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Ce qui est bien certain c'est que les auteurs sont unanimes pour constater les difficultés d'interprétation que présente l'art. 900.

Les uns pourtant, plus indulgents, ne veulent pas conclure à sa radiation du Code.

C'est ici le moment de revenir sur les explications données sur la valeur des legs sous conditions impossibles ou illicites, dans l'ancien droit, et de discuter les motifs invoqués pour soutenir la jurisprudence qui s'est formée à cette époque.

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neau et Ricard soutiennent qu'il faut se conformer à la volonté du testateur, il faut interpréter sa volonté, quand on a fait une institution d'héritier sous condition impossible ou illicite, on a voulu avant tout avoir un héritier, s'il ne voulait pas il ne l'aurait pas institué. Comment faire pour maintenir l'institution? Il faut effacer la condition, c'est ce que le testateur luimême a voulu.

Notons que c'est l'argument qui aujourd'hui encore est reproduit par tous les auteurs qui soutiennent que la disposition de l'art. 900 doit être maintenue au moins pour les legs.

Et certes,c'est ce qu'on peut dire de mieux en faveur de cette disposition de loi.

Quelle est donc la valeur de ce motif?

Quant à nous, il nous paraît dépourvu de toute force. Si on interprète ainsi les dispositions de dernière vo

lonté conditionnelles, pourquoi n'interpréterait-on pas de la même manière la volonté des parties qui font des actes à titre onéreux ?

Deuxième explication.

Vinnius disait que le légataire n'a pas concouru à l'acte, il y est étranger, il ne doit pas être victime de cette erreur que le testateur a commise en accompagnant la disposition d'une condition impossible. Une présomption d'erreur de la part du disposant, voilà l'explication.

Le testateur en présence de la mort, ne peut pas être présumé avoir voulu faire un badinage; et, s'il a inséré dans son testament une condition impossible, naturellement ou légalement, c'est une erreur, sans doute, mendum, qu'il a commise, et dont il ne pouvait être averti par personne, puisqu'il dispose senl (c'est la raison qu'a donnée M. Bigot-Préameneu, dans l'exposé des motifs (Demolombe, XVIII, p. 228-229).

Si on veut s'en tenir à cela il faut annuler la disposition même, toutes les fois qu'il sera démontré que le disposant n'a pas commis d'erreur. D'où il résulte une distinction dans l'art. 900 que la loi n'a pas faite.

Troisième explication. Quand il s'agit surtout des conditions contraires à la loi ou aux mœurs, elles doivent être réputées non écrites, dit-on, parce que le législateur doit punir la témérité de ceux qui se rebellent contre la loi ou contre les bonnes mœurs. C'est l'idée d'une peine prononcée contre le disposant. Étrange explication!

Nous sommes parti de l'idée qu'on doit interpréter la volonté du disposant, comme lui-même l'aurait interprétée, s'il était possible de lui demander son avis (première explication); et nous sommes arrivé à l'explication qui fait abstraction tout à fait de la volonté du disposant pour le punir.

C'est bien le cas de s'écrier avec Gaius: « Plus enim tribui a prætore ei qui fideicommissum petit, quam testator voluisset absurdum est! (L. 63, § 6, ad senatusc. Trebell.).

Il ne nous paraît pas sérieux de maintenir un acte et surtout un acte de libéralité, contre la volonté même du disposant.

On a donné encore bien d'autres explications de l'art. 900, mais je dois me borner.

Nous avons donné jusqu'à présent les différentes explications de l'art. 900, en ce qui concerne les legs.

Pour les donations, les explications sont beaucoup plus difficiles; c'est pourquoi on s'est ingénié à donner les mêmes et aussi à en trouver d'autres, propres aux donations.

Prenons les mêmes explications pour les appliquer aux donations.

Quant aux donations. - Première explication. Interprétation de la volonté du donateur.

Dans une donation les parties, dans la plupart des cas, sont présentes, elles contractent; l'une. le donateur, propose les conditions dans lesquelles il entend faire

l'acte, et l'autre le donataire les accepte. Il y a plus : le notaire est au milieu d'eux pour leur montrer la gravité de l'acte, l'illégalité ou l'immoralité des conditions. L'acte conclu, peut-on dire que le donateur a tenu à faire la libéralité avant tout, que s'il avait su que la condition était illicite il ne l'aurait pas apposée ? Quelques auteurs l'ont dit, et voici leur langage: On s'avisera rarement d'imposer une condition véritablement impossible ou véritablement illicite; la loi porte presque uniquement sur des conditions que l'on croyait possibles et qui ne le sont pas, ou dont l'illégalité n'était pas évidente; ces erreurs, en effet, pourraient être jusqu'à un certain point considérées comme non avenues dans des actes où la condition n'est pas la chose essentielle et où domine toujours le sentiment de la libéralité (Bayle-Mouillard sur Grenier t. I, p. 686, note A, apud Demolombe, t. XVIII, p. 234).

Si le donateur avait su que la condition n'était pas permise par la loi, il ne l'aurait pas mise, parce que sa volonté principale c'est de faire la libéralité; si nous annulons la donation même, nous prononçons une sentence trop dure vu l'intention du donateur, une sentence contre sa volonté même, volonté que nous interprétons.

Quant à moi, je ne le vois pas.

La donation étant un contrat, nous devons dans ce système arriver à la conclusion que dans les contrats la condition présente plusieurs caractères: s'agit-il

d'un contrat onéreux ? Alors si on ajoute à l'acte une condition impossible ou immorale c'est un jeu, on n'a pas eu la volonté sérieuse de contracter, tout est nul. S'agit-il d'une donation? Alors l'acte est sérieux fût-il sous condition impossible ou immorale! Où trouve-ton cette différence?

On ne se tient pas pour battu par cette objection, on trouve toujours une réponse, la voici :

Si les contrats à titre onéreux sont nuls lorsqu'ils sont faits sous des conditions impossibles, contraires aux lois ou aux bonnes mœurs, c'est que, dans ces contrats, aucune des parties n'étant dominée par l'autre, chacune d'elles est coupable, l'une d'avoir proposé, l'autre d'avoir accepté des conditions de cette nature; or, il n'en est pas de même dans une donation. Qu'on dise qu'en droit ce contrat est l'œuvre des deux parties, rien ne sera plus vrai; mais en fait la donation est l'œuvre du donateur seul: c'est lui évidemment qui en dicte les clauses, les conditions. Le donataire, qui craint que le bénéfice qu'on lui offre re lui échappe s'il contrarie le donateur, n'a pas, en réalité, assez d'indépendance pour critiquer et repousser les conditions auxquelles la libéralité qui lui est offerte est subordonnée : il ne participe pas plus à la donation qu'un légataire ne participe au testament. C'est donc aux testaments et non aux contrats à titre onéreux, qu'elle devait, sous ce rapport, être assimilée (Mourlon, Ré

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