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le concours du propriétaire, ne renferme que l'exercice du droit, et non le droit lui-même; que nonobstant cette cession, le cédant est toujour l'usufruitier en titre; qu'il reste toujours soumis aux obligations usufructuaires qui pèsent sur lui, dès le principe, pour garantir la conservation de la chose envers le maître du fonds, et que c'est toujours par sa mort que l'usufruit doit prendre fin.

Lorsqu'un droit d'usufruit est légué à un enfant mineur de dix-huit ans, c'est le père qui en a la jouissance, et qui en perçoit tous les émolumens utiles; et néanmoins c'est toujours l'enfant qui est le véritable usufruitier. Lorsqu'une femme apporte en dot un droit d'usufruit à son mari, c'est celui-ci qui en jouit durant le mariage, et cependant il n'est pas l'usufruitier en titre. Il en est de même de celui au profit duquel l'usufruitier a fait cession de son droit. La cession opère bien une aliénation de fait dans la jouissance; elle transporte bien au pouvoir du cessionnaire tout ce que cette jouissance peut avoir d'utile; mais elle n'opère pas un transport parfait dans le droit lui-même : elle n'en transfère que l'exercice. Le cessionnaire a si peu la qualité d'usufruitier proprement dit, que si, durant la vie du cédant, il vient à décéder, il transmet à ses héritiers les droits de jouissance qui lui sont acquis par la cession (1), ce qui ne pourrait être, si c'était un droit d'usufruit véritable qui lui

(1) L. 8, S. 2, ff. de periculo et commod. rei vend. lib. 18, tit. 6.

eût été transféré; puisqu'il s'éteindrait par son décès.

que

16. Concluons donc l'usufruit est une propriété incommunicable et incessible, de l'un à l'autre, par acte entre-vifs, et que, si les lois déclarent qu'il peut être cédé, cela ne doit être entendu que de la jouissance de fait, ou de l'exercice de droit, et non du droit en lui-même.

17. L'usufruit est donc une propriété essentiellement temporaire toujours incertaine dans sa durée, et par conséquent nécessairement incertaine aussi dans sa valeur ; et de-là l'on doit tirer quelques conséquences pratiques qu'il ne sera pas inutile d'indiquer ici.

18. La première; que, pour régler l'application de l'article 2019 du code, portant que la solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce, où lorsque la dette est modique, le créancier d'une valeur notable pourrait refuser pour caution celui qui ne serait qu'usufruitier, encore que son droit d'usufruit portât sur des immeubles: car, quoique l'usufruit soit alors luimême une propriété foncière, il est tel l'incertitude de sa valeur, qu'il ne pourrait servir de fondement à l'état de sécurité entière dans lequel la loi veut que le créancier soit placé, quand on lui a promis, ou qu'on lui doit une

caution.

par

19. La seconde ; que, pour l'application de l'article 167 du code de procédure, qui veut que l'étranger demandeur ou intervenant ne soit

exempt de fournir la caution judicatum solvi qu'autant qu'il consigne une somme jugée suffisante, ou qu'il justifie que ses immeubles situés en France sont suffisans pour répondre des frais et dommages-intérêts auxquels il pourrait être condamné; sa partie adverse ne serait point obligée de se contenter de la justification d'un droit d'usufruit immobilier dont la valeur toujours incertaine ne pourrait être pour elle d'un recours assuré; et c'est ainsi que le décidait déjà la loi romaine: Sciendum est, possessores immobilium rerum satisdare non compelli.... Eum verò, qui tantùm usumfructum habet, possessorem non esse Ulpianus scripsit (1).

20. La troisième; que pareillement, et pour l'application de l'article 5 de la loi du 10 septembre 1807, portant que l'étranger cesse d'être contraignable par corps, en matière civile, du moment qu'il justifie qu'il possède, sur le territoire français, des immeubles d'une valeur suffisante pour assurer le paiement de sa dette, on doit décider encore qu'un droit d'usufruit immobilier n'est pas de nature à mettre sa liberté à couvert, parce qu'il est impossible d'affirmer avec sécurité qu'une valeur soit suffisante lorsqu'elle ne peut cesser d'être incer

taine.

21. La quatrième; que, pour l'application de l'article 2212 du code portant que si le débiteur poursuivi justifie, par baux authentiques, que revenu net et libre de ses immeubles pendant

(1) L. 15, f. qui satisdare cogantur, lib. 2, tit. 8..

le

une année, suffit pour le payement de la dette en capital, intérêts et frais, et s'il en offre la délégation au créancier, la poursuite peut être suspendue par les juges, sauf à être reprise s'il survient quelque opposition ou obstacle au payement, l'usufruitier ne serait point admissible à revendiquer le bénéfice de cette délégation forcée, sur les revenus des biens dont il jouit à ce titre, à moins que la portion du prix du bail déjà acquise jour par jour, à son profit, comme fruit civil, ne fût suffisante à la garantie du créancier.

Il faut, en effet, que le débiteur poursuivi justifie, par , par baux authentiques, que le revenu net et libre de ses immeubles pendant une année suffit au payement qui lui est demandé: il faut que la délégation offerte au créancier, porte sur un droit certain: or on ne peut pas dire que l'usufruitier qui n'a d'autres revenus que ceux qu'il attend des biens dont il jouit à ce titre, réunisse toutes ces conditions en sa faveur, puisque son droit de jouissance est toujours incertain, et ne peut cesser d'être purement éventuel dans sa durée.

Le propriétaire, comme nous le dirons plus bas (1), peut déléguer et aliéner irrévocablement son droit de jouissance pour l'avenir; mais l'usufruitier ne le peut pas dans un sens également absolu, puisque ce droit ne peut cesser d'être résoluble par son décès.

Si les auteurs du code ont voulu que le propriétaire pût forcer son créancier à recevoir la (1) Voy' sous le n.o 985,

délégation dont il s'agit, pour surseoir à l'action en expropriation par lui intentée, c'est parce qu'elle contient, pour celui-ci, un gage autant certain que possible; on ne pourrait donc, sans faire sortir cette disposition de la loi hors de son hypothèse, l'appliquer à la cause de l'usufruitier qui ne peut offrir qu'un gage absolument incertain dans sa valeur.

22. L'usufruit est, de sa nature, intransmissible héréditairement; car, si l'héritier de l'usufruitier pouvait le recueillir dans la succession du défunt, comme un de ses autres biens, il en serait de même des héritiers du premier successeur, et ainsi de suite, en sorte qu'il n'aurait pas de fin, parce qu'il n'y aurait pas de raison pour s'arrêter à un successeur plutôt qu'à l'autre, et qu'ainsi le droit de propriété ne serait plus qu'une chose illusoire dans les mains de son maître.

Mais quoique l'usufruit, envisagé sous le rapport de la personne de celui qui en est revêtu, ne soit qu'un droit personnel qui s'éteint avec lui, il n'en est pas moins un droit réel, jus in re, dans la chose qui y est soumise, puisqu'il entraîne, pour le temps de sa durée, un démembrement dans la propriété; et c'est le dernier point de vue sous lequel il nous reste à l'examiner ici.

23. III. CONSIDÉRÉ dans l'objet auquel il s'applique, l'usufruit emprunte le corps de la chose même qui doit être livrée à l'usufruitier pour qu'il en jouisse : la loi le place au rang des meubles ou des immeubles, suivant qu'il est établi sur des choses mobilières ou immobilières

(526),

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