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leurs dix-huit ans accomplis; parce que la mort n'est pas moins puissante que l'émancipation, pour mettre fin à la puissance paternelle (1). 127. La constitution légale d'usufruit, comme effet de la puissance paternelle, nous vient du droit romain dont il ne sera pas inutile de retracer ici rapidement les dispositions à ce sujet, puisque celles de notre code s'y rattachent encore à certains égards, comme à leur source primitive, et que d'ailleurs il pourrait se présenter des questions transitoires pour la solution desquelles on serait obligé de remonter encore à ces anciennes règles.

A Rome, cet usufruit n'appartint jamais qu'au père ou autres ascendans mâles du côté paternel, parce qu'eux seuls étaient revêtus de la puissance paternelle sur leurs enfans et descendans; et ce droit durait jusqu'à la mort de l'usufruitier.

Dans les premiers temps de la législation romaine, dont les principes barbares rendaient le père propriétaire de son fils, et lui donnaient droit de vie et de mort sur lui, le fils ne pouvait avoir aucune propriété ; tout ce que le fils pouvait acquérir était acquis et appartenait, de plein droit, au père que la loi lui donnait pour maître absolu (2). Il n'y avait en conséquence point encore d'usufruit paternel, puisque les enfans n'étaient pas encore propriétaires.

(1) Sur tout cela, voyez encore plus bas, sous les

n.o 2050 et suivans.

(2) Instit. per quas personas cuique acquirit,, lib. 2, tit. 9, S. 1.

128. Mais cette législation inhumaine ayant été abrogée, et la faculté de simple correction ayant succédé à ce domaine proscrit par le droit de la nature, les lois accordèrent au fils de famille le droit d'avoir un patrimoine particulier connu sous le nom de Pécule (1), et dont on distingua par la suite quatre espèces qui furent successivement établies en leur faveur, pour les porter au métier des armes, ou les encourager à la culture des arts, ou stimuler leur industrie dans l'administration domestique. Ces pécules étaient connus et distingués par les dénominations de Pécule Castrense, Quasi-Castrense, Adventice, et Profectice.

129. LE PÉCULE castrense, qui vient en premier

ordre, fut aussi établi le premier, en faveur de l'art militaire; on l'accorda aux fils de famille enrôlés comme soldats (2), ou employés au service civil des armées (3), pour les encourager par la perspective de jouir, en toute liberté, des choses qu'ils acquerraient à la guerre.

Cette espèce de pécule se composait: 1.o des effets mobiliers que les père et mère ou autres parens, ou amis, donnaient aux militaires lors de leur départ pour l'armée (4): 2.o des successions de leurs compagnons d'armes, parens (5) ou amis (6), tant mobilières qu'immobilières, qui

(1) L. 5, §. 3, ff. de peculio, lib. 15, tit. 1.
(2) L. 11, ff. de peculio castrensi, lib. 49, tit. 17.
(3) L. 6, cod. de peculio castrensi, lib. 12, tit. 37.
(4) L.
cod. eodem.

(5) L. 4, cod. eodem.

(6) L. 5, ff. de peculio castrensi, lib. 49, tit. 17.

pouvaient leur être dévolues par testamens faits dans le service militaire conséquemment aux affections réciproques que conçoivent ordinairement (1) les uns pour les autres ceux qui courent les mêmes dangers: 3.o tout ce qu'ils pouvaient acquérir avec leur gain militaire (2).

Le fils était propriétaire absolu de cette espèce de pécule, en sorte que le père n'y avait aucun droit de propriété ni d'usufruit (3), quoiqu'il conservât d'ailleurs sa puissance paternelle sur la personne du militaire (4).

130. LE PÉCULE quasi-castrense fut établi en faveur de ceux qui cultivaient les sciences et les arts. Il comprenait les traitemens des magistrats (5); ceux des professeurs publics des sciences (6); les revenus des bénéfices (7), et tout ce que les ecclésiastiques pouvaient acquérir au service des autels (8); les honoraires des avocats (9); les prix et dons ou récompenses accordés par le gouvernement même aux personnes du sexe qui auraient bien mérité de la patrie (10).

