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plantés dans un terrain, ou qui y croîtraient naturellement (1); et il n'est pas rare de voir des cas dans lesquels des communes sont reconnues propriétaires de divers terrains, tandis que des particuliers ont le droit exclusif d'y planter des arbres à fruit, ou de couper à leur profit les arbres forestiers qui y croissent naturellement.

Il y a donc quelques caractères de ressemblance entre la constitution d'usufruit et celle de superficie; car le superficiaire comme l'usufruitier jouissent d'un sol qui ne leur appartient pas; l'un et l'autre ont un droit réel dans le fonds d'autrui; l'un et l'autre ont l'action en revendication pour obtenir la délivrance et la jouissance de la chose; l'un et l'autre peuvent intenter l'action en dénonciation du nouvel oeuvre (2) contre le voisin qui apporterait du trouble à leur jouissance; le droit de l'un et de l'autre est également un immeuble susceptible d'être hypothéqué pour le temps de sa durée (5); enfin le droit de superficie dans un bâtiment s'évanouit comme celui d'usufruit, par la destruction de l'édifice.

Cependant ils diffèrent essentiellement, en ce que le droit de superficie n'est pas seulement un droit de servitude personnelle, comme celui d'usufruit, mais un droit de propriété transmissible aux héritiers et à tous autres successeurs (4).

(1) Voy. dans VOET, sur le dig., tit. de superficiebus. (2) L. 1, §. 20; et l. 3, §. 3, ff. de novi operis nuntiat., lib. 39, tit. 1.

(3) L. 15, ff. qui potiores in pignore, lib. 20, tit. 4. (4) Voy. dans Sotomayor, de usufructu, cap. 6, n.o9 13 et sequent.

CHAPITRE IV.

De la Division de l'Usufruit.

118. Sous le rapport de sa cause, on divise l'usufruit en usufruit légal, et en usufruit conventionnel, suivant qu'il est établi par la loi, ou par la volonté de l'homme (579).

On appelle donc usufruit légal celui qui est établi de plein droit par la disposition de la loi; et il y en a cinq espèces particulières, qui sont:

1.o L'usufruit que la loi accorde, à raison de la puissance paternelle, aux père et mère, sur les biens de leurs enfans mineurs, jusqu'à ce que ceux-ci soient parvenus à l'age de dix-huit ans accomplis, ou jusqu'à leur émancipation ;

2.o Le douaire dû aux veuves qui se sont mariées sous l'empire des coutumes, qui, en cas de survie, leur accordait un droit de jouissance plus ou moins étendu sur les biens de leur mari;

3. Le droit de jouissance qui résulte du fait du mariage, soit au profit de la communauté, sur les biens des deux époux mariés suivant le régime communal; soit au profit du mari seulement, sur les biens de la femme, si les époux en se mariant ont adopté le régime dotal;

4.0 Le droit d'usufruit qui appartient aux bénéficiers sur les biens de leurs bénéfices;

5. Enfin le droit d'usufruit qui appartient au Roi sur le domaine de la Couronne.

Nous parlerons successivement de chacune

de ces espèces particulières, dans les chapitres

suivans.

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L'usufruit conventionnel est celui qui est étapar la volonté de l'homme.

Quoiqu'il puisse être établi par dispositions testamentaires, comme par actes entre-vifs, nous lui donnons simplement la dénomination d'usufruit conventionnel, soit pour nous conformer à l'usage adopté par les auteurs, soit parce qu'il faut bien lui assigner un nom particulier. 119. Sous le rapport des choses sur lesquelles on peut établir un droit de jouissance, l'usufruit se divise en usufruit proprement dit et en usufruit improprement dit, ou quasi-usufruit.

L'usufruit proprement dit est celui qui est établi sur les choses dont on peut jouir en les conservant. Tels sont les immeubles et même une grande partie des choses mobilières.

Dans cette espèce d'usufruit, la chose, quant à la nue propriété, reste dans le domaine du propriétaire, tandis que l'usufruitier en jouit à la charge de la conserver.

L'usufruit impropre ou le quasi-usufruit est celui qui a pour objet des choses fongibles, c'està-dire des choses qui se consomment par le premier usage, comme le vin et le blé, ou qu'on fait consister dans le nombre, le poids ou la mesure, tels que l'argent, ou le fer en barre, ou un métal quelconque en lingot, pris au poids.

Ces choses sont appelées fongibles, parce que, dans les diverses négociations dont elles peuvent être l'objet, elles remplissent leurs fonctions

dans

dans le genre, en ce qu'une quantité quelconque est représentée ou compensée par une pareille quantité. Ideò dicuntur fungibiles quia una alterius vice fungitur.

120. Lorsqu'on a légué la jouissance des choses de cette nature, l'usufruitier en devient propriétaire par la délivrance qu'il en reçoit, puisqu'il n'est tenu ni de conserver, ni de restituer précisément ce qu'il a reçu, mais seulement d'en rendre l'équivalent en estimation, ou en quantité pareille; et c'est pourquoi on appelle ce droit de jouissance, un usufruit improprement dit, ou quasi-usufruit. Si vini, olei, frumenti ususfructus legatus erit: proprietas ad legatarium transferri debet. Et ab eo cautio desideranda est, ut quandocumquè is mortuus aut capite deminutus sit, ejusdem quantitatis res restituantur: aut æstimatis rebus, certæ pecuniæ nomine cavendum est; quod et commodiùs est. Idem scilicet de cæteris rebus quæ usu continentur, intelligendum (1).

Il résulte de là qu'en fait de choses fongibles, il n'y a pas de différence entre le droit d'usufruit et le droit d'usage qui auraient été légués sur une quantité déterminée, puisque dans um cas, comme dans l'autre, la même quantité devrait être livrée à l'usager comme à l'usufruitier, et que l'un comme l'autre ayant droit de consommer la chose, en acquerraient également la propriété, par la délivrance qui leur en serait faite, et seraient soumis à la même obligation et

(1) L. 7, ff. de usufruct. earum rerum,

TOM. I.

lib. 7, tit. 5.

10

au même cautionnement pour la restitution de la valeur estimative, ou d'une pareille quantité à la fin de leur jouissance. Si usus tantùm pecuniæ legatus sit, quia in hác specie usús appellatione etiam fructum contineri magis accipiendum est, stipulatio ista erit interponenda (1).

Il en résulte encore que le droit d'usufruit, ainsi que celui d'usage, légués sur des choses fongibles, ne s'éteignent, ou pour mieux dire, ne prennent fin que par la mort naturelle ou civile des légataires, lorsqu'on n'a point fixé d'autre terme à leur jouissance; in stipulatione de reddendo usufructu pecuniæ, duo soli casus interponuntur, mortis et capitis diminutionis (2); car un pareil droit ne peut cesser ni par abus de jouissance, ni par le non-usage, ni par la perte de la chose reçue, ni par consolidation du droit de propriété à celui d'usufruit.

Lorsqu'on a légué le droit d'usufruit ou d'usage sur une somme ou autre chose fongible, le légataire se trouve réellement créancier de la succession, comme si la somme lui était léguée en toute propriété et sans charge de restitution, puisqu'il a le droit d'en exiger le payement, comme devant en acquérir la propriété par délivrance qui lui en sera faite : il a conséquemment sur les immeubles de l'hérédité, l'hypothèque légale qui est accordée à tout légataire (1017), et ne doit prendre inscription qu'en son nom seul, puisqu'il est seul créancier, lors

(1) L. 10, §. 1, ff. eodem. (2) L. 9, ff. eodem.

la

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