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sacré dans une foule de cas par les lois romaines, est aussi reconnu par notre code, non-seulement en ce qui touche au créancier nanti par antichrèse, mais encore dans beaucoup d'autres circonstances: prenons pour exemple, celui du fermier avec lequel il a été convenu qu'en cas de vente du fonds, son bail pourra être résolu. Nonobstant cette stipulation sur la résolution du fermage, il est dû au fermier expulsé une indemnité à régler à l'amiable ou par experts, indemnité pour le recouvrement de laquelle il peut n'avoir aucune hypothèque assise sur le fonds, puisqu'elle peut être due en vertu d'un bail sous seing privé, comme en vertu d'un acte authentique. Cependant la loi (1749) veut qu'en cas de vente ce fermier ne puisse être expulsé sans avoir été préalablement payé des dommages et intérêts qui lui sont dus. Voilà donc un droit de rétention établi là où il n'y a point de créance hypothécaire, droit de rétention qui opère un privilége aussi efficace que celui de l'hypothèque, quoiqu'il n'y ait pas d'hypothèque. Pourquoi en serait-il autrement dans le cas de l'antichrèse, où la loi déclare expressément et avec autant d'énergie que le créancier nanti ne peut être dépossédé par son débiteur, qu'autant que celui-ci lui offre l'entier remboursement de sa dette?

COMPARAISON

De l'Usufruit et de l'Emphyteose.

97. L'emphythéose, dit Domat, est un contrat par lequel le maître d'un héritage le donne à l'em

phytéote pour le cultiver et l'améliorer, et pour en jouir et disposer à perpétuité, moyennant une certaine rente en deniers, grains, ou autres espèces, et les autres charges dont on peut con

venir.

On voit par cette seule définition, combien l'emphyteose diffère de la constitution d'usufruit, puisque l'emphytéote, acquérant la propriété du fonds, jouit de sa propre chose, tandis que l'usufruitier n'est que jouissant de la chose d'autrui. Ainsi, en argumentant de l'un à l'autre, l'on peut dire que tous les droits tous les droits que les lois accordent à l'usufruitier sur l'usage de la close, doivent, à plus forte raison, appartenir à l'emphytéote; mais qu'il ne serait pas permis d'adopter l'hypothèse inverse, pour attribuer à l'usufruitier tous les droits de l'emphyteote.

Ce que nous venons de dire de l'emphyteose comparée à l'usufruit, doit être appliqué, par identité de raison, aux baux à locaterie perpétuelle, ou à culture perpétuelle, lesquels sont également translatifs de propriété entre les mains des preneurs (1).

L'emphytéose, qui tient un milieu entre la vente et le bail, peut être stipulée aussi, soit pour durer pendant la vie du preneur seulement, soit pour tout autre temps déterminé. Alors elle n'emporte pas aliénation du fonds; et, dans ce cas, elle n'est autre chose qu'un bail plus ou moins modifié, suivant qu'elle a été stipulée pour une

(1) Voy. l'art. 2 de la loi du 18 décembre 1790, et le décret du 2 prairial an 2; et dans le nouveau répert. „ tom. II, pag. 477, col. 2.

durée plus ou moins étendue; ou que la pension annuelle qui doit être payée au bailleur, se rapproche plus ou moins de l'équivalent des fruits qui seront perçus par le preneur ; ou enfin que celui-ci est plus ou moins chargé d'améliorer le fonds (1).

COMPARAISON

Des Droits d'usufruit et de location.

$8. L'usufruit peut être établi moyennant une somme annuelle, à payer par l'usufruitier durant sa jouissance, comme il peut être vendu pour un prix une fois payé; attendu que les choses qui sont dans le commerce peuvent être aliénées, cédées, et transmises par toutes sortes de conventions non prohibées par les lois, et qu'il n'existe aucune loi qui défende ce mode d'acquérir un droit d'usufruit: quelle sera alors la différence de ce droit d'usufruit et de celui de location ou de bail à ferme ?

Sans doute, en ce cas, il y aurait quelque ressemblance entre l'usufruit et le bail à ferme: on peut même dire que, dans cette espèce mixte, l'un participe des qualités de l'autre; néanmoins il faut bien se garder de les confondre comme s'ils étoient identiques, attendu que ce n'est pas par quelques similitudes accidentelles, mais par les attributs essentiels des choses qu'on doit les distinguer.

Sous le rapport de sa cause, l'usufruit peut

(1) Voy., sur la nature de ce contrat, ce que dit Dunod en son traité des prescript., pag. 339.

n'être établi que par la loi; tandis que la location ne peut être qu'un effet de la volonté de l'homme et quand il s'agit de l'usufruit constitué par l'homme lui-même, il peut l'établir tant par testament que par acte entre vifs tandis que le droit de location ne peut résulter que d'une convention.

Sous le rapport de sa cause encore, l'usufruit peut n'être et n'est réellement le plus souvent que l'effet d'une pure libéralité; le droit de location, au contraire, ne peut être que l'effet d'un contrat commutatif.

99. Quant à ses effets, la constitution d'usufruit emporte un droit réel assis sur l'immeuble; un droit de servitude personnelle acquis à l'usufruitier le bail, au contraire, ne confère au preneur d'autres droits que ceux qui résultent de sa convention et qui ne produisent que des actions purement personnelles entre lui et le maître du fonds.

L'usufruitier jouit d'un immeuble qui est le sien, puisque le démembrement de propriété qui lui est acquis, constitue un immeuble entre ses mains (526); tandis que le preneur à ferme n'est que le détenteur de l'immeuble qui lui est affermé: il ne jouit, en son nom propre, que des actions personnelles résultant de son bail, puisqu'il n'y a que ces actions qui lui soient acquises, sans aucune aliénation du domaine utile faite à son profit.

Ces caractères essentiellement distinctifs des droits d'usufruit et de location, considérés soit sous le rapport de leur cause, soit sous celui de

leurs effets, entraînent une foule d'autres différences qui n'en sont que des conséquences plus ou moins immédiates.

100. Le bailleur est obligé de rendre l'édifice en bon état de réparations de toutes espèces, avant d'en livrer la jouissance au preneur (1720), parce que telle est la condition sous-entendue dans leurs obligations réciproques : l'usufruitier est au contraire tenu de recevoir la maison dans l'état où elle se trouve (600), parce que tout son droit n'est que dans la chose.

Dans le louage, le bailleur est obligé nonseulement de mettre le preneur en possession, mais encore de lui garantir une paisible jouissance pendant la durée du bail (1719), parce que telle est la conséquence naturelle de leurs obligations personnelles et réciproques : dans la constitution d'usufruit, le propriétaire n'est tenu qu'à souffrir la jouissance de l'usufruitier, sans rien faire qui y mette obstacle, par la raison encore que les droits de celui-ci ne sont que dans la chose, et ne portent point sur la personne du propriétaire.

L'usufruitier majeur peut abdiquer son droit (622), pour se soustraire aux charges qui y sont inhérentes et n'en sont que la suite, attendu que tout homme maître de ses droits peut y renoncer; tandis que le preneur ne peut, sans le consentement du propriétaire, renoncer à son bail, pour se dégager de l'obligation de cultiver et de payer le prix du fermage, parce qu'il est de l'essence de toute convention légalement stipulée, que l'une des parties ne puisse la dissoudre sans l'aveu de l'autre.

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