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Descendent à tracer de champêtres tableaux,
Tout annonce et trahit son génie héroïque ;
L'Epitre s'étonna de devenir épique ;
Homère couronna le chantre du Lutrin,
Achille revivait dans le vainqueur du Rhin.
Qui n'a relu cent fois cette page divine
Où. vengeur de Molière, et soutien de Racine,
Sublime de raison, et fort de vérité,
Boileau traça l'arrêt de la postérité?
Quelle verve de sens! la probité l'enflamme.
Son vers pur réfléchit la beauté de son ame.
Protée étincelant, génie irrégulier,

Sous mille aspects habile à te multiplier,
Toi dont le talent, souple en sa vaste étendue,
A de l'esprit humain saisi chaque avenue,
O Voltaire, sans cesse il faut donc te citer!
En vain Zoile en gronde, il ne peut t'imiter.
Tu répands avec luxe, en rimes hasardées,
Les bons mots, l'ironie, et les grandes idées ;
De tes vers séducteurs le pouvoir gracieux
T'assujétit les rois, et sut venger les cieux;
La cour fut ton olympe, et, quand mûri par l'âge,
Entre un lac et des monts tu bâtis un village,
Du rien, qu'on nomme tout, alors désabusé,
Tu ris en observant, Démocrite rusé.

On dit que dans ces vers où la raison éclate,
Tes fougues ont jeté l'injure disparate,
Que du sujet parfois l'intérêt suspendu
S'évanouit, blessé d'un trait inattendu,
Que ta verve sceptique, et sublime et profane
A Platon trop souvent allie Aristophane;
Mais qui sut mieux que toi, dans ce style inégal,
Etre docte, enjoué, piquant, original?

Les Anciens, comme toi coupables de cynisme,
Ne surpassèrent point ton brillant atticisme :
Un
peu d'ombre se mêle à l'éclat le plus beau.
Malgré tes vers jaloux, rapproché de Boileau
Viens avec lui t'asseoir aux pieds du sage Horace,
Et pour le célébrer inspire-moi ta grâce.

Emule de Socratè, égayant la leçon,
Par de malins détours il mène à la raison.

Sa muse qui se joue en prose mesurée,
Sur des pieds indécis courant mal assurée,
Charme par un air simple, et c'est un art de plus.
Il suit de nos erreurs le flux et le reflux,
Et, pilote éclairé par son propre naufrage,
Il reconnait l'écueil et de loin voit l'orage ;.
Il le fuit, ou le brave; il cède aux tems, au lieu,

Et place la vertu dans un juste milieu.

Le goût et le bon sens composèrent son livre;
Horace enseigne l'art et d'écrire et de vivre (5).

TROISIÈME FRAGMENT.

Du Discours moral (à l'occasion des discours de Pope et de Voltaire): caractère et devoirs de la saine philosophie : du dogmatisme; du scepticisme; nécessité de recourir à l'expérience; bornes des connaissances humaines; contradictions de l'école. Que les vérités premières sont démontrées par le sens commun; que de toutes les opinions il faut choisir l'opinion la plus favorable au bonheur, la plus convenable à la dignité de l'homme.

Noble fille du Dieu qu'ar.nonce l'univers,
O sublime raison, juste effroi des pervers,
A l'homme en sa faiblesse apprends à se connaître;
Du doute à la sagesse élève enfin son être,;.
Sur la Vertu, docile aux règles du devoir,
Etablis son bonheur et sur-tout son pouvoir!
Oh! combien tu frémis à l'aspect des ruines
Qu'entassaient follement les fureurs intestines!
Loin de les ébranler, tu soutiens les Etats.
Prends pitié du méchant qui ne te connait pas !
Venge-toi de l'aveugle en ouvrant sa paupière
Aux célestes clartés de ta pure lumière !

De la sage raison vain et subtil rival,
Le système, qui tourne en un cercle idéal,
S'égare avec méthode, et cet amant du songe
Dans une vaste erreur et s'admire et se plonge.

