Page images
PDF
EPUB

» les mamelles, qui est une crise, salutaire déterminée » par la nature en faveur des mères qui nourrissent leurs >> enfans, est souvent un dépôt ou un abcès, laiteux » pour celles qui ne nourrissent pas. Ce n'est point ce» pendant que les femmes qui nourrissent soient entiè >>rement exemptes de ces sortes de dépôts, parce que, » comme les autres, elles sont exposées aux mêmes in» fluences physiques et morales; mais elles y sont infi>niment moins sujettes lorsqu'il ne leur survient pas >> d'accidens qui y donnent lieu.

» La fièvre de lait, renfermée dans ses justes bornes, » est un moyen d'élaboration, une véritable crise que » la nature emploie pour porter les sucs nutritifs aux » vaisseaux mammaires, qui se dilatent pour les recevoir; >> mais cette fièvre de lait prolongée et dégénérée sus»pend toutes les excrétions, la laiteuse comme les » autres, et cette suppression donne à son tour de l'in» tensité à la fièvre de lait, qui alors change de caractère » pour prendre celui de telle ou telle maladie; d'où it » résulte qu'une substance, qu'une liqueur naguères,

douce, bienfaisante et nutritive, devient tout-à-coup » une matière morbifique, un délétère qui, après avoir » porté le trouble dans toutes les fonctions, finit par » aller se déposer sur des organes plus ou moins essen»tiels à la vie. »

Les médecins applaudiront encore à la seconde proposition de M. Gastellier. Elle est d'ailleurs démontrée par l'expérience et l'observation. Peut-être cependant lui reprochera-t-on de ne point admettre que l'inflammation du péritoine est une maladie fort fréquente à la suite des couches, et souvent une cause qui enlève une femme chérie à son époux, une bonne mère à ses enfans. Il ne l'a pas vue, dit-il, mais combien d'autres médecins ont eu le malheur de voir succomber des femmes nouvellement accouchées, par suite de l'influence de cette funeste maladie !

Les déviations du lait sont-elles l'effet ou la cause des diverses maladies qui sévissent contre les femmes accouchées depuis peu?

Voilà une de ces questions épineuses et subtiles qui diviseront long-tems. les personnes qui s'occupent de l'art de guérir. Les humoristes, et M. Gastellier paraît se ranger sous leurs bannières, voient dans le lait une liqueur susceptible d'éprouver beaucoup d'altérations et de produire, par suite de son transport sur les organes, les affections les plus profondes comme les plus fâcheuses. Les solidistes, au contraire, répugnent à admettre ces altérations primitives des humeurs et ne voient dans ces maladies que des actions vitales dérangées, des spasmes, des, inflammations ou de l'atonie dont les liqueurs animales se ressentent plus ou moins. Dans le premier systême, le lait est quelquefois un ennemi perfide qu'on ne saurait trop redouter, un être qu'on doit poursuivre dans toutes les routes: de la circulation et dans les cellules les plus profondes de l'organisation humaine. Dans le second, on ne voit en lui qu'une liqueur douce, incapable de nuire et qui suit constamment les irritations et les mouvemens des solides. Quel que soit le parti que l'on embrasse dans cette lutte médicale, les conséquences n'en sont point fâcheuses pour les malades. Ces opinions ne changent heureusement rien au traitement, et il est vrai de dire pour l'honneur des médecins et le repos des familles, que les solidistes comme les humoristes s'accordent presqu'en tout sur les règles du traitement. Nous ne saurions trop faire l'éloge de M. Gastellier pour les observations savantes qu'il a consignées dans son livre. Toutes annoncent un homme profondément versé dans l'art médical; lorsqu'il décrit une maladie, ce n'est qu'après l'avoir bien vue et analysée. Craint-il de laisser des doutes sur une question? il a recours à l'autorité des plus grands médecins, et ce n'est pas sans quelque étonnement que l'on envisage son érudition et l'exactitude de ses recherches. Il signale aussi avec beaucoup de sagacié les erreurs funestes que commettent encore les personnes chargées du soin des femmes en couche. Qui n'a pas vu, nous dit-il, ces dernières enterrées presque toutes vivantes dans un lit hermétiquement fermé par ses rideaux, dans l'intention de provoquer une sueur abondante? Les portes,

les croisées, tout est exactement clos, et la malheureuse victime de l'ignorance et des préjugés, ne reçoit de lumière que le peu qui lui est fourni par une espèce de lampe sépulcrale placée dans la cheminée. Qui ne sait encore qu'on ne croit point devoir lui donner de linge blanc, comme si celui-ci portait avec lui un principe de dérangement fàcheux et même de mort? Des chemises mille fois imprégnées par des flots de sueurs, voilà les nobles vêtemens que la sottise lui accordait sans qu'il fût possible à la raison d'interposer son autorité. Delà des éruptions miliaires, des maladies inflammatoires, putrides, malignes, résultats constans d'une méthode aussi blâmable.

