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Souvent encor d'honnêtes paysans

Viennent nous rendre un libre et franc hommage.
S'ils ne sont pas doués d'un beau langage,
Toujours leurs mains sont pleines de présens.
L'un nous apporte un excellent fromage,
L'autre un chevreau, la couple de poulets,
Ou le chapon, oisif célibataire,

Qui s'engraissa, réduit à ne rien faire ;
L'autre, du lait, du miel et des œufs frais;
Des bons fermiers les filles déjà grandes
Viennent aussi présenter leurs offrandes.

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Mais ces jardins, où voisin des faubourgs,
Et trop épris d'une gloire futile,
Vous transportez le faste de la ville;
Ce labyrinthe et ses nombreux détours,
Ces boulingrins, ces vastes avenues,
Ces belvéders élancés dans les nues;
Qu'y voyez-vous? des promenades nues,
De grands bosquets habités par la faim.
Le vin, le fruit, les légumes, le pain,
Tout, à grands frais, de fort loin s'y voiture:
Priape oisif n'y craint point le larcin.

Non, vos palais de riche architecture,
Vos beaux treillis, dégarnis de verdure,
N'ont rien d'égal à ma maison des champs :
Votre jardin élégant ét stérile,

A force d'art et de vains ornemens,

N'est qu'un hôtel éloigné de la ville.

DE KÉRIVALANT.

ODE A M. LEMAIRE, SUR LA MORT De son fils.

MUSE aux tendres accords, soutiens ma voix craintive,
D'un rival de Rollin déplore le malheur,

Et calme, aux sons touchans de la flûte plaintive,
L'amertume de sa douleur,

C'en est donc fait ! le ciel prive de la lumière
Cet enfant malheureux, comblé de tant d'amour!
Un sommeil éternel pèse sur sa paupière,
Que la mort ferme sans retour!

Hélas! ce nourrisson des poëtes antiques
Suivant, avec honneur, ces guides immortels,
Avait vu les lauriers de ses veilles classiques
Mêlés aux lauriers paternels.

Mais cet arbre si beau, jeune espoir de Pomone,
Elevé sous ses yeux, à l'abri des autans

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De la foudre frappé, tombe avant que l'automne
Féconde les fleurs du printems.

Père jadis heureux, de cet arrêt funeste
Subissez la rigueur, sans vous plaindre du sort :
Rien ne peut éviter, sous la voûte céleste,

La nécessité de la mort.

Ah! si comme autrefois un fils de Mnemosyne
A l'enfer étonné pouvait dicter des lois,

Les fils harmonieux de la lyre latine

Frémiraient encor sous vos doigts.

Prêts à pleurer d'un fils la jeunesse ravie,
Vous verriez s'attendrir Rhadamante et Minos,
Et Clotho, renouant la trame de sa vie,

Tromper le ciseau d'Atropos.

Mais ces douces erreurs et ces rians mensonges
Qui régnèrent long-tems, sous le char du soleil,
Aux yeux désenchantés ont lui comme les songes
Que je regrette à mon réveil.

Le Dieu de vérité, sous sa forme mortelle

De son nom aux humains a montré la grandeur,
Et l'ame de ce fils, que votre bouche appelle,
Se repose dans sa splendeur.

Loin de nous les regrets dont sa gloire s'outrage!
Dépouillons à l'envi nos vêtemens de deuil,

Et portons, en chantant, quelques fleurs de son âge,
Sur la pierre de son cercueil.

LALANNES.

LE VEU DU LOUP.

FABLE.

UN vieux loup, tel qu'on n'en voit guère,
Dévot presqu'autant que glouton,

Dans certain piége un jour se trouva pris, dit-on,
Comme il allait sans bruit marmottant sa prière.