Dans cette espèce de pécule, comme dans la

(1) L. 12, ff. de peculio castrensi, lib. 49, tit. 17.
(2) L. 1, cod. de peculio castrensi, lib. 12, tit. 37.
(3) L. 2, cod. eodem.-L. 4, S. I, ff. eodem.
(4) L. 3, cod. eodem.

(5) L. 37, cod. de inofficios. testam., lib. 3, tit. 28,
(6) L. 1, ff. de extraord. cognit., lib. 50, tit. 13.
(7) L. 34, cod. de episcopis, lib. 1, tit. 3.

(8) Novel. 123, cap. 19.

(9) L. 4, cod. de advocat. advers. judic., lib. 2, tit. 7. (10) L. 7, cod. de bonis quæ liberis, lib. 6, tit. 61.

précédente (1), le fils, quoique non émancipé, était réputé père de famille (2): le père n'en avait ni la propriété, ni l'usufruit (3). Le fils pouvait en jouir librement, le vendre et en disposer de toute manière (4).

151. LE PÉCULE adventice se composait: 1.o de ce que le fils de famille pouvait gagner hors du domicile paternel, autrement qu'en cultivant les sciences : 2.o de ce qui lui était donné par testament ou par acte entre-vifs: 3.o de ce qui lui arrivait par successions (5).

Cette troisième espèce de pécule appartenait au fils quant à la nue propriété ; et le père en avait l'usufruit durant sa vie (6): ainsi l'ancienne maxime, quidquid acquirit filius, acquiritur patri, se trouvait réduite à l'usufruit du pécule adventice; mais la puissance paternelle avait encore des effets très-considérables même à l'égard de ce pécule : le père en avait la pleine et libre administration, quel que fut l'âge du fils: il était maître de le régir comme il le jugeait à propos, sans consulter le fils, et sans être obligé à la sévérité d'un compte de tuteur ou d'un administrateur étranger; rerum habeat parens ple

(1) L. 16, S. 12, ff. ad S.-C. Trebellian., lib. 36, tit. 1; et d. 1. 34, cod. de episcopis, lib. I, tit. 3.

I;

(2) L. 2, ff. de S.-C. Maced., lib. 14, tit. 6.

(3) L. 6 in fine, princip., cod. de bonis quæ liberis ; et 1. 3, cod. de castrensi peculio.

(4) L. 1, §. ult.; et l. 2, ff. de S.-C. Maced., lib. 14, tit. 6.

(5) L. 6, cod. de bonis quæ liberis, lib. 6, tit. 61.
(6) D. 1. 6, cod. eodem.

nissimam

nissimam potestatem, utifruique his rebus quæ per filios-familiás secundùm prædictum modum acquiruntur, et gubernatio earum rerum sit penitùs impunita : et nullomodo audeat filius-familiás vel filia vel deinceps persona, vetare eum in cujus potestate sunt, easdem res tenere, aut quomodò voluerit gubernare (1). Il pouvait procéder en justice, tant en demandant qu'en défendant, dans toutes les actions relatives à ce pécule; mais sans espérance de répéter ses dépens; sumptus ex fructibus impigrè facere, et litem inferentibus resistere (2).

132. LE PÉCULE profectice comprenait les biens ou effets provenans du père même, et dont il avait seulement donné l'administration à son fils. Ce pécule restait entièrement dans le domaine du père; cependant le fils pouvait, dans l'exercice de son administration, prendre des engagemens, à l'exécution desquels le père était tenu, peculio tenùs.

Telle est l'origine primitive de l'usufruit légal attaché à la puissance paternelle.

133. Les auteurs du code, tout en consignant de nouveau cette institution dans notre législation actuelle, y ont apporté de grands changemens, parce qu'ils ont puisé dans d'autres sources encore que le droit romain, c'est-à-dire, soit dans les principes du droit naturel et des gens, soit dans les dispositions coutumières concernant la garde noble et bourgeoise à laquelle les mères

(1) d. l. 6, §. 2, cod. eodem.

(2) L. 1, cod. de bonis maternis, lib. 6, tit. 60.

TOM. 1.

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