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c'est là une erreur, parce que, comme nous le ferons voir dans la suite, l'usufruitier n'étant généralement tenu qu'aux soins d'un bon père de famille, il ne peut être, en fait de créances, responsable que des suites de la négligence qu'il aurait apportée à en poursuivre le recouvrement.

L'objet d'une créance pécuniaire est bien une chose fongible qui se trouve acquise en toute propriété à l'usufruitier qui en touche le remboursement; mais la créance elle-même n'est point une chose fongible, autrement on pourrait payer une créance par une autre, comme on peut payer une quantité de blé ou de vin, par une quantité égale; ce qui n'est pas possible. Et, loin qu'il soit permis de confondre la créance avec le capital qui en est l'objet, c'est que l'une s'évanouit par la prestation de

l'autre.

CHAPITRE V.

De l'Usufruit paternel.

Nous diviserons ce chapitre en quatre sec

tions. Nous examinerons :

Dans la première, ce que c'est que l'usufruit paternel; à qui il appartient; quelle est son origine, et quel est l'esprit particulier du code sur cette institution;

Dans la seconde, quelle est son étendue sous le rapport des objets auxquels il s'applique; ou, en d'autres termes, quels sont les biens aux

quels il s'applique, et quels sont ceux qui en sont exceptés;

Dans la troisième, quelles sont les charges dont cette espèce d'usufruit est spécialement affectée;

Dans la quatrième enfin, quel est le terme de cette jouissance des père et mère, et comment elle peut et doit cesser.

SECTION PREMIÈRE.

Ce que c'est que l'Usufruit paternel.

est son origine.

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Quelle

A qui il appartient. Quel est l'esprit particulier du code à ce sujet.

123. Aux termes de l'article 384 du code, « Le » père, durant le mariage, et, après la disso>>lution du mariage, le survivant des père et » mère, auront la jouissance des biens de leurs >> enfans jusqu'à l'àge de dix-huit ans accom» plis, ou jusqu'à l'émancipation qui pourrait » avoir lieu avant l'âge de dix-huit ans. »

Voilà ce que nous entendons par usufruit paternel: mais reprenons les principales expressions de cet article.

Le père durant le mariage: tant que le père est vivant, il est seul revêtu de la puissance paternelle; et cela est dans l'ordre naturel des choses, puisque la mère est elle-même sous la puissance du mari. Jusque-là le père doit donc avoir seul les émolumens utiles, attachés à un pouvoir qu'il exerce seul.

124. Après la dissolution du mariage: tout est

ici en rapport avec les enfans du mariage seu

lement; d'où il suit que les père et mère n'ont pas d'usufruit légal sur les biens de leurs enfans. illégitimes, parce que ce droit de jouissance ne peut exister que dans le cas où la loi l'accorde.

Si l'article 583 du code accorde aux père et mère quelques-uns des effets de la puissance paternelle sur leurs enfans illégitimes mais légalement reconnus, il les restreint positivement à ce qui concerne le droit de correction; donc il en exclut le droit d'usufruit légal.

Il n'y avait pas même raison non plus d'établir ce droit à l'égard de ceux-ci comme à l'égard des autres.

D'une part, l'enfant naturel n'a pas les mêmes droits que l'enfant légitime sur la succession de ses père et mère; il est donc juste que ceux-ci n'aient pas non plus les mêmes droits sur ses biens.

D'autre part, l'enfant naturel ne peut pas forcer son père à le reconnaître ; il serait donc encore contre l'équité, qu'un père qui aurait repoussé loin de lui un enfant qui n'avait rien, pût tout-à-coup faire une invasion dans le trimoine de cet enfant, en le reconnaissant seulement lorsque quelques biens lui seraient acquis.

pa

Enfin, et nous le répétons encore, le droit d'usufruit légal est un don de la loi positive; il ne peut exister que là où la loi l'établit expressément, et elle ne le donne qu'à l'égard des enfans du mariage: donc il n'existe pas envers les enfans illégitimes.

125. Le survivant des père et mère: autrefois, dans les pays de droit écrit, les femmes ne participaient ni à la puissance paternelle, ni aux avantages qui y sont attachés; conséquemment la veuve n'avait jamais l'usufruit légal des biens de ses enfans; mais, dans nos moeurs, on n'a plus voulu priver les mères des droits que la nature leur accorde; et la loi les associe aujourd'hui à ce bénéfice de la puissance paternelle.

Auront la jouissance : c'est-à-dire, l'usufruit, suivant que ce droit est ailleurs qualifié (389) par le code.

Ce droit de jouissance est véritablement un droit d'usufruit légal (601), puisqu'il n'est établi que par la volonté de la loi.

Il est soumis aux règles générales de l'usufruit, comme toute espèce particulière rentre sous le gouvernement du genre auquel elle appartient.

Néanmoins, comme toute espèce particulière doit avoir son caractère propre et distinctif; comme elle doit être régie par des lois spéciales, quant aux qualités qui n'appartiennent qu'à elle, le droit de jouissance des père et mère a aussi des règles d'exception qui lui sont exclusivement propres dans plusieurs cas, soit sous le rapport de sa cause et de sa durée, soit sous celui des objets auxquels il s'applique, soit sur-tout sous celui de ses charges.

Voilà pourquoi il est nécessaire de consacrer ici un chapitre particulier sur le développement

des droits qui, n'étant relatifs qu'à cette espèce, sortent de l'empire des règles communes. 126. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans : ainsi, après cet âge et jusqu'à la majorité des enfans, le père ou la mère n'est plus qu'un tuteur comptable des revenus de leurs biens.

Ou jusqu'à l'émancipation: ainsi ce droit de jouissance n'est aujourd'hui qu'un effet accessoire de la puissance paternelle, puisqu'il s'évanouit entièrement par l'acte d'émancipation : il n'en a pas même toute la durée, puisqu'il expire au moment où les enfans ont acquis l'âge de dix-huit ans, tandis que ce n'est qu'à 21 ans qu'ils cessent d'être soumis à la puissance paternelle : c'est unc récompense que la loi accorde aux père et mère pour les soins qu'ils doivent avoir de leurs enfans en bas âge, et voilà pourquoi elle cesse d'avoir lieu à l'époque où les soins les plus multipliés cessent d'être nécessaires : en un mot, c'est une espèce de traitement établi par la loi, au profit de celui qui est revêtu de cette magistrature domestique, traitement qui, dans tous les cas, doit s'évanouir avec la charge à laquelle il est inhérent; d'où il résulte que le père émancipant ses enfans ne pourrait plus, comme autrefois, en pays de droit écrit, conserver même la moitié de l'usufruit légal de leurs biens, puisqu'il n'y a plus d'usufruit légal après l'émancipation.

Il faut encore tirer de là cette conséquence que, quand les enfans mineurs viennent à décéder, l'usufruit légal est éteint par leur décès et ne peut durer jusqu'à l'époque où ils auraient eu

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