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une chose universellement reconnue que notre costume, très-bien approprié sans doute à notre climat et à nos usages, offre peu de ressources à la peinture et encore moins à la sculpture; il est pauvre, mesquin et compassé : quel que soit le mouvement du corps, il conserve toujours à-peu-près les mêmes formes ; l'artiste ne peut lui donner aucun développement, ni varier les plis à son gré comme dans les costumes antiques; il est obligé même d'employer avec beaucoup de ménagement le manteau, dont il pourrait cependant tirer un parti avantageux, pour ne pas paraître viser au style et s'éloigner de la vérité. On doit donc l'excuser quand il n'a pas complétement réussi; et quand le succès a couronné ses efforts, on ne saurait lui prodiguer trop d'éloges.

M. RUTXHIEL.

Zéphire qui enlève Psyché.

Ce groupe exécuté en marbre ne porte pas de numéro, et n'est point inscrit dans le catalogue. Il contient suivant. moi des défauts assez graves, et cependant il annonce d'heureuses dispositions. L'audace avec laquelle la figure de Zéphire est lancée en avant, la manière dont elle est groupée avec celle de Psyché, une certaine grâce répandue sur l'ensemble de cette dernière figure, sont les causes de l'effet agréable que cet ouvrage produit au premier aspect. Je ne reprendrai qu'une seule chose dans la disposition générale, c'est la pose de la jambe gauche de Zéphire ; quand on est en face, elle se trouve cachée par la cuisse et semble manquer entièrement. En analysant cette figure, j'observe que la tête est petite, sur-tout depuis les sourcils jusqu'au sommet; les traits en sont maigres et sans caractère; le bras droit entre dans le sein de Psyché au lieu de le faire fléchir; le mouvement du bras gauche exigerait qu'il fût plus prononcé à l'endroit où il se joint à l'épaule. Dans la jambe droite, les muscles qui forment ce qu'on appelle vulgairement le gras de la jambe prennent leur origine un peu trop haut je n'ignore pas que cela est motivé par la pose; mais il fallait faire ensorte de conserver la beauté de la forme. Enfin le pied depuis la cheville jusqu'aux doigts laisse beaucoup à désirer du côté de la finesse du contour et des détails intérieurs.

La figure de Psyché n'est pas non plus à l'abri de la critique la hanche et la cuisse droites décrivent une courbe trop exagérée; vu de profil, le torse au-dessus du nombril

n'a pas assez d'épaisseur; le genou est lourd; les doigts des pieds manquent d'élégance, et les ongles sont mal placés. Je crois m'apercevoir que l'auteur n'a pas étudié avec assez de soin les belles statues antiques : il a besoin de les consulter souvent pour apprendre l'art de réunir à la pureté du trait cette souplesse qui peut seule animer le marbre et lui donner l'aspect de la nature.

Quels que soient le nombre et l'importance de ces observations, je me plais à reconnaître le mérite qui existe dans cet ouvrage, et je pense qu'il doit faire augurer favorablement de ceux que M. Rutxhiel exécutera par la suite.

M. ROLAND.

N° 1140. Tronchet (François-Denis), statue en marbre. M. DE SENNE.

N° 1052. Statue en marbre de feu S. Ex. le ministre des Cultes Portalis.

Ces deux statues ont assez de rapport entr'elles, , pour les comprendre dans un même examen. D'abord elles sont exécutées par des hommes qui possèdent la pratique de l'art; la dimension des figures, leur attitude, leur expression sont à-peu-près semblables; on ne remarque dans aucune des deux ce grand style dont la sculpture ne peut se passer même dans un portrait; les auteurs n'ont su ni l'un ni l'autre ennoblir ce que le costume avait de trop commun; tous les deux ont chargé les cuisses de leurs figures d'une quantité de plis maigrement modelés, et donné aux jambes un caractère pauvre et peu coulant ; tous les deux ont représenté la chaussure avec cette exactitude minutieuse qui n'est pas de rigueur dans les arts, quand on ne peut l'obtenir qu'aux dépens de l'élégance. Examinons maintenant ce qui est particulier à chacune de ces statues. Dans celle de M. De Senne, le bras, placé devant la poitrine et élevé presque à la hauteur de la tête, en cache une partie sous certain point de vue, ce qui est contraire aux règles; le manteau n'est pas ajusté sur le bras gauche d'une manière assez large, et la jambe en avant est beaucoup plus faible que l'autre. Dans la statue de M. Roland, les plis de la manche gauche n'ont point un mouvement naturel vers le haut du bras; ceux qui dessinent la poitrine sont de mauvais goût; on ne sent pas bien le corps à tra

vers l'habit; et ces basques brodées, dont les cuisses sont en partie couvertes, présentent deux grandes surfaces plates et sans détails, qui déplaisent à la vue. Du reste, ces figures représentent assez fidèlement une nature ordinaire; mais on doit exiger quelque chose de plus dans un monument élevé en l'honneur d'un grand personnage, après

sa mort.

M. MOUTONY.

N° 1130. Statue du général Lacour.

M. BRIDAN.

N° 1019. Statue du général Vallongne.

