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être faite après la litis contestatio (loi 28, Code, VIII, XLI). Elle pouvait même être demandée et réalisée après la condamnation. Le mandator n'avait qu'à attendre que le créancier intentât l'action judicati, et alors il réclamait la cession d'actions au moyen d'une exception (1. 41,§1, Dig. XLVI), 1. La cession d'actions pouvait avoir lieu au profit du mandator même après qu'il avait payé le créancier (1. 95, § 10, Dig., XLVI, 1). A ce propos Papinien fait une comparaison très juste entre l'hypothèse d'un mandator et celle d'un pupille, de son débiteur et de son tuteur. Le tuteur qui n'a pas poursuivi en temps utile le débiteur de son pupille est responsable envers celui-ci du tort qu'il lui a causé par sa négligence; l'actio tutelæ directa que le pupille devenu pubère intente à cet effet contre le tuteur n'éteint pas l'action que le pupille a contre son débiteur, et réciproquement la poursuite qu'il aurait dirigée contre ce débiteur sans parvenir à s'en faire payer intégralement, n'anéantit pas les recours en garantie qu'il a contre son tuteur. Le tuteur qui paye soit avant d'être poursuivi, soit après avoir été actionné, même condamné, peut donc se faire céder par le cidevant pupille son action contre le débiteur, et il peut, pour le contraindre à lui faire cette cession, intenter contre lui l'action tutelæ contraria.

La justesse de la comparaison posée par Papinien est évidente: le mandator et le tuteur sont l'un et l'autre responsables envers le créancier du non-recouvrement d'une dette dont le premier avait provoqué la formation, dont le deuxième a négligé la poursuite: tous deux en payant ou après avoir payé l'indemnité qu'ils doivent au créancier peuvent se faire céder par celui-ci ses actions contre le débiteur qu'ils n'ont pas libéré en payant eux-mêmes, car ils n'étaient pas tenus solidairement avec lui (1).

(1) Pellat, Textes choisis, p. 280.

2 Cas. Le mandator voulait faire valoir les actions du Le mandator pouvait

créancier contre ses comandatores.

demander et obtenir la cession d'actions tant qu'on se trouvait in jure. Si le créancier refusait de consentir cette cession et refusait sans raison, il ne pouvait pas obtenir du préteur la délivrance d'une formule.

Le mandator pouvait encore demander la cession d'actions quand on était arrivé devant le juge: si le créancier ne voulait pas consentir cette cession, le juge prononçait l'absolution du défendeur, car l'exceptio doli mal était toujours sous-entendue dans les actions de bonne foi.

Le mandator pouvait même obtenir la cession d'actions après avoir été condamné (loi 41, § 1, Dig., XLVI, 1); le mandator nexécutait pas la condamnation, et lorsque le créancier intentait contre lui l'action judicati, il lui demandait la cession de ses actions en opposant une exception à sa demande.

Dans tous les cas, la cession d'actions était possible, parce que la poursuite dirigée contre l'un des mandatores, même suivie de son absolution n'éteignait pas la dette à l'égard des autres. Plures ejusdem pecuniæ credendæ mandatores si unus judicio eligatur, absolutione quoque secutan on liberantur, sed omnes liberantur pecunia soluta (loi 52, §3, Dig, XLVI, 1). Cette décision d'Ulpien n'est que l'application d'une règle générale: lorsque plusieurs débiteurs n'étaient tenus que d'une simple solidarité, la poursuite exercée contre lun d'eux ne libérait pas les autres. Il n'y avait que le payement qui pût procurer la libération de tous.

Le mandator qui avait payé la dette ne pouvait plus demander au créancier la cession de ses actions: Omnes liberantur pecunia soluta (loi 52, §3, precitée). Toutefois si la cession, sans être faite, était au moins convenue au moment

du paiement, elle pouvait alors être consentie après le payement. On considérait la somme payée au créancier comme le prix de la vente de ses actions contre les autres mandatores, et alors ceux-ci n'étaient pas libérés. La loi 76, Dig, XLVI, II) fait de cette décision, qui découle des principes généraux, une application particulière à propos des co-tuteurs, qui sont à cet égard dans une position analogue à celle des comandatores. Il convient d'ajouter que les empereurs Antonin et Caracalla avaient eu pitié du co-tuteur condamné qui paye sans réserve, et lui avaient concédé une action utile, l'action utilis tutelæ direct contre ses co-tuteurs (loi 1, § 13, Dig., XXVII, III). On a considéré, en effet, qu'une omission de ce genre était plus facile de la part d'un débiteur poursuivi que de la part de celui qui se présente spontanément pour éteindre la dette et qui est présumé avoir pensé aux conséquences de l'acte qu'il veut faire.

