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CHAPITRE III

Extinction du « mandatum ».

L'obligation du mandator peut prendre fin, comme les autres intercessiones, de deux manières : soit directement par des modes à elle propres, soit indirectement par l'extinction de l'obligation du débiteur principal. Parmi les modes d'extinction, les uns opèrent ipso jure et peuvent être invoqués à une époque quelconque de la procédure, ils peuvent l'être pour la première fois devant le juge : les autres opèrent exceptionis ope, ils ne peuvent être invoqués devant le juge, et le juge ne peut en tenir compte qu'autant que le débiteur avait eu soin de faire insérer une exception dans la formule. Nous allons passer rapidement en vue chacun des principaux cas qui peuvent se pré

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1. Payement.

MODES D'EXTINCTION « IPSO JURE »

Fait par le débiteur principal, il éteint toujours ipso jure l'obligation du mandant (1); la dette de ce dernier a pris fin en même temps que l'engagement principal. Bona fides non patitur ut idem bis exigatur (§ 51, de Regulis juris).

Mais quand c'est le mandator qui a payé, la dette du dé

(1) Ce point toutefois n'est pas admis par tous les auteurs M. Molitor notamment émet une opinion contraire dans son Traité des obligations en Droit romain, tome II, p. 567.

biteur subsiste encore. Le mandator paye, en effet, en son propre nom, nous le savons: ce qu'il doit, ce n'est pas une somme prêtée; il s'est seulement obligé à indemniser le créancier des suites du mandat qu'il a donné. Aussi le créancier conserve-t-il son action contre le débiteur principal; seulement il doit la céder au mandator (loi 95, § 10, de Solut.)

2. Acceptilatio. Cette opération étant la fiction d'un payement doit produire les mêmes conséquences que le payement lui-même.

3 Datio in solutum. Quand le débiteur principal, au lieu de donner au créancier ce qui faisait l'objet de sa dette, le désintéressait en lui donnant autre chose, il est évident que l'obligation du mandator prenait fin du même coup. Mais cette extinction était-elle définitive si dans la suite le créancier se trouvait évincé de la chose par lui reçue en payement, les garanties de l'ancienne dette ne renaissaient-elles pas à son profit? Nous avons sur ce point des textes qui paraissent se contredire.

D'après Ulpien, le créancier évincé aurait contre le débiteur, non pas son action première, qui reste définitivement éteinte, mais une action en garantie: l'actio utilis ex emplo (loi 24, de Pigner. act., Dig., XIII, vII). D'où il faut conclure que tous les accessoires de l'ancienne dette, gages, hypothèques, cautions, etc., avaient péri pour toujours avec elle (1).

D'un autre côté, Marcien enseigne (loi 46, pr., de Solut.) que le créancier peut se servir de nouveau de son action

(1) Un rescrit d'Antonin Caracalla, la loi 4 C. VIII, 45 contient la même solution.

DROIT ROMAIN.

primitive, qui reprend une nouvelle vie, et avec elle renaissent toutes les garanties qui l'entouraient(1).

Ces textes ont fait le tourment des commentateurs. Accurse et Cujas (2) en ont donné la conciliation suivante : d'après eux, Ulpien suppose que le créancier a reçu rem pro pecunia, opération pleine d'analogie avec une vente; Marcien, au contraire, s'occupe du cas où le débiteur a payé rem pro re, ce qui ressemble à un contrat innommé. On voit tout de suite ainsi pour quels motifs les jurisconsultes avaient cru devoir donner au créancier évincé deux actions différentes. Cette explication vraiment ingénieuse ne cadre pas suffisamment avec un autre texte qui forme la loi 98, pr., de Solul. (3) D'après Pothier (4), le créancier aurait le choix entre les deux actions. Cette idée est peu admissible; rien n'indique dans les lois que nous venons de citer que le créancier ait deux actions à sa disposition. Cela aurait été du reste, fort rigoureux pour le débiteur, qui aurait été à la discrétion du créancier, et peu conforme à l'intention présumée des parties.

Depuis la découverte des Commentaires de Gaius une nouvelle opinion s'est produite au lieu de nier la divergence d'Ulpien et de Marcien, on a essayé de la rattacher à la controverse des Proculiens et des Sabiniens sur l'effet extinctif de la datio in solutum. D'après les Sabiniens, cette dalio éteint la dette ipso jure, mais c'est à la condition.