Voilà encore deux ouvrages que l'on peut mettre en parallèle sous le rapport de la faiblesse du style. Néanmoins je mets le second fort au-dessus du premier. La tête du général Vallongne est d'un caractère mesquin, et l'ensemble en est défectueux; les genoux sont détaillés avec sécheresse, et l'on ne sent pas qu'il sont recouverts d'un vêtement. Ces défauts existent aussi dans la statue du général Lacour, mais plus forts et plus choquans; et par malheur ce ne sont pas les seuls. Il est impossible de ne pas s'apercevoir de la forme bizarre du bas-ventre, de la roideur des jambes, et de la différence de caractère des deux mains: la droite est assez en rapport avec la forme jeune et peu détaillée de la tête; la gauche, au contraire, semble appartenir à un individu plus âgé, et les articulations, les veines et les muscles sont exprimés plus fortement; il faut convenir que c'est pousser un peu trop loin le goût pour la variété.

Je désire m'être trompé dans ces observations; si elles sont justes, MM. Bridan et Moutony peuvent encore rectifier leurs ouvrages, et les rendre plus dignes de la place qui leur est destinée.

M. CHINARD.

N° 1033. Le général Cervoni.

L'ensemble de cette statue, qui doit être exécutée dans une proportion double pour la décoration du pont de la Concorde, est beaucoup plus satisfaisant que celui des deux précédentes; mais il serait difficile d'analyser les détails, car l'auteur paraît ne pas s'en être occupé lui-même : on ne voit partout qu'une masse exprimée avec une extrême négligence, et qui par conséquent ne peut avoir ni les qua

lités ni les défauts que l'on pourrait trouver dans un ouvrage étudié.

M. TAUNAY.

N° 1144. Statue en pied du général La Salle.

que

J'ai dit au commencement de cet article combien il est difficile de tirer parti de notre costume en sculpture; M. Taunay nous prouve que cette difficulté n'est pas insurmontable: le manteau, la veste de hussard, le pantalon, les bottes même, sont arrangés avec un art infini; tout cela paraît élégant et de bon goût, et cependant l'on dirait qu'il n'a fait que copier la nature telle qu'elle se présentait à lui. Ce mérite n'est le seul pas l'on on remarque dans cette statue la figure est posée avec noblesse et sans affectation; elle a une tournure martiale parfaitement conforme au caractère et à l'expression de la tête; la forme est en général svelte et élégante; et si l'auteur n'a pas étudié les mains et les cuisses avec tout le soin dont il était capable, il est probable qu'il a craint de se refroidir sur son modèle, et qu'il a l'intention d'ajouter les dernières finesses à son ouvrage quand il l'exécutera en marbre. Pour ne rien omettre, je lui ferai remarquer que la jambe droite, vue de profil, paraît légèrement arquée, ce qui vient sans doute de la manière dont la botte est ajustée. Je croirais trop peu louer cette figure en disant qu'elle est de beaucoup supérieure à celles dont je viens de parler tout-à-l'heure, et je ne crains point d'ajouter que je n'en ai pas encore vu une seule du même genre qui méritât de lui être comparée.

N° 1145. Buste en marbre de M. Ducis.

Il était impossible de trouver une tête plus belle et de la représenter avec plus de talent. Le marbre s'est animé sous le ciseau de l'artiste : il vit, il respire, il va se mouvoir, il va parler. Ces yeux et celte bouche sont remplis de feu ; on remarque dans tous ces traits un heureux mélange de force et de douceur, et l'on reconnaît à-la-fois et l'honnête homme, et le poëte; ces rides que l'âge a tracées sur son front et sur toute sa figure sont exprimées avec tant d'art, que, loin de déplaire à la vue, elles ajoutent encore à l'intérêt que cette tête inspire. On doit louer M. Taunay d'avoir rejeté l'usage, adopté par un grand nombre de sculpteurs modernes, de creuser la prunelle dans les yeux de leurs portraits; il a fait voir qu'on pouvait très-bien rendre l'expression de la physionomie sans avoir recours à un moyen réprouvé par le

goût, et qui n'a jamais été employé dans les beaux tems de la sculpture antique.

Ce buste ajoute encore à l'opinion que la statue du général La Salle nous donne du mérite de cet artiste, et doit faire vivement regretter qu'il ait passé une partie de sa jeunesse sans rien produire.

M. Lemot a exposé aussi une jolie figure de femme couchée et une Hebé versant le nectar à Jupiter. Mais ces statues sont d'une petite proportion, et la dernière est exécutée, dit-on, depuis plus de quinze ans ; il serait injuste de juger d'après ces deux ouvrages le sculpteur auquel nous devons le beau bas-relief qui décore le grand fronton de la colonnade du Louvre. S. DELPECH.

Erratum. Au N° dernier, dans cette phrase de l'examen du portrait de S. M. le roi de Rome je trouve d'abord que l'œil droit n'est pas parfaitement d'ensemble avec l'œil gauche, sa direction semblerait indiquer que la tête est dans une situation moins verticale, lisez : plus verticale.

VARIÉTÉS.

REVUE LITTÉRAIRE ET CRITIQUE,

OU OBSERVATIONS SUR LES LETTRES, LES ARTS; LES MŒURS ET LES USAGES.

Troisième lettre de l'Observateur provincial à Messieurs les Rédacteurs du Mercure.

B. ..... ce....

MESSIEURS, il y a ici un homme dont les femmes ne peuvent se passer, qu'elles comblent de prévenances, pour qui elles sont visibles à toutes les heures du jour, et souvent même de la nuit; un homme qu'elles attendent avec Ja plus vive impatience, qu'elles maudissent au moindre retard, et caressent aussitôt qu'il paraît; un homme enfin qu'elles s'arrachent : c'est le mot. Quel est donc ce mortel heureux? Est-ce un amant? Est-ce un petit-maître? Non :

c'est un coiffeur.

Mais gardez-vous de le mettre au rang de ces hommes obscurs voués pour jamais à des têtes vulgaires. Sa supé

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