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cipal, il avait contre celui-ci un recours. Ce recours était exercé suivant les cas par l'actio mindatı contraria ou par l'actio negotiorum gestorum également contraria, selon qu'il avait donné mandat au créancier sur l'ordre du débiteur principal ou sans son intervention. Bien souvent néanmoins le mandator qui ne s'engageait que pour rendre service à autrui devait être obligé de supporter en définitive tout le poids d'une dette qu'il n'avait eu aucun intérêt à contracter; son action en recours n'étant que personnelle ne lui était en effet d'aucun secours s'il se trouvait en présence d'un débiteur insolvable. Il ne pouvait pas songer à exercer les droits réels tels que les gages et hypothèques qui pouvaient garantir la créance primitive: le payement avait éteint en même temps et le principal et les accessoires. D'autre part, il n'avait aucun moyen de forcer ses co mandatores à contribuer à la perte résultant de l'insolvabilité du débiteur.

La position du mandator, qui intervenait gratuitement et pour rendre service, était donc bien dure. Aussi quand les jurisconsultes eurent admis le bénéfice de cession d'actions au profit des adpromissores, il y avait tout à fait les mêmes raisons pour l'accorder aux mandatores; les uns et les autres se trouvant aussi dignes de protection. L'application du bénéfice fut donc étendue aux mandatores: nous en avons la preuve dans la loi 13, Dig., XLVI, 1: «Si mandato meo Titio decem credideris et mecum mandati egeris, non liberabitur Titius, sed ego tibi non aliler condemnari debebo, quam si actiones, quas adversus Titium habes, mihi præstiteris. »

Mais le bénéfice de cession d'actions est soumis aussi à certaines conditions; le mandator qui voulait obtenir du créancier cette cession devait: 1° lui offrir le payement in

tégral de sa créance; 2o requérir ladite cession; 3a la requérir à temps. Reprenons ces trois conditions.

1r Condition. - Le mandator devait offrir le payement intégral de sa créance.

Le créancier ne pouvait être contraint de céder ses actions, si on ne lui offrait pas le payement intégral de sa créance (loi 17, Dig., XLVI, 1 ; et loi 11, Code, VIII, XL1). Et cela s'explique aisément si l'on se rappelle le fondement du bénéfice de cession d'actions. Ce bénéfice étant fondé sur l'équité ne devait nuire en rien au créancier; or le créancier se serait trouvé en concours avec l'intercessor qui n'aurait payé que la moitié de la dette pour obtenir la cession; et ce concours aurait pu amener des conflits. Mais les Romains auraient parfaitement pu admettre la cession d'actions au profit de celui qui ne payait qu'une part de la dette s'ils avaient songé à la règle de notre article 1252 Code civil, d'après laquelle le créancier est préféré au subrogé tant qu'il n'est pas entièrement désintéressé.

Le mandator ne pouvait donc jamais obtenir la cession d'actions, en payant une somme inférieure au montant de la dette. Mais l'obtenait-il toujours en payant la totalité de la dette ou, au contraire, ne fallait-il pas quelquefois qu'il payât et la dette dont il était tenu et aussi une dette dont il n'était pas tenu? En ce qui concerne les fidéjusseurs, la question est résolue parla loi2, Code, VIII, XLI : l'hypothèse prévue par cette loi est la suivante : Un créancier avait reçu d'un fidejusseur des gages et des hypothèques ; ces mêmes gages et hypothèques avaient été engagés en outre

pour

une autre dette du même débiteur envers le même créancier. Les empereurs décidaient que, dans ce cas, le fidėjusseur qui demandait la cession d'actions, devait payer les deux dettes hypothécaires. La décision de ce texte bien

que rigoureuse pour le fidėjusseur, n'en était pas moins très logique. En effet, le bénéfice de cession d'actions avait été accordé aux fidėjusseurs pour sauvegarder ses intérêts, mais à la condition de ne pas porter atteinte aux droits du créancier, de ne les amoindrir en rien. Devons-nous décider de même à l'égard des mandatores? Nous pensons qu'il faut se prononcer pour l affirmative; nous n'avons, il est vrai, aucun texte pour appuyer notre opinion; mais nous nous inspirons uniquement de l'équité comme les empereurs s'en étaient inspirés dans la loi 2; le bénéfice de cession d'actions ne devait pas pouvoir nuire dans un cas au créancier et ne pas lui nuire dans l'autre.

