. Le sens naturel de cette phrase, sed ita demun alleri totum irrogandum est si poslea minor intercessit, nous paraît être « l'autre caution ne doit supporter la totalité de la dette que dans le cas où l'intercession du mineur serait postérieure à la sienne (1). » L'expression demum, en effet, est un équivalent de tantummodo.

La partie finale du texte de Papinien prévoit le cas où l'engagement du mineur n'est intervenu que par suite du dol du créancier: que cet engagement soit intervenu avant, après, ou simultanément, le résultat est le même le créancier doit seul supporter le préjudice que son dol a occasionné.

(1) Telle est aussi l'interprétation de Godefroy qui paraphrase ainsi cette loi: Si antiquam Caius minor fidejuberet fidėjussero, in solidum teneor, quia minorem teneri ex ea fidejussione iniqum est cum ejus ætas fragilis et exposita captionibus restitutionem mereatur (loi 48, 8 1., De Fidej., Dig., édition de 1663)..

2° Il faut que le bénéfice de division soit invoqué; il n'a pas lieu de plein droit (loi 28, XLVI, 1); c'est par voie exception que l'intercessor l'opposera.

On peut ici distinguer trois hypothèses: si, au moment où le créancier veut engager sa poursuite, l'insolvabilité du comandator est certaine, le magistrat dira au mandator poursuivi: Vous ne pouvez pas échapper à la poursuite in solidum, car la condition de solvabilité de votre comandator fait défaut. S'il y a solvabilité certaine ou paraissant certaine, en ce cas de deux choses l'une : ou le créancier ne songera pas même à poursuivre in solidum et divisera son action, sachant que la formule in solidum lui sera refusée; ou bien le magistrat le forcera à diviser son action et lui délivrera une formule pro parte, et dès ce moment les insolvabilités seront à sa charge (loi 5, § 4, Dig., XLV1, 1). Enfin, s'il y a solvabilité douteuse, le préteur insérera dans la formule l'exception si non et illi solvendo sint; et le juge tranchera la question (loi 28, Dig., XLVI, 1). C'est donc in jure que sera invoquée l'exception, et après la litis contestatio elle ne sera plus possible (loi 16, Code, VIII, XLI). Pothier et Vinnius (1) ont soutenu le contraire, sur la foi d'un texte mal interprété (la loi 10, au Code VIII, XII): «afin que celui qui s'est porté fidėjusseur avec un autre, dit cette loi, ne soit pas actionné seul, on a coutume de demander que l'action soit divisée entre ceux qui sont solvables, ante condemnationem, suivant l'ordre. » Ces auteurs pensaient que ces mots ante condemnationem voulaient dire «avant la condamnation ». Mais on sait aujourd'hui, depuis la découverte des Institutes de Gaius, que le

(1) Pothier, Pandectes LIX, de Fidej. - Vinnius, Quæst., lib. II,

mot condemnatio désigne la dernière partie de la formule quele préteur dressait pour définir l'office du judex. D'ailleurs, suivant les habitudes de langage des jurisconsultes romains, la sentence du juge n'est pas désignée par le mot condemnatio, mais par le mot sententia, ou res judicata Ainsi donc, c'est toujours avant la délivrance de la formule, in jure, que le bénéfice de division doit être invoqué.

Supposons l'exception prouvée, le mandator poursuivi sera-t il absous? En règle générale, l'exception est un condition négative mise à la condamnation; mais cette règle n'est pas absolue. Nous voyons dans la loi 22, pr., Dig., XLIV, I, que l'exception a tantôt pour effet de soustraire le défendeur à la condamnation, tantôt pour effet de diminuer la condamnation. Or les Romains devaient ranger l'exception si non et illi solvendo sint parmi celles qui diminuent la condamnation. Le créancier peut, en effet, sans mauvaise foi, avoir douté de la solvabilité des mandalores; il y aurait injustice à prononcer en pareil cas l'absolution du défendeur (1).

3o Il faut que le mandator n'ait pas perdu ce bénéfice. Il est certains cas, en effet, ou le bénéfice de division ne sera pas accordé. D'abord en cas d'infiliatio; c'est ce que décide formellement Ulpien (loi 10, § 1, Dig., XLVI, 1): Ita demum inter fidejussores dividitur actio si non inficientur; nam inficiantibus auxilium divisionis non est indulgendum. Le bénéfice de division, étant une faveur octroyée contre la rigueur du droit, ne pouvait être accordée à celui qui essayait ainsi de se délier de son obligation.

De même en cas de renonciation. Mais il faut remarquer que si les mandatores peuvent renoncer au bénéfice de

(1) M. Accarias, cours de Pandectes, 1878-1879.

division, il est nécessaire du moins qu'ils se soient expliqués à ce sujet. Les empereurs Sévère et Antonin consultés sur le sens de cette clause ajoutée à un cautionnement: ut singuli in solidum tenerentur, décident qu'elle ne contient pas une renonciation au bénéfice de division. La raison qu'ils donnent est celle-ci : si ce pacte n'avait pas été inséré, les cautions ne seraient-elles pas tenues de plein. droit in solidum? Il n'y a donc rien là d'assez énergique ni d'assez exprès pour s'écarter de la constitution d'Adrien et du droit ordinaire: nihil mutat hæc res conditionem juris et constitutionem (loi 3, Code de Fidej.).

Enfin le bénéfice de division est refusé à ceux qui ont promis accessoirement rem pupilli salvam fore. La faveur extrême dont jouissent à Rome les pupilles l'emporte ici sur le bénéfice accordé aux cautions. « Le pupille qui agit, dit Papinien dans loi 12, Dig., XLVI, vi, n'a pas contracté lui-même, il est tombé dans les mains d'un tuteur, il ne sait rien. » Ce serait lui faire une injustice que de le soumettre au bénéfice de division des actions; il ne faut pas qu'une obligation dont la cause est unique soit dispersée dans plusieurs instances où peuvent s'élever des contestations nombreuses et variées.

Telles sont les règles du bénéfice de division, disons en terminant qu'elles sont communes à la fois aux manda. tores et aux fidėjusseurs.

SECTION III

Effets du mandatum » entre le « mandator » et le débiteur. Bénéfice de cession d'actions.

Quand le mandator avait payé le créancier, comme, en définitive, ce payement tournait au profit du débiteur prin

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