(1) On cite dans le même sens un fragmnnt de Paul, la loi 98 pr. Dig. XLVI, 3.

(2) Observ. lib. XIX, cap. 38, et Com. ad Cod. ad Leg. IV. tit. de evict.

(3) Consulter sur ce point M. Labbé de la Garantie, § 69 et suiv.

(4) Pothier, Vente, no 603 et 604.

d'être translative de propriété; sinon, il n'y a rien de fait. De là, dit-on, la doctrine de Marcien. Au contraire, d'après les Proculiens, la datio in solutum n'engendre qu'une exception, mais elle l'engendrerait toujours; et de là, dit-on, l'action utilis empti donnée au créancier par ceux qui ne veulent pas que l'éviction l'autorise à reprendre son ancienne action. Cette explication ne nous parait pas non plus satisfaisante, car, ainsi que le fait remarquer M. Accarias, « elle revient à dire que les Proculiens donneraient moins de force que les Sabiniens à la datio in solutum lorsqu'elle est translative de propriété, et lui en donneraient davantage lorsqu'elle ne l'est pas. Voilà une première bizarrerie; en voici une seconde les Proculiens n'admettaient pas qu'un prix de vente consistàt jamais en autre chose que de l'argent; or tel est pourtant le résultat où conduit la doctrine d'Ulpien, et on voudrait que ce fût là une doctrine spécialement proculienne! Cela est d'autant plus difficile à accepter qu'Ulpier paraît avoir admis d'une manière générale, à l'exemple des Sabiniens, que les obligations s'éteignent ipso jure par la datio in solutum (loi 26, § 4, de Cond. ind., - loi 1, §5, de Pec. const., XIII, v) (1)». Nous aimons mieux, quant à nous, croire avec notre savant maître, à l'indépendance respective des deux controverses. La doctrine de Marcien nous paraît plus conforme à l'exactitude des principes; et celle d'Ulpien nous paraît avoir été déterminée par l'intérêt des tiers qui, voyant une datio in solutum acceptée par le créancier, doivent naturellement penser qu'il n'a pas agi à la légère et que toute sécurité leur est désormais acquise.

4° Novation.

La novation portant sur l'obligation

(1) M. Accarias, Précis de Droit romain, tome II, p. 638.

principale éteint en même temps celle résultant du mandatum, (loi 4, Code VIII, XII). Le mandator a promis en vue de telle dette et non de telle autre; il aura donc une excepion de dol pour repousser le créancier.

Si l'on suppose que le créancier fait une novation avec le mandator, il est à croire que le débiteur principal serait toujours tenu vis-à-vis du créancier et le mandator pourrait par suite se faire céder les actions contre le débiteur.

5 Litis con/estatio.

Elle ne libère pas le mandant quand elle est faite avec le débiteur principal. Nous avons vu que cela tenait à la nature même du mandalum pecuniæ credendæ. La litis contestatio ne doit donc pas être assimilée ici à la novation. Ainsi le mandator ne pourrait pas repousser l'action du créancier sous le seul prétexte qu'il a déjà poursuivi le débiteur principal. Mais ne pourrait-il pas le repousser au moyen de l'exception rei judicatæ, en établissant que le débiteur n'a pas été seulement poursuivi, mais qu'il a été absous. Il ne le pourra pas davantage, toujours par ce motif qu'il y a ici des obligations distinctes qui ont uniquement ce point de contact qu'il suffit d'un payement pour les éteindre toutes. Nous avons à cet égard un texte positif, la loi 52 2 3, de Fiddlej.

6. Confusion. La confusion peut se présenter dans diverses hypothèses, qu'il faut examiner séparément : Ire hypothèse. Le mandator succède à son comandatorIci les deux qualités subsistent, il n'y a aucune raison pour considérer comme éteinte l'une des deux obligations, et il peut y avoir intérêt pour le créancier à ce que toutes les deux existent. Ainsi l'un des deux a-t-il fourni un fidé jusseur, celui-ci reste tenu quel que soit celui des deux mandatores qui a hérité de l'autre (loi 21, § 1, Dig., XLVI, 1.)

2 hypothèse. Le mandator succède au créancier ou réciproquement :

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