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2 Condition. Le mandator devait requérir la cession. A la différence de la subrogation, qui a lieu aujourd'hui de plein droit au profit de ceux qui, étant tenus avec d'autres ou pour d'autres en payement de la dette, avaient intérêt de l'acquitter, la cession d'actions n'avait jamais lieu de plein droit en droit romain. Le mandator qui voulait l'obtenir devait la requérir. Tous les textes qui nous parlent de la cession d'actions nous disent que le créancier ne pouvait pas la refuser. Or, si ces lois s'expriment ainsi, c'est qu'elles supposent que celui qui voulait l'obtenir l'avait demandée (lois 17 et 39, Dig., XLVI, 1; — loi 76, Dig., XLVI, 111; loi 11, Code, VIII, XLI).

3 Condition. Le mandator devait requérir à temps cette cession.

Il pouvait, de son plein gré, offrir au créancier le payement de sa créance, ou bien attendre ses poursuites. Mais dans l'un et l'autre cas, suivant qu'il voulait faire valoir les actions du créancier contre le débiteur principal ou contre ses comandatores, la cession devait être demandée et au moins convenue, sinon réalisée, à tel ou tel moment. Étudions séparément ces deux cas:

A.

Supposons d'abord que l'offre et la demande ont eu

lieu à l'amiable.

1 Cas. Le mandator voulait faire valoir les actions du créancier contre le débiteur principal. En ce cas, il pouvait demander et obtenir la cession même après avoir payé le créancier. La loi 28, Dig., XVII, 1, le dit formellement, et en même temps que la décision qui y est contenue, ce texte nous en donne le motif. La cession d'actions était encore possible, parce que le mandator en payant n'avait pas libéré le débiteur. En effet, l'obligation du débiteur principal subsistait encore après le payement fait au créancier par le mandator. Il ne pouvait pas en être autrement. Les deux obligations qui naissaient au profit du mandataire étaient fondées, nous l'avons déjà dit, sur des causes distinctes; par suite, elles devaient avoir une existence distincte, indépendante; l'une pouvait donc s'éteindre, pendant que l'autre continuait de subsister. Bien que désintéressé par le mandator, le créancier avait donc toujours son action contre le débiteur; mais cette action était paralysée entre ses mains. En effet, il n'aurait pas pu l'intenter lui-même sans voir sa demande repoussée par l'exception de dol, car il ne fallait pas qu'il pût se faire payer deux fois la même chose, quand, en définitive, elle ne lui était due qu'une fois. C'est ce qui serait pourtant arrivé si le débiteur n'avait pas eu un moyen de défense à son service pour faire rejeter la prétention du demandeur. Il aurait été obligé dans ce cas de compter au créancier le montant de la dette après que le mandator lui avait déjà donné ce qui lui était dû.

L'action que conservait le créancier contre le débiteur ne lui était donc plus d'aucune utilité; le créancier devait donc la céder au mandator pour assurer son recours contre

le débiteur. Le mandator pouvait intenter cette action contre l'emprunteur sans avoir à craindre de se voir opposer l'exception de dol, car il n'agissait pas de mauvaise foi. Si le créancier ne voulait pas consentir cette cession, le mandator avait l'action mandati directa pour l'y contraindre ; car, en acceptant le mandat, il s'était obligé à transférer à son mandant toutes les actions qui pouvaient naître de l'inexécution du mandat. A la différence de tous les autres débiteurs ayant le droit de se prévaloir du bénéfice de cession d'actions, les mandatores pouvaient donc demandercette cession par voie d'action. Il est vrai que, toutes les condamnations à Rome étant pécuniaires, les mandatores ne pouvaient jamais obtenir par cette voie la cession des actions elles-mêmes, si le créancier ne voulait pas les céder. Mais la crainte d'une condamnation devait souvent empècher le refus du créancier.

2o Cas. Le mandator voulait faire valoir les actions du créancier contre ses comandalores, La cession devait être demandée et au moins convenue avant le payement parce que le payement libérait tous les mandatores. Certainement il y avait autant de liens qu'il y a de mandatores; seulement l'obligation de l'un était la même que celle de l'autre. Toutes avaient le même objet: indemniser le mandataire ou créancier du préjudice que lui avait causé l'exécution du mandat. Or, dès qu'il y avait eu payement fait par l'un ou par l'autre des mandatores, ce mandataire était indemnisé; il ne pouvait plus rien exiger des autres, tous étaient libérés.

B. Supposons maintenant que l'offre et la demande ont eu lieu en justice:

1er Cas. Le mandator voulait faire valoir les actions du créancier contre le débiteur. La cession alors pouvait

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