Il fit un vœu : la chose est si facile à faire !
S'il échappe au danger, s'il revoit sa maison,
Il renonce à la chair, il vivra de poisson.
Dieu peut-être écouta le vœu du bon apôtre;
Il échappe... Voyons comment il le tiendra.
Notre saint voit un porc, à quelques pas de là,
Qui dans un amas d'eau tranquillement se vautre.
« C'est un poisson, dit-il, et poisson que Dieu fit. »
Il accourt, le happe et s'enfuit

En achevant sa patenôtre.

A lever un scrupule on dit

Qu'un dévot s'entend mieux qu'un autre.

M. LEFILLEul.

ÉNIGME.

Je suis une brune piquante,

De taille svelte, et d'humeur attachante ;

Je suis polie, et j'unis quelquefois,

Par les liens les plus étroits,
Des objets dont la différence

N'annonçait pas une telle alliance.

J'assemble , par exemple, et le noir et le blanc,
L'iris, le gris-de-lin, la rose, le safran ;

En quelque lieu qu'on me promène,

Ce n'est qu'avec la corde au cou que l'on me mène.
A peine j'ai, lecteur, rempli ma fonction,
Qu'on me renferme au fond de ma prison.

S.......

LOGOGRIPHE

LE cœur sera toujours le foyer de la vie,
Par lui tout se réchauffe et tout se vivifie;
En conservant le mien, sous les plus durs climats
Je puis, malgré l'hiver, adoucir les frimas;
Lecteur, pour lui, je te demande grâce :
Si je le perds, je suis de glace.

V. B. (d'Agen.)

CHARADE.

SANS mon premier, lecteur, le pauvre genre humain
Avec des tas de blé serait privé de pain.

Mon second au rebours est le nom d'un grand fleuve;
Dans l'ordre naturel, de fille, femme ou veuve,

Il occupe souvent et les doigts et la main ;

Il fut aussi le nom d'un pontife romain.

Par ses propos mielleux à la brune, à la blonde`,
Mon entier réussit à plaire dans le monde.

V. B. (d'Agen.)

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme est Sabot.

Celui du Logogriphe est Cloche, dans lequel on trouve : loche,

loch et coche.

Celui de la Charade est Cure-dent.

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

LES BERGÈRES DE MADIAN, ou la Jeunesse de Moïse, poëme en prose, en six chants; par Mme DE GENLIS.

Un vol. in-12. Prix, 3 fr. 5o c., ou un vol. in-18, prix, 2 fr. 50 c. —A Paris, à la librairie française et étrangère de Galignani, rue Vivienne, no 17.

VOICI, dieu merci, une grande question littéraire de décidée. Un ouvrage en prose peut-il être un poëme? Est-il permis d'écrire un poëme autrement qu'en vers? Voilà ce qu'on se demandait depuis long-tems. Les partisans de la prose citaient en vain un passage assez décisif d'Aristote, et deux phrases un peu équivoques de Denys d'Halicarnasse. Les amis des vers ne se rendaient point, l'exemple même du Télémaque ne les ébranlait pas ils refusaient à cet ouvrage une exception que Voltaire et Laharpe n'avaient pas voulu faire. M. de Châteaubriand, lui-même, s'était ouvertement déclaré pour les vers dans la préface d'Atala, lorsqu'il n'avait aucun intérêt personnel dans la querelle, et il avait laissé la question indécise dans la préface des Martyrs, lorsqu'il y était fortement intéressé. Mme de Genlis est plus hardie; sans rien examiner, sans rien prouver, elle intitule tout simplement ses Bergères de Madian, poëme en prose; et le doute se trouve résolu par le fait. Ce qui existe est possible, dit la philosophie scolastique; et qui peut en effet douter de la possibilité d'un poë me en prose, lorsque Mme de Genlis nous en présente un tou fait ?

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A parler sérieusement, pourquoi ne voudrions-nous pas tolérer les poemes en prose? Pourquoi ne pas les permettre aux auteurs qui ne savent pas écrire en vers? C'est rejeter un moyen de varier nos plaisirs, comme le disaient si bien les apologistes du drame. Vous nous direz que c'est rendre la carrière trop facile; vous nous

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