Il y a raison d'analogie pour accorder de même une action utile aux autres co-débiteurs simplement solidaires et par conséquent aux comandatores dans les mêmes circonstances (Arg., loi 4, Dig., de his qui effud.vel de jec). Cette action utile n'est pas, comme l'ont pensé quelques jurisconsultes, une extension de l'action negotiorum gestorum; c'est l'action même du créancier que l'on suppose passée sur la tête de celui qui a payé en vertu d'une cession sous-entendue. S'il en était autrement, on ne s'expliquerait pas qu'il y eût une différence entre le cas ou le tuteur ou le mandator a payé spontanément et le cas où il n'a payé que contraint et forcé car dans l'une comme dans l'autre hypothèse, il serait juste de dire qu'il a fait l'affaire de son co-débiteur.

Ayant ainsi énuméré les conditions auxquelles est soumis le bénéfice de cessions d'actions accordé au mandator,

voyons maintenant les principaux effets de cette cession. et l'étendue de l'obligation du créancier envers le mandator.

Le créancier était donc obligé de céder ses actions, mais était-il tenu de les conserver pour les céder à celui qui lui offrirait son payement. S agissait-il d'un fidéjusseur ? le créancier n'était pas tenu de lui conserver ses actions; les principes et les textes le voulaient ainsi (loi 25, Code VIII, XLI, loi 15, § 1; loi 62, Dig.. XLVI, 1). S'agissait-il au contraire d'un mandator? le créancier était obligé de conserver ses actions, et s'il s'était mis par sa faute dans l'impossibilité de les céder, le mandator poursuivi était Jibéré. Papinien nous dit, en effet, dans la loi 95, § 11, de Solut. « Si creditor a debitore culpa sua causa ceciderit, prope est, ut actione mandali nihil a mandatore consequi debeat; ipsius vitio ceciderit, ne mandatori possit actionibus cedere ». Cette différence s'explique aisément ; la fidejussion était un contrat unilatéral et de droit strict par lequel le fidejusseur seul s'engageait le créancier ne contractait aucune obligation; c'est pour cette raison qu'il ne pouvait pas être tenu de conserver ses actions. Le mandatum était un contrat synallagmatique et de bonne foi; il produisait entre le mandataire et le mandator des obligations réciproques. Le mandataire devait rendre compte au mandator de tout ce qu'il avait retiré ex causa mandali; le mandator devait indemniser son mandataire de tout le préjudice que lui avait causé l'exécution du mandat.

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Nous avons ainsi constaté une des plus importantes différences entre la fidéjussion et le mandatum, à propos du bénéfice de cession d'actions; nous pouvons, en terminant, nous demander quel intérêt peut avoir le mandator à

invoquer le bénéfice de cession d'actions. En effet, dira-t-on, ne jouit-il pas du bénéfice de division et ne préfèrera-t-il pas s'en tenir à ce dernier et éviter une avance de fonds peut-être considérable? Non, il n'en sera pas toujours ainsi. Supposons que le débiteur étant personnellement insolvable l'obligation se trouve garantie par une hypothèque suffisante: alors il serait évidemment de l'intérêt du mandator de payer toute la dette en invoquant le bénéfice de cession d'actions, car, subrogé dans l'hypothèque, il serait bien sûr de ne rien perdre, quand même la chose hypothéquée serait entre les mains d'un tiers détenteur, car il pourrait poursuivre cette chose même entre ses mains pour être payé sur le prix (loi 14, Code VIII, XLI).

De plus le mandator invoquant le bénéfice de division ne pourra diviser l'action qu'entre les mandalores solvables lors de la litis contestatio. Il devra donc supporter non seulement sa part, mais tout ou partie de la part des insolvables, tandis que la cession d'actions le mettra à même de demander plus tard à ceux-ci le payement de leur part, si leur position de fortune s'améliore.

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