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mée dans l'adjudication; emptorem verò pensionem ejus anni accepturum, ne fiscus colono teneretur, quòd ei frui non licuisset, atque si hoc ipsum in emendo convenisset (1). Pourquoi les auteurs du code, sans supposer aucun droit réel acquis au fermier sur le fonds, n'auraientils pas pu ordonner qu'une semblable condition serait toujours sous-entendue, en sa faveur, dans l'acte de vente des héritages affermés ?

Cependant, suivant la doctrine enseignée par les auteurs (2), d'après la disposition de la loi romaine, les baux à longues années, c'est-à-dire ceux qui sont faits pour un espace de temps au-dessus de neuf années, participent, en quelque chose, de l'aliénation du domaine utile, et donnent au preneur un droit réel sur le fonds; droit qui déjà, dans l'ancienne jurisprudence, mettait obstacle à l'expulsion du fermier, par l'acquéreur à titre singulier: quod, ait prætor, si actio de superficie postulabitur, causâ cognitá dabo: sic intelligendum est, ut si ad tempus quis superficiem conduxerit, negetur ei in rem actio. Et sanè causâ cognità ei qui non ad modicum tempus conduxit superficiem, in rem actio competet (3). Doit-on conclure de là que les baux à longues années comportent un véritable droit d'usufruit? Non; parce que, comme nous l'avons déjà dit, ce n'est pas par quelques

(1) L. 50, ff. de jure fisci, lib. 49, tit. 14.

(2) Voy. dans Depeisse et les autres auteurs par lui cités, sur le contrat de louage, tit. 2, sect. 5, n.o NONO, tom. 1, pag. 125.

(3) L. 1, §. 3, ff. de superficiebus, lib. 43, tit. 18.

similitudes

similitudes accidentelles qu'on doit juger des choses pour confondre, dans la même classe, celles qui sont d'ailleurs d'une nature toute différente.

En admettant que le preneur à longues années ait un droit réel acquis pour une garantie plus rigoureuse de l'exécution de son bail, il ne résulte pas de là, comme conséquence nécessaire, que ce droit soit un démembrement de propriété, comme l'usufruit; on doit plutôt dire que ce n'est toujours qu'un droit mobilier comme celui de l'hypothèque, attendu qu'il n'est que l'accessoire d'une obligation personnelle qui est elle-même mobilière.

103. On trouve néanmoins', dans le nouveau répertoire, au mot usufruit, §. 1, n.o 3, une longue et savante dissertation, dans laquelle le célèbre auteur de cet article s'est attaché à prouver avec toute la force du raisonnement et l'érudition qui le distinguent si éminemment, que les droits du bail à vie et de l'usufruit sont de même nature; mais nonobstant toute la déférence qu'on doit au sentiment de cet auteur, nous n'hésitons point à adopter l'opinion con

traire.

Cette question n'est pas sans importance dans la pratique des affaires, et mérite conséquemment d'être examinée avec attention.

En effet, si le bail à vie emporte constitution d'usufruit, il opère un vrai démembrement dans la propriété foncière; il a la nature d'un immeuble et se trouve passible de l'hypothèque, pour le temps de sa durée; tandis que, s'il n'a

TOM. I.

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que la nature du bail, il n'est qu'un droit mobilier non suceptible d'être hypothéqué par le preneur.

Si l'on doit confondre la constitution du bail à vie avec celle de l'usufruit, de manière à donner à l'un tous les attributs que la loi assigne à l'autre, le preneur par bail à vie sera, de plein droit, et sans aucune stipulation expresse, obligé à toutes les réparations de gros entretien; tandis que, s'il n'est considéré que comme locataire ou fermier, il ne sera tenu que des réparations locatives.

Si le preneur par bail à vie est usufruitier, il devra, de plein droit, payer tous les impôts fonciers et autres charges annuelles, sans qu'il soit besoin de lui imposer expressément cette obligation; tandis que, s'il n'est que locataire ou fermier, il ne doit que le prix de son bail, s'il n'a rien promis au-delà par sa convention.

Aux termes du code, le preneur à bail est responsable des accidens d'incendie, s'il ne prouve le cas fortuit: cette disposition est générale; elle doit donc être appliquée au preneur par bail à vie, comme à tout autre locataire ou fermier : identifiant la constitution du droit d'usufruit avec celle du bail à vie, doit-on conclure de là que la même responsabilité pèse aussi sur l'usufruitier ?

Nous pourrions pousser plus loin les indications de cette espèce; mais celles-là suffisent pour prouver que la question proposée mérite d'être soigneusement examinée, et doit trouver ici sa place.

La question à décider est celle-ci : Un bail à vie, consenti sans mélange d'aucunes stipulations expresses qui doivent le faire dégénérer en une autre espèce, établit-il, sur le fonds, un droit réel de même nature que celui d'usufruit, et doit-on appliquer aux droits et obligations du bailleur et du preneur, les règles tracées par code sur les intérêts respectifs du propriétaire et de l'usufruitier ?

le

Pour écarter d'abord tout ce qui doit être étranger à la solution de cette question, nous observerons en premier lieu, que, quoique le bail à vie finisse à la mort du preneur, comme l'usufruit finit au décès de l'usufruitier, ce seul rapport de similitude est loin d'être caractéristique d'une identité absolue de nature dans les droits de l'un et de l'autre; car le droit d'usage, le legs des revenus d'un fonds, celui d'une pension viagère, s'éteignent aussi par le décès de l'usager ou du légataire, et cependant ils sont d'une nature. toute différente de celle du droit d'usufruit.

Observons en second lieu, qu'il ne seroit pas permis non plus de dire que le bail à vie est essentiellement différent du droit d'usufruit, par cela seul qu'il comporte une charge quelconque annuellement imposée au preneur; car l'usufruit peut aussi être établi à titre onéreux comme à titre lucratif. Celui à qui on lègue un droit d'usufruit à condition de payer annuellement une somme à un autre, n'en est pas moins un véritable usufruitier : le mari qui a la jouissance des biens dotaux de sa femme, le bénéficier qui a celle des biens de son bénéfice, ne laissent pas

d'être de vrais usufruitiers, quoiqu'ils doivent supporter, l'un les charges inhérentes au mariage, l'autre celles qui sont attachées à la desserte de son bénéfice.

Observons enfin, que les contrats n'étant pas de simples mots, mais bien des choses dont les attributs essentiels sont indépendans de la dénomination plus ou moins impropre qu'on pourrait leur avoir donnée, ce n'est pas à la qualification du bail à vie ou de la constitution d'usufruit qu'il faut précisément s'attacher pour en déterminer l'espèce; mais bien aux droits et obligations qui doivent en résulter, dans l'intérêt des parties, d'après les clauses et stipulations qu'elles ont voulu insérer dans leur contrat. 104. Il n'est pas toujours facile de distinguer parfaitement les choses qui paraissent d'une nature mixte, tels que l'usufruit acquis moyennant une prestation annuelle, ou un bail à vie. Pour parvenir à cette distinction, occupons-nous d'abord poser avec précision les principes qui doivent nous diriger dans cette recherche.

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Ces principes, nous les trouvons consacrés soit par le droit romain, soit par la loi française, et ils sont éternels comme la raison sur laquelle ils reposent.

C'est un principe constant que, pour apprécier les droits qui résultent d'une convention écrite, et en déterminer positivement la nature, on ne doit la voir que dans l'acte même qui en contient la substance et les conditions; qu'on ne peut rien y ajouter qui soit étranger à ce qui est écrit, puisqu'aux termes du code, il n'est pas

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