Si nous passons au style de M. Gastellier, nous le voyons partout clair, précis et quelquefois même élégant. Son ouvrage n'offre point à la lecture cette sécheresse que l'on reproche quelquefois avec raison aux livres dessavans. L'occasion le lui permet-elle, tour-à-tour il cite Horace et Virgile, Juvénal et Sénèque, dont les meilleures maximes viennent servir comme de point d'appui à ses idées propres.

SALGUES, médecin.

I

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

Narcisse dans l'ÎLE DE VENUS, poëme en quatre chants; 1 par MALFILatre. Un vol. in-18. A Paris, chez I'Editeur, rue du Battoir, no 13; Arthus-Bertrand, libraire, rue Hautefeuille, n° 23; Delaunay, libr.,. au Palais-Royal, galerie de bois, no 243; Poley, libraire, rue du Bac, no 46.

LA faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré;
S'il n'eût été qu'un sot, n'eût-il pas prospéré?

On peut regarder ces vers comme un hommage rendu au malheur et au génie mais cette fleur cueillie au champ de la satire honorerait peu la tombe de Malfilâtre, sans le nom de Gilbert qui lui donne quelque lustre. Gilbert, dans sa colère poétique, plaidait sa cause autant que celle de Malfilâtre. L'auteur du poëme de Narcisse et celui de la Satire du dix-huitième siècle, eurent un double rapport, l'infortune et le talent. Leur genre de mort, sans être le même, fut aussi déplorable; leurs succès se fortifient et s'accroissent tous les jours. Gilbert, peu versé dans les langues mortes, se modela sur les illustres écrivains contemporains du siècle de Louis XIV; c'est dans les excellens ouvrages de l'auteur du Lutrin et de l'Art Poétique, et dans les belles Odes de J.-B. Rousseau, qu'il puisa son talent. Malfilâtre, idolâtre des anciens, s'était tellement naturalisé dans la terre classique, que sans la langue que parlait sa muse, on l'eût pris pour un poëte grec ou romain. On pourrait le comparer au statuaire enthousiaste qui détourne l'œil du modèle vivant, offert à ses yeux, pour interroger le marbre antique à qui l'art imprima l'immortalité.

Mais, dira-t-on, quel intérêt présente un sujet tel que celui d'Echo et Narcisse? quel attrait pouvait-il offrir à Malfilâtre?

¿Vénus forme une île peuplée d'adolescens des deux

La

sexes. Elle veut qu'avant qu'ils parviemment au temple de l'Amour, ils passent par celui de l'Amitié. déesse leur donne pour guide le dévin Tirésias, infortuné que Junon frappa de cécité en punition de son imprudence. Vénus ordonne au vieillard de lui raconter T'histoire de ses malheurs, histoire passablement graveleuse, et qui devrait alarmer la pudeur de Vénus même. Il obéit: la curieuse Echo prête l'oreille au travers d'un buisson, et ne perd pas un mot du récit de son père. Junon, ainsi que sa chaste sœur Diane, connue pour ne point aimer les curieux, métamorphose Echo en rocher et Narcisse en cette fleur qui a hérité de son nom. Il n'est certes rien là qui puisse vivement intéresser. Malfilâtre s'est laissé séduire par le prestige des descriptions qui se présentaient en foule à son imagination amoureuse du merveilleux. Il aspirait sans doute à la gloire de lutter avec Ovide, et de faire usage des richesses qu'il avait conquises sur l'antiquité. D'ailleurs ce sujet le transportait dans le beau site de la Grèce ; i errait parmi les divinités mythologiques; il s'élançait, enfin, d'un monde créé, pour voyager dans un monde idéal. Eût-il été poëte, s'il eût résisté à des illusions qui font le charme de la poésie? Aussi planet-il constamment sur son sujet. I commande à sa pensée qui lui sourit sans cesse. Il dispose, il ordonne; il semble que les muses s'empressent de lui cueillir les fleurs les plus fraîches et les plus variées, écloses dans leur domaine. Rien n'arrête son vol: comme il sait s'élever et descendre! Que de souplesse et de légèreté, de grâce et de force! Il marche l'égal de Virgile dans la description énergique et animée: témoin celle des deux serpens qui viennent assiéger à Samos l'autel de Junon, à l'instant où le fer du sacrificateur est prêt à tomber sur le front du taureau immolé à la déesse, description inimitable et que je citerais toute entière, sans les citations multipliées qu'on en a faites. Il est aussi passionné que Properce, aussi gracieux que Catulle, aussi tendre que Tibulle. Plus correct en général que Lafontaine, il me rappelle quelquefois la malicieuse naïveté du bonhomme. Ne croirait-on pas, dans les vers

« PreviousContinue »