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parfait accord avec ses conclusions, mais je m'en écarterai en ce qui concerne les dispositions de la loi de 1791.

Cela m'amène forcément, pour dégager les points que j'admets et ceux que j'écarte, à reproduire le passage de l'excellent auteur dont je parle :

«En principe donc, nous dit-il, en parlant du droit romain, le testament, comme tout autre acte, aurait dû être annulé par la présence de la condition impossible. Mais, comme on tenait par dessus tout à avoir un testament, comme cette idée avait conduit le législateur jusqu'à permettre que le testament de celui que l'âge ou la maladie empêchait de tester, fùt fait par son père ou un autre ascendant (dans les substitutions pupillaire et exemplaire), on déclara que des conditions impossibles ne pouvaient être mises dans un testament que par inadvertance, et que c'était suivre la pensée du testateur que de les effacer.

« Cette règle n'aurait jamais dû passer dans notre droit français, ni surtout dans notre Code civil, qui, loin de faire ainsi du testament le mode privilégié de transmission des biens d'un défunt, le regarde, au contraire, et avec vérité, comme une exception au droit commun; car, le droit commun, chez nous, c'est la succession ab intestat qui jouit d'une bien plus grande faveur et présente une application bien plus, fréquente que le testament. Cependant, la force de la routine a fait conserver jusqu'à ce jour cette règle bizarre; et ce

qu'il y a de plus étrange, c'est que la loi du 12 septembre 1791 est venue l'étendre aux donations entrevifs, auxquelles les Romains eux-mêmes s'étaient bien gardés de l'appliquer. Le Code reproduit la même idée et déclare positivement que la condition impossible ou illicite sera nulle dans les dispositions entre-vifs comme dans les dispositions testamentaires.

« Les auteurs ont critiqué cette extension inintelligente de l'idée romaine; nous irons plus loin, et nous dirons qu'on devrait supprimer non seulement l'extension de 1791, mais aussi l'idée elle-même, pour placer les testaments, comme les donations, sous l'empire des vrais principes. Les auteurs cherchent à justifier l'existence de cette règle dans les testaments en disant qu'elle est une juste punition du testateur. Mais comment un testateur peut-il être puni par l'exécution de son testament, qui n'a lieu qu'après sa mort?... S'il y a quelqu'un de puni, c'est plutôt l'héritier légitime à qui la chose léguée est enlevée. Quant au testateur, vous le favorisez bien plutôt que vous ne le punissez, puisque vous exécutez sa volonté malgré la condition, infâme peut-être, qu'il y avait attachée, condition que vous lui faites la gracieuseté d'effacer, en feignant de croire qu'il ne l'a écrite que par mégarde...

« Quoi qu'il en soit, statuit lex; et notre article est trop formel pour qu'on puisse échapper à sa disposition » (Explication du Code civil, t. III, no 481-482).

Quant à moi je crois l'avoir démontré, il n'y a au

cune raison plausible de critiquer la loi de 1791, elle s'explique parfaitement par les circonstances dans lesquelles elle est intervenue et par le but de ses auteurs.

C'est pourquoi je préfère me rallier à l'opinion du grand historien, philosophe et jurisconsulte qui fait tant d'honneur à notre temps. Voici comment s'exprime M.Laurent: Comme doctrine juridique,la loi de 1791 ne saurait être approuvée. Mais il ne s'agissait pas de droit pendant la Révolution ; le droit privé servait d'instrument pour attaquer le droit public, les libéralités devenaient un moyen de ruiner la Révolution. Qu'importait, dans cet état de choses, que les dispositions fussent des donations ou des testaments? Le législateur avait parfaitement raison de mettre les unes et les autres sur la même ligne, puisque les unes comme les autres servaient d'armes aux contre-révolutionnaires pour battre en brèche les idées de 1789 » (Principes de droit civil français, t. XI, n° 430).

L'art. 900 du Code civil, comme nous allons le voir, s'explique moins, tant au point de vue politique qu'au point de vue juridique, cependant il pourrait en core s'expliquer.

Mais pour une législation à faire, je ne saurais trop approuver les conclusions juridiques de M. Marcadé et d'autres jurisconsultes éminents dont je ferai connaître les opinions un peu plus loin en parlant du droit actuel. Il me reste, pour en finir avec l'époque intermé

diaire, à mentionner quelques questions plutôt de détail que de principe.

En nous reportant aux termes de la loi de 1791, nous voyons qu'il n'y est point question de la condition naturellement impossible. Cela s'explique aisément, à ce point de vue le législateur n'avait aucun danger à craindre, et par conséquent à prévenir.

Enfin, je dois mentionner que les dispositions de la loi de 1791 furent reproduites par l'art. 1o de la loi du 3 brumaire an II, et par l'art. 12 de la loi du 27 nivôse an II (1), qui proscrivit également la condition «< de ne pas se marier » et donna un effet rétroactif aux dispositions de la loi tout entière du 27 nivôse, en remontant jusqu'au 14 juillet 1789.

(1) Cette loi du 17 nivôse an II, est l'une des lois rares dans lesquelles on voit le législateur, pour des motifs politiques, donner effet rétroactif aux dispositions d'une loi.

DROIT ACTUEL

En suivant, dans le droit actuel, la méthode que j'ai employée en droit romain, avant de parler des legs et des donations, je commencerai par exposer l'effet des conditions impossibles et illicites dans les contrats à titre onéreux. C'est la partie la plus facile pour tous ceux qui veulent soutenir que la volonté de celui qui fait un acte juridique, ne doit pas être scindée, point qui, d'ailleurs, n'a été contesté par personne, pour les contrats à titre onéreux, depuis les Romains jusqu'à nos jours.

CONVENTIONS A TITRE ONÉREUX

L'art. 1172 du Code civil est ainsi rédigé : «Toute condition d'une chose impossible ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi, est nulle et rend nulle la convention qui en dépend >> (Pothier, Des obligations, no 204).

Je vais passer rapidement sur le vocabulaire que l'art. 1172 nous offre, toutes ces expressions nous étant déjà connues par le droit romain. J'aurai à insister seulement sur les points qui prennent ou qui doivent recevoir une solution différente dans le droit moderne.

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