(5) On a conservé dans ces trois fragmens dix vers de la première édition

Hélas! s'il a trompé ces sublimes esprits,

Descartes, Mallebranche, et toi-même, ô Leibnitz,
Craignons le vide orgueil du pompeux dogmatisme.
En fuyant évitons l'écueil du scepticisme,

Et que l'expérience, un flambeau dans les mains,
De ce grand labyrinthe enseigne les chemins.

Qu'est-ce que le savoir? un lumineux fantôme.
A peine je saisis, ambitieux atôme,

Quelques anneaux épars du tout mystérieux ;
Le sommet de la chaîne est caché dans les cieux.

Comment de l'infini dévoiler le problême ?
Tout en nous est borné, les sens et l'esprit même.

En vain je vous consulte, ô Sages trop vantés :
Vos lumières ne sont que d'obscures clartés;
Je lis dans vos discours, malgré leur assurance,
L'orgueilleux désespoir d'une docte ignorance.
Sur les premières lais vous n'êtes pas d'accord,
Et chacun à son tour prouve que l'autre à tort.

Il est des vérités d'un ordre nécessaire,

Et dont le sentiment est le miroir sincère,
Flamme que Dieu lui-même allume au sein de nous,
Lumière irrésistible et qui brille pour tous ;
Tel est le sens moral, œil de l'intelligence;
C'est lui qui donne un but, un prix à l'existence :
Par l'effroi du néant il réfute Straton,

Et d'immortalité s'enivre avec Platon;
L'ame au fond d'elle-même, à cette voix divine,
Trouva le souvenir de sa haute origine,
Et, pleine des clartés du céleste flambeau,
Connut l'accord sublime et du bon et du beau.

Magnanimes pensers! doctrine généreuse!
Par vous la vie humaine est déjà plus heureuse.
Un consolant espoir sourit à ma douleur,

Et je me réfugie en un monde meilleur.

Loin de nous l'insensé qu'un faux savoir dégrade.
Un frivole Aristippe, un subtil Carnéade!
A l'homme révélons toute sa dignité.
Telle, dans la Vertu plaçant la volupté,

Des dieux se rapprocha cette secte immortelle
Qui nomme avec orgueil Caton et Marc-Aurèle.

Mettez dans vos écrits la prudence du goût.
Le bel esprit n'est rien et le bon sens est tout.

Par M. CHAUSSARD, Prof. Acad. dans l'Univ. imp.

TRADUCTION DE MARTIAL.

ÉPIGR. XX, LIV. VIII.

Tu fais des vers et défens
Que jamais on les publie :
Paul, j'admire en même tems
Ta sagesse et ta folie.

ÉPIGR. XVI, LIV. I.

Le passé nous a fui: l'avenir, on l'ignore :
L'un n'est déjà plus rien, l'autre n'est pas encore;
Ne leur confions pas un bonheur incertain.
Jouissons du présent, la raison le conseille,
Et vivons aujourd'hui, sans regretter la veille,
Sans attendre le lendemain.

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Je suis de haute ou de petite forme,
Et l'on me voit toujours en uniforme :
Je ne sais si de toi je serai reconnu,

Lecteur; mais j'ai déjà tant comparu,
Et sous tes yeux je parais tant encore,
Qu'en vérité si ton esprit m'ignore

Je n'y puis mais ;. . . . tantôt chez l'un,
Tantôt chez l'autre, et tantôt chez chacun.
Si ma figure n'est pas vue,

C'est

que les regardans, sans doute, ont la berlue;
Car plus que moi rien n'est commun.

S........

LOGOGRIPHE

LECTEUR, des rois français je désignais la sœur
Et maintenant je sais d'un très-grand Empereur
Qualifier l'illustre mère ;

Mes tête et queue à bas je deviens ton grand père.

V. B. (d'Agen.)

CHARADE.

D'ÊTRE Grec mon premier se pique;
Par son pouvoir presque magique,
Tout ce qu'il touche il l'agrandit.
Mon dernier fut sans contredit
Très-bon soldat: en hydraulique,
Géométrie et mécanique,

Du Japon jusqu'au Sénégal

Mon entier n'eut jamais d'égal.

V. B. (d'Agen.)

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme est Mars.

Celui du Logogriphe est Tartare, dans lequel on trouve : Tarars. Celui de la Charade est Corsaire.

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