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fone; et les auteurs profitent souvent de l'indulgence du public pour faire passer des ouvrages dont on ne supporterait pas la représentation à d'autres époques. Cette réflexion ne s'applique pas entièrement au Séjour Militaire : dans tous les tems de l'année cette pièce aurait pu réussir, parce qu'il n'est pas de tems où l'on n'aime à rire. Je ne conçois rien à l'excessive sévérité de ceux qui ont gravement disséqué cette bluette. On eût dit qu'il s'agissait du Misanthrope. La sévérité doit toujours être proportionnée aux prétentions de l'auteur ou au rang que l'ouvrage occupe dans la littérature. On n'avait à juger ici qu'un petit opéracomique, et l'on a affecté d'oublier que l'auteur l'avait même annoncé sous le titre modeste de Folie.

Les officiers d'un régiment de dragons font séjour à Sa verne; ils regrettent de ne pas être à Strasbourg, où le carnaval leur offrirait les moyens de faire mainte folie; tous ne sont pourtant pas à plaindre, car l'un d'eux, le cas pitaine Doricourt, possède sa jeune épouse qui, sous les habits d'un jockey, est venue passer quelques jours auprès de lui. L'hôtesse informe ces Messieurs qu'une entrevue importante doit avoir lien dans son auberge. M. Desécarts, secrétaire-perpétuel de l'Athénée de Landau, doit y rencontrer Me Benoît de Strasbourg, qui viendra escortée de toute sa famille au-devant da bel-esprit qu'elle doit épouser. Les officiers, apprenant que Desécarts ne connaît pas sa future, projettent de représenter la famille toute entière P'un d'eux jouera le rôle du père sensible, l'autre celui de la mère tendre et nerveuse; le capitaine Doricourt passera pour l'oncle, professeur au Lycée de Strasbourg; il a de plus que ses camarades uue vengeance à exercer contre Desécarts, qui s'est permis de chansonner M Doricourt qui habite une terre aux environs de Landau. Nos fous partent pour se déguiser: mais le complot a été entendu par le nouveau colonel du régiment qui, voulant connaître les officiers qu'il doit commander, forme le projet non moins extravagant de prendre un rôle dans cette mascarade. A peine nos acteurs sont-ils revêtus de leurs habits de caractère, qu'on annonce M. Desécarts. La jeune personne, pour se moquer de lui, et l'effrayer sur l'hymen projetté, montre de grandes dispositions à la coquetterie, et finit par déclarer qu'elle ne peut se passer de la société de son petit cousin Charles; mais rien n'émeut M. Desécarts, un secrétaire d'Athénée doit avoir de la philosophie, Alors le professeur demande un entretien particulier aves

le futur; à peine sont-ils seuls que celui-ci, au moyen d'une fausse confidence, intrigue Doricourt lui-même au sujet de sa femme, et le mystificateur devient mystifié. Paraît ensuite le petit cousin Charles, enfant de cinq pieds six pouces, qui vient déclarer à M. Desécarts qu'il adore sa cousine, et qu'avant de l'épouser, il faut se couper la gorge avec lui; cette clause devrait tempérer l'ardeur du provincial, mais par malheur il est né taquin; il faut donc se battre; les rivaux se mettent en garde, mais tout en faisant semblant d'avoir peur, le prétendu secrétaire de l'Athénée désarme l'officier de dragons. Au bruit du combat, les camarades, l'hôtesse sout accourus. Dans ce moment un domestique annonce que la voiture de M. le baron de Saint-Eugène est prête, et nos étourdis reconnaissent leur nouveau colonel.

Ce petit acte est gai; le dialogue est semé de mots heu reux, et dont plusieurs seraient bien placés dans une comédie; la scène du capitaine Doricourt a particulièrement amusé; on aime à voir le trompeur trompé. Celle où le cousin Charles est désarmé est aussi très-comique, et d'au-, tant mieux en situation que le colonel est vainqueur, et que l'officier de dragons n'est vaincu que par son supérieur. La pièce est de M. Bouilly, l'un de nos auteurs les plus féconds; il est connu pour entendre parfaitement la scène, et l'on retrouve ce talent jusque dans cette folie de carnavalı

La musique est le coup d'essai de M. Aubert, et ce coup d'essai est d'un heureux augure; on y trouve souvent du chant, jamais de bruit.

Le Cimetière du Parnasse, et Cadet Roussel Esturgeon. Le premier de ces deux ouvrages est, à ce qu'on m'a assuré, la parodie de Tippoo-Saeb, dans laquelle les au teurs ont distribué de petites méchancetés à vingt ou trente confrères, dont les ouvrages ont été représentés sur différens théâtres depuis plus d'un an. Pour s'armer ainsi contré tant de gens qui tous ont fait preuve de talent, pour se constituer les régens du Parnasse, il faut avoir un nom, it faut avoir consacré sa mission par des succès; mais il n'en est pas de même ici. Tous nos lecteurs connaîtraient les auteurs que l'on a voulu maltraiter dans la parodie, si nous voulions les nommer; mais si je dis que cette prétendue parodie ou plutôt cette satire en action, est de MM. Theaulon et Dartois, on me demandera quels sont ces deux Messieurs. En vain j'ajouterai qu'ils ont, à eux deux, prog

duit deux ou trois vaudevilles; on me répondra qu'il faut des titres plus sérieux pour s'ériger en grands pénitenciers de la littérature. C'était bon autrefois, mais nous avons changé tout cela.

Cadet Roussel Esturgeon, représenté sur le théâtre des Variétés, est une véritable parade de carnaval, mais une parade pleine de gaîté, de folie. Il est plus difficile qu'on ne pense de faire rire. Il faut voir Brunet en esturgeon, et Pottier en bailli; ces deux acteurs rivalisent de talent et de zèle; c'est à qui des deux sera le plus comique, et le public profite de cette heureuse rivalité qui double ses plaisirs. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts da département de la Marne, à Châlons.

Voici les sujets de prix et d'encouragement que pour les années 1813 et 1814.

la Société propase

La Société avait proposé, deux ans de suite, pour sujet de prix cette question:

«Quels seraient les meilleurs systèmes d'irrigation à introduire dans le département de la Marne, suivant la nature et la situation des différens sols? >>

Deux Mémoires lui ont été adressés, l'un l'année dernière, l'autre cette année. Ils portent l'un et l'autre pour épigraphe : De l'eau et dés engrais peuvent améliorer le sol des plaines du département de la Marne. Mais comme ils n'éclaircissent pas suffisamment la question, la Société n'a pas cru devoir décerner le prix : seulement elle accorde une mention honorable à l'auteur de ces deux Mémoires, dont quelques observations pourraient amener des résultats avantageux. Elle retire ce sujet du concours.

La Société avait aussi proposé pour sujet de prix, la question suivante :

« Quels seraient les moyens d'accroître, dans le département de la Marne, la fabrication de ses chanvres, dont la majeure partie s'exporte brute? Quels genres de fabrication seraient les plus avantageux ?»

Aucun des Mémoires envoyés n'a rempli le vœu de la Société : il en est un néanmoins qui lui a paru mériter une attention particulière. Ce Mémoire a pour épigraphe : Fils, tissure, cordages. L'auteur

fire sur chacune de ces parties des observations intéressantes”: seulement on aurait désiré plus de développement et de méthode. › Convaincue qu'il serait très-avantageux au département de la Marne, renommé pour la quantité et la qualité de ses chanvres, d'y voir multiplier les fabriques en ce genre, et ne désespérant pas d'obtenir une solution complète, la Société juge à propos de renouveler la même question : elle double le prix qui sera une médaille d'or de quatre cents francs.

Elle invite les auteurs à développer leurs idées sur les divers moyens qui peuvent tendre au perfectionnement, soit des fils, soit de la tissure, soit de la corderie; sur ceux qui seraient propres à multiplier le nombre des fileuses et des fabricans isolés; à provoquer et à faciliter l'établissement de grandes fabriques, et à favoriser l'écoulement de leurs produits. Ils auront par conséquent à suivre, d'une manière distincte, le développement de chacune des branches d'industrie dont le chanvre est la matière première.

La Société décernera également, en 1813, deux prix d'encouragement, l'un au médecin ou chirurgien qui justifiera avoir vacciné le plus grand nombre d'individus dans le département, depuis le zez janvier 1812, jusqu'au 1er juillet 1813;

L'autre, à la personne qui sera parvenue, par les procédés les plus économiques, à épurer l'huile de navette du département de la Marne, et à la rendre propre au même éclairage que celle de Flandres, connue sous le nom d'huile de Colza, épurée à Quinquets.

Les concurrens feront connaître à la Société leurs procédés, et le prix comparatif de l'huile ordinaire et de leur huile épurée, dont ils lui feront passer, avant le 1er juillet prochain, un échantillon d'un litre ou environ.

Le prix sera adjugé, toutes choses égales, à celui qui aura opéré sur une plus grande quantité d'huile de navette; et cette quantité ne pourra être moindre de 500 kilogr.

La Société décernera en 1814 une médaille d'or de deux cents francs, à l'auteur qui aura le mieux traité cette question :

« Déterminer approximativement l'importance du débouché qu'ɔffraient à la vente des laines en France, il y a un demi-siècle, la 'fabrication et l'usage des tentures et tapisseries d'étoffes dans toutes les classes de la société. Exposer et déterminer pareillement la diminution progressive qu'a éprouvée ce débouché par suite de la faveur et de l'usage presque général des papiers peints employés comme tentures des appartemens. Comparer analytiquement, et sous tous les points de vue, ces deux branches d'industrie; et, si la première

est reconnue digne d'un très-grand intérêt sous les rapports essentiels de l'agriculture, du commerce, de l'économie publique et privée, et même des arts du dessin, présenter les moyens d'encouragement propres à la relever et à la faire prospérer dans la mesure de l'intérêt général le mieux entendu. ».

La Société décernera, pour la même année 1814, un prix d'encouragement à la personne qui aura le mieux fait connaître l'insecte, qui, vivant sur le Pin (pinus silvestris), en corrode et en fait périr les pousses de l'année, et aura indiqué les moyens de préserver des ravages de cet insecte un arbre qui se multiplie si utilement dans le département de la Marne.

Les Mémoires et les renseignemens devront être parvenus, franc's de port, au secrétaire de la Société, à Châlons-sur-Marne, avant le 1er juillet de l'année à laquelle ils appartiendront. Aux Mémoires sera joint un billet cacheté contenant, avec le nom et l'adresse de l'auteur, une épigraphe ou sentence qui sera mise aussi à la tête des ouvrages envoyés au Concours.

LA Société des sciences, belles-lettres et arts de Mâcon, avait mis au concours, pour l'année 1812, cette question :

« Les anciens avaient-ils des établissemens publics en faveur des » indigens, des enfans orphelins ou abandonnés, des malades et des » militaires blessés ? Et, s'ils n'en avaient pas, qu'est-ce qui en » tenait lieu ? »

Le Mémoire no 2 fut couronné; mais le billet cacheté annexé à ce Mémoire, ne portant que des lettres initiales, la Société n'avait su à qui l'attribuer. Seulement elle avait jugé qu'il était l'ouvrage de deux coopérateurs, par cette épigraphe :

Melius est duos esse quàm unum; habent enim emolumentum societatis suæ ; si unus ceciderit, ab altero fulcietur. Ecclesiast., cap. IV, S 9:

Elle vient enfin de percer le voile de l'anonyme et de découvrir que les auteurs sont M. le baron Percy. commandant de la Légion d'honneur, chirurgien-inspecteur-général des armées françaises, etc., et M. Willaume, membre de la Légion d'honneur, chevalier du Mérite civil de Wurtemberg, chirurgien en chef d'armée, etc.

L'un et l'autre, en acceptant la palme académique, ont prié la Société de consacrer la valeur numéraire du prix à un acte de bienfaisance dans la ville de Mâcon. On ne saurait faire un plus noble usage du fruit de l'étude et du talent : il est à présumer que les auteurs publieront leur Mémoire, qui ne peut être que très-curieux et très-intéressant, si on en juge par le savoir et l'érudition dont ils onÉ donné d'honorables preuves dans plus d'une occasion.

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