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qu'ils exercent les uns à l'égard des autres; c'est ainsi que l'idéologie attribue l'origine des connaissances et des opérations de l'esprit au développement et au rapport des affections primitives, comme la sensation, la perception, la réflexion, etc., qui en sont les matériaux ou les élémens.

Dans la troisième partie de son ouvrage, M. Dumas passe en revue toutes les circonstances générales, tirées de l'âge, du sexe, du climat, des alimens et des boissons qui concourent à produire et à modifier les maladies chroniques. On trouve dans cette partie des idées aussi justes que bien exprimées sur la différence des tempéramens. Il réclame comme une découverte qui lui appartient la distinction des tempéramens établis dans les physiologies modernes, d'après l'extension relative des systèmes d'organes qui composent le corps humain. Cette doctrine donne lieu à des réflexions extrêmement justes sur la constitution proprement dite et sur la différence à faire entre elle et le tempérament. Ce dernier, selon M. Dumas, est ce qui détermine le caractère des forces vitales, avec les modifications les plus constantes dont elles peuvent être affectées, au lieu que la constitution est ce qui détermine l'énergie des forces physiques de l'organisation, ainsi que les circonstances de la conformation naturelle du corps ou de ses organes. Afin de rendre cette différence plus sensible par un exemple, nous dirons que parmi les hommes constitués de la même manière quant aux formes, à la vigueur et à la solidité du corps, on trouve également des sanguins, des bilieux, des pituiteux, etc. On voit des sanguins qui ont une haute stature, une poitrine large, des membres bien fournis; on voit d'autres hommes à qui la nature a donné le même tempérament avec des formes corporelles tout-à-fait opposées.

Le traitement des maladies chroniques occupe l'auteur dans la quatrième partie de l'ouvrage. M. Dumas rectifie d'abord l'idée que l'on se fait communément des maladies héréditaires; il prouve que l'on ne doit point comprendre dans les maladies de cette classe toutes celles. qui, ayant existé parmi les parens, se déclarent ensuite

parmi les enfans. Le chapitre des maladies incurables est un des plus intéressans de tout l'ouvrage. L'auteur réduit singulièrement le nombre de ces maladies. Il prouve d'une manière bien satisfaisante pour l'humanité, que beaucoup de maladies ne doivent pas être réputées incurables, quoiqu'elles deviennent telles par l'ignorance ou l'impéritie des médecins, par la négligence ou l'indocilité des malades qui contrarient l'application des moyens thérapeutiques et nuisent à leur succès.

L'ouvrage de M. Dumas suppose un nombre infini de faits bien observés. De ces faits rassemblés avec soin et comparés entr'eux, découlent, comme autant de corollaires, les principes généraux que l'auteur a établis. Après avoir enrichi la physique, animée par d'importantes découvertes, et s'être fait, comme physiologiste, un nom célèbre dans toute l'Europe, il va prendre un rang encore plus distingué parmi les maîtres de l'art. Aucun médecin en France n'était peut-être plus propre que M. Dumas à donner un bon Traité des maladies chroniques. Ces maladies sont, depuis plus de vingtquatre ans, l'objet particulier de ses études. La Société royale de médecine couronna, en 1788, un savant Mémoire qu'il avait présenté à ses concours, et dans lequel il discutait la question de l'utilité et des dangers de la fièvre par rapport aux maladies chroniques. L'auteur, à peine âgé de vingt ans, fut extrêmement sensible à ce premier triomphe qui détermina la direction de son esprit; et par une suite non interrompue d'études et d'observations s'est élevé peu-à-peu le grand ouvrage dont il vient d'enrichir la science.

(Article communiqué par M. ETIENNE SAINTE-MARIE,' Docteur en médecine de la Faculté de Montpellier.)

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

COURS DE POÉSIE SACRÉE, par le docteur LowTн, professeur de poésie aux Collège d'Oxford; traduit, pour la première fois, du latin en français, par F. ROGER, conseiller ordinaire de l'Université impériale, et membre de la Légion-d'Honneur. - Deux tomes en un volume. - Prix, 5 fr., et 6 fr. 50 c. franc de port. A Paris, chez Migneret, imprim.-libraire, rue du Dragon, no 20.

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DEUX traductions de cet ouvrage viennent de paraître à la fois ; l'une sans nom d'auteur et dont il a déjà été rendu compte dans ce journal; l'autre de M. Roger, conseiller ordinaire de l'Université, et dont il nous reste à entretenir nos lecteurs. Cette dernière était annoncée depuis long-tems et vivement désirée par ceux qui ne connaissant pas l'ouvrage original, ou s'étant rebutés des difficultés qu'offre le texte, attendaient une version dont le nom du traducteur leur garantît l'élégance et la fidélité. M. Roger, dans son commentaire du Théâtre classique, publié en 1807 et adopté pour l'enseignement des lycées, cite un passage du docteur Lowth, sur l'esprit dans lequel il faut lire les poëtes hébreux. On voit que dès lors il s'occupait de la traduction qu'il vient de publier, et l'on peut croire que le traité du savant professeur d'Oxford ne fut pas inutile à l'auteur du commentaire sur Esther et Athalie.

Nous n'avions, en français, aucun ouvrage qui traitât, avec quelque étendue, de la poésie des Hébreux. Cette branche de la littérature ancienne n'a offert à l'abbé Fleury que la matière d'un discours où l'on ne trouve ni le bon goût de style, ni la profondeur de vues des excellens discours sur l'histoire ecclésiastique. L'auteur s'y abandonne à des digressions assez étrangères au sujet. Il montre une admiration très-respectable, et sur-tout

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MERCURE DE FRANCE, JANVIER 1813. 159 bien fondée, pour les beautés que renferment les livres saints; mais son enthousiasme est quelquefois un peu bourgeois. «Que les beaux esprits modernes, dit-il, après » avoir cité quelques versets d'un psaume, viennent après cela traiter de grossiers nos bons laboureurs » de Palestine; et qu'ils nous trouvent dans les auteurs profanes des pensées plus hautes, plus fines et mieux >> tournées. » On n'est pas moins étonné de ce qu'il dit du caractère que devait avoir la musique des Hébreux, » qui n'avait pas ce mélange de différentes parties et ces » adoucissemens de la musique moderne » : ce qu'il devine par Pair général des ouvrages. Il avait donné plus haut, comme preuve de l'excellence de cette musique, que « l'inclination des rois sert beaucoup à l'avan» cement des arts, et que David fut toute sa vie grand » musicien. » Il faut convenir que ces conclusions et ces preuves ne sont ni bien convaincantes, ni bien noblement exprimées.

La partie du Traité des Etudes que M. Rollin a consacrée à la poésie des Hébreux, se fait remarquer par une discussion plus littéraire et un ton plus analogue au sujet. Mais ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que tous ceux qui écrivent sur cette matière, se croyent obligés, pour mieux faire sentir des beautés que personne ne conteste, et que d'ailleurs la foi ordonne de regarder comme des inspirations divines, se croyent, dis-je, obligés de rabaisser les plus beaux génies de l'antiquité, et de les sacrifier tous aux poëtes sacrés. Selon eux, les plus parfaits modèles de l'éloquence poétique n'ont rien qui approche du psalmiste et des prophètes. Homère, Horace et Virgile sont tout de glace, tandis que Moïse et David sont tout de feu. Je laisse à juger ce qu'ils doivent penser de la poésie moderne. « Il ne faut pas s'étonner, » dit l'abbé Fleury, si nous sommes si éloignés du goût » de l'antiquité sur le sujet de la poésie; c'est qu'en » effet, pour ne pas nous flatter, toute notre poésie mo»derne est fort misérable en comparaison. »

Si les écrivains dont je viens de parler, sont tombés dans un excès d'admiration pour les poëtes hébreux, Voltaire est tombé dans un excès contraire.

Peut-être pensa-t-il qu'un peuple pauvre, peu avancé dans la civilisation, comme le peuple hébreu, ayant peu d'idées métaphysiques et point de termes dans sa langue pour les rendre, devait s'exprimer par images, et que ce dont nous lui faisons un mérite, n'était que l'impuissance de faire autrement. Peut-être crut-il que ces ellipses dont nous admirons la hardiesse, au lieu d'être des artifices de style, n'étaient que les tours famniliers d'une langue aujourd'hui très-peu connue, de purs hébraïsmes. Toujours est-il certain que Voltaire ne fut pas assez sensible aux beautés simples et sublimes de I'Ecriture. Il n'en parle qu'avec une légéreté dénigrante, peu faite pour rappeler les bons esprits à une opinion modérée sur cette matière. Que ce fût l'effet d'une fureur aveugle contre la religion, comme le dit Laharpe dans le discours préliminaire de son Psautier Français; c'est ce dont on peut raisonnablement douter. On sait qu'un contemporain de Voltaire, connu par une bien plus grande exaltation d'idées anti-religieuses, plaçait dans sa bibliothèque la Bible à côté d'Homère. L'admiration pour la Bible peut donc se concilier avec des opinions très-opposées à l'esprit de ce livre. Mais Laharpe a mieux aimé charger la mémoire de Voltaire d'un tort grave, que de mettre seulement en doute l'excellence de son jugement et de son goût. Cela tenait à ses nouvelles opinions et à la ferveur quelquefois indiscrète d'un nouveau converti.

Ce discours préliminaire de Laharpe, est un des ouvrages qui ont le plus contribué à faire connaître en France le Traité de la Poésie sacrée du docteur Lowth. « De nos jours, dit-il, un Anglais plein de goût et de >> connaissances, a consacré à la poésie des Hébreux un » ouvrage qui a été beaucoup lu, quoique fort savant, » et qu'on regarde comme un des meilleurs livres que » l'Angleterre ait produits. » Puis il ajoute dans une note: «< cet ouvrage est formé des leçons latines que le >> docteur Lowth lisait au collège d'Oxford, comme de » nos jours quelques gens de lettres en lisaient de fran

çaises au Lycée. » Quand on connaît l'ouvrage, on n'est pas frappé de cette ressemblance entre